Plagiat

“Le plagiat est nécessaire. Le progrès l’implique. Il serre de près la phrase d’un auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par l’idée juste.”

Isidore Ducasse dit comte de Lautréamont, Poésies, 1870

The Cure : Boys don’ cry (Smith, Dempsey, Tolhurst), 1979
The Mynah Birds : It’s my time (Valvano, Taylor, Matthews), 1966

A noter que The Mynah Birds avait comme guitariste un certain Neil Young.

En Cure

Retour sur le concert de The Cure du 28 novembre 2022 à Bercy.

C’était la deuxième fois que j’avais la chance d’assister à un concert de The Cure en ce lieu. La première fois, c’était hier : en 1987, à l’occasion de la tournée suivant la sortie de l’album Kiss me kiss me kiss me. J’avais découvert The Cure 3 ans plus tôt avec The Caterpillar, morceau de pop psychédélique qu’une copine m’avait fait écouter, et dont les crissements de violon (je parle de la musique, hein, pas de la copine), les notes de piano déglingué et la voix faussement juvénile de Robert Smith (osant jouer des castagnettes avec son “catacatacatacatacaterpillar girl”) m’avaient scotché. Allez savoir pourquoi, en pleine adolescence, ça vous change la vie, une telle découverte. Ça ouvre le champ des possibles, à un âge où on a facilement l’impression que tout est impossible. Bref, j’ai couru dès que j’ai pu acheter un disque (vinyl, forcément) de ce groupe. Comme je ne connaissais pas le titre du morceau que j’avais entendu, j’ai pris le premier album qui m’est tombé sous la main : Faith. Sitôt le disque posé sur la platine, ce fut un nouveau choc : au lieu de l’explosion de couleurs de la pop déjantée à laquelle je m’attendais, ce fut le froid lugubre de l’album le plus neurasthénique de The Cure. Grosse déception sur le moment : non mais enfin, qu’est-ce que c’est que ce truc ? On m’a menti, c’est pas le bon groupe… Mais attends voir… C’est bien la même voix pourtant, y a pas de doute. Et puis c’est glauque, peut-être, mais… ce son, c’est du putain de génie !

Voilà comment je suis tombé dedans. Je veux dire dans les deux facettes de The Cure : la lumineuse et la grise. A propos de Morissey, l’ex-chanteur des Smiths qui lui voue une inexplicable et néanmoins tenace haine, Robert Smith a déclaré un jour : “Il est tout ce que les gens pensent que je suis. Morrissey chante la même chanson à chaque fois qu’il ouvre la bouche. Au moins j’ai deux chansons, The Lovecats et Faith.” Plus Smith que les Smiths, Robert. Et c’est exactement ça, dit avec cet inimitable sens anglais de l’autodérision : The Cure, c’est deux morceaux déclinés à l’infini avec génie.

Et donc en 1987, j’avais pleinement digéré les deux, ayant tripé comme c’est pas possible sur toute l’ample discographie déjà disponible du groupe. A l’époque, le public qui s’était rué sur le palais omnisports de Bercy était jeune, et on ne comptait plus les clones de Robert Smith en habit noir et chevelure en pétard. C’est autre chose en 2022 : c’est cette fois une marée de cheveux gris qui est venue prendre sa cure de cold wave et de pop psychédélique. Quasiment pas de jeune à l’horizon. Dommage pour eux.
De mon côté, j’avoue que j’avais un peu lâché l’affaire après l’album Disintegration de 1989. J’avais suivi le reste de loin, sans y mettre la même passion. Parce que j’étais passé à autre chose (Pixies, Nirvana, Pavement, Ride, Oasis, Chemical Brothers, Dandy Warhols, Brian Jonestown Massacre…) ? Ou parce qu’en dépit du succès planétaire de l’album Wish et des tournées qui n’ont jamais cessé dans les années 2000 et 2010, les deux chansons de l’ami Robert commençaient à tourner un peu en rond malgré les quelques renouvellements de musiciens au sein du groupe, au point qu’il n’avait même plus réussi à sortir un nouvel album depuis le peu marquant 4:13 Dream en 2008 ?

Bref, je n’avais pas d’urgence à replonger, et surtout pas dans l’immensité de Bercy (au moins a-t-on échappé à une horreur comme le Parc des Princes ou le Stade de France). Mais bon, cela faisait deux ou trois ans qu’on nous annonçait un nouvel album de The Cure, toujours reporté, et puis peut-être ne fallait-il pas rater cette occasion de revoir un Robert Smith de 63 ans qui venait peut-être jouer pour la dernière fois à Paris. Après tout, cela fait bien quarante ans qu’il annonce qu’il arrête. Il va peut-être finir par le faire ?

Disons le tout net, le concert était bon, très bon même, malgré une batterie un poil surmixée, peut-être, par rapport aux guitares, pourtant en surnombre, avec le retour de Perry Bamonte à la 6 cordes, en plus de Reeves Gabrels (l’ancien comparse de David Bowie dans Tin Machine) et de Robert Smith lui-même, dont la voix inimitable fait toujours merveille. Le batteur Jason Cooper, déjà vétéran dans le groupe, tient largement la comparaison avec ses prédécesseurs. L’imperturbable Roger O’Donnell fait aussi le job aux claviers. Et Simon Gallup, la basse en-dessous des genoux, est toujours le pilier du groupe. Je n’ai donc pas eu à regretter l’absence des anciens de 1987, Lol Tolhurst, Porl Thompson ou Boris Williams. Durant 2h40, The Cure a enchainé les classiques, et même osé quelques “chansons nouvelles” présentées in french dans le texte par un Robert Smith qui, je l’espère, n’a pas entendu les quelques “non” de désapprobation murmurés dans la salle. Il faut dire que ces “chansons nouvelles” étant plus dans le registre atmosphérique planant que dans la veine la pop, les découvrir en concert sans les avoir jamais entendues en version studio n’était pas le plus évident. Comme d’autres curistes sans doute, je dois donc avouer que si je me suis passagèrement ennuyé durant le concert, c’est justement lorsque The Cure a joué ces nouveaux morceaux.

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Forever Young

J’imagine que tout le monde connaît Neil Young, que ce soit pour ses collaborations folk mythiques avec Crosby, Stills & Nash, notamment à Woodstock, son fameux album Harvest, son harmonica, son gros son de guitare qui a inspiré le grunge (comme sur “Hey hey my my”)… Enfin moi, c’est ce que je connaissais. Et puis j’ai décidé de me plonger plus avant dans la discographie du Canadien, et c’est ouf, mais y a quasiment rien à jeter à part l’horrible album de 1986 Landing water avec ses horribles synthés et la batterie lourdingue de Steve Jordan (actuel batteur des Rolling Stones, vraiment pas inspiré à l’époque avec ses percus électroniques). Pourtant, il a pondu des trucs vraiment barrés, des fois, le Neil : de la new wave robotique, du rockabilly, du grunge (avec Pearl Jam), de la country, du jazz… parfois tout seul, avec le groupe Crazy Horse ou d’autres musiciens… toujours avec cette voix de fausset si reconnaissable.

Je partage ici un titre de 2016 qui glisse tout seul, sobre, avec un arrangement guitare folk / basse / batterie (le batteur est ici Jim Keltner, excusez du peu : c’est le gars qui joue sur l’album Imagine de John Lennon, mais aussi sur d’autres albums du même Lennon, de George Harrison, Ringo Starr, Harry Nilsson, Joe Cocker… enfin c’est pas le bûcheron du coin, quoi). La chose étonnante étant que la voix comporte sur les choeurs un effet “autotune”, cette saloperie dégueulasse que les groupes de rap ou de variétoche d’aujourd’hui collent partout, au point que Les Limiñ​anas, génial groupe garage français que je ne saurais trop recommander, ont sorti des t-shirts et des badges “Kill auto-tune”. Eh bien quand c’est Neil Young qui en met, c’est beau. Voilà.

Et ces paroles, mes aïeux :

"That damn traffic today is terrible
And everywhere I look I see people alone
Alone with their heads looking in their hands
Lost in the conversations stare
Walking with their eyes looking at the screen
Talking like they were really there
​I'm lost in this new generation
Left me behind it seems
Listening to the shadow of Jimmy Hendrix
Purple haze soundin like TV"

Alors, vieux con, Neil ? Nan, forever Young.

Demo 1996

Auteur : Les Vaches Folles

Date : 1996

Infos :

Demo enregistrée et mixée par Nico au Luna Rossa, dans les frigos du 91 quai de la gare à Paris.

Pistes :

  1. “48 h” : Un morceau pop de Siegfried G, aux sonorités inspirées par The Clash avec des paroles racontant l’histoire complètement fictive d’un Don Juan moderne qu’on pourrait croire échappé d’une chanson de Brassens. Stéphane assure ici la batterie avec fougue.
  2. Paranoïa” : Un morceau ironique de Stéphane P, avec un riff de guitare aux accents de Noir Désir. La batterie est ici assurée par Siegfried G, ainsi que le piano et les choeurs.
  3. “Le journal” : Siegfried G s’essaie ici à l’humour noir en nous plongeant dans la peau d’un “honnête” tueur en série indigné par les sous-entendus racistes de la presse après un de ses crimes. Stéphane P assure ici la batterie, les choeurs et le violon.

Licence de diffusion :

Les Vaches Folles

Groupe pop-rock garage créé en 1995 par Stéphane P, Siegfried G, Stéphane L “guitare hero” et Benoît D.

Après un dernier concert à la fête de la musique en 1995, les Black Noddles se sont séparés, l’essentiel du groupe continuant sous le nom d’Alibi, dans un registre funk/fusion autour d’Eric et Silvia C, tandis que Siegfried G (clavier, harmonica) et Stéphane L (guitare) s’orientaient vers des registres plus rock et expérimentaux. Stéphane L allait rejoindre le groupe Clamantis et Siegfried G fonder Psychonada puis Crème Brûlée où il passerait à la guitare. Toutefois, Siegfried et Stéphane avaient toujours envie de jouer ensemble. Impossible pour Stéphane “guitare hero” de rejoindre Psychonada où Siegfried et Stéphane P tenaient déjà les guitares. L’idée vint donc de former un autre groupe, où Stéphane P et Siegfried alterneraient à la guitare et à la batterie (tous deux ne ratant jamais une occasion d’aller taper sur les futs du batteur des groupes où ils jouaient dès que celui-ci avait le dos tourné) avec Stéphane L, donc, prenant la deuxième guitare. Stéphane P et Siegfried G jouaient encore aussi parallèlement dans le groupe “Nonante What ?” (ex “Les Gniards”) avec Benoît D à la basse, mais le groupe était en train de s’éteindre, faute de motivation des autres membres, et Benoît devenait donc une recrue évidente pour le nouveau groupe qui allait s’appeler “Les Vaches Folles”. Les limitations de Siegfried et Stéphane P à la batterie obligeraient le groupe à rester dans un registre rock garage, mêlant les compos les plus rock de Siegfried et Stéphane P (“Mary-Jane”, “Le Journal”, “Paranoïa”, “Crazy feeling”, “La radio”…) et des reprises (“She said she said”, des Beatles, “Wild thing” des Troggs, “I’m free” des Rolling Stones, “Guns of Brixton” de The Clash, “Waiting for the man” du Velvet Underground…). Après quelques répétitions, le groupe fit son premier concert à l’IGN en décembre 1995, puis enregistra une demo au studio Luna Rossa en 1996. Le groupe joua aussi à la Fête de la musique la même année. Par la suite, Stéphane L, pris par le groupe Clamantis et la vie de famille, fut moins disponible, et Benoît rejoignit finalement Stéphane P et Siegfried G dans Crème Brûlée en 1997. Ne possédant pas de batterie, Stéphane P et Siegfried G restaient tributaires d’emprunts pour les concerts et préférèrent se recentrer sur la guitare en duo dans les bars ou derrière le batteur de Crème Brûlée.

Discographie

Concert à l’IGN (1995)
Demo 1996
Répétitions (1996)

Membres

Stéphane P : voix, guitare, batterie, violon
Siegfried G : voix, guitare, batterie, piano
Stéphane L “guitar hero” : guitare, basse
Benoît D : basse, voix

Demo 1999

Auteur : Crème Brûlée

Date : 1999

Infos :

Les trois premières pistes ont été enregistrées et mixées en studio par Stéphane L “guitar hero” en août 1999 , les trois suivantes ont été enregistrées dans le garage de Franck C en juillet 1999 puis masterisées par Siegfried G.

Pistes :

  1. Aurélie sait” : Clin d’oeil à des morceaux du Velvet Underground ou Lou Reed (“Stephanie says”, “Candy says”, “Lisa says”), ce morceau power pop voit se juxtaposer deux compositions de Stéphane P et Siegfried G, qui collaient bien ensemble, sur des paroles de Stéphane.
  2. On s’est marré” : … “comme des rats morts”, précise ironiquement Siegfried dans ce morceau pop déglingué au crescendo puissant et néanmoins désespéré. Paroles & musique : Siegfried G.
  3. Le goût de la fuite” : morceau pop et néanmoins désabusé. Paroles & musique : Siegfried G.
  4. Emma” : Stéphane explore ici sa passion pour les nichons. Paroles & musique : Stéphane P.
  5. Du haut de la roche Tarpéienne” : Morceau composé à la mémoire d’Eric C. Paroles & musique : Siegfried G.
  6. Décembre plombé” : ballade pop dépressive. Paroles et musique : Stéphane P.

Licence de diffusion :

Critique de “It’s Not Them. It Couldn’t Be Them. It Is Them !”, album de Guided By Voices

Après les avoir découverts grâce à l’émission de Bernard Lenoir sur France Inter (souvenirs souvenirs), j’ai eu la chance de voir deux fois Guided By Voices en concert à Paris, à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Croyez-moi si vous le voulez, mais les deux fois, nous étions à tout casser une trentaine de spectateurs, et la deuxième fois, j’ai reconnu des gens qui y étaient la première. C’est dire si ce groupe n’était pas très connu au pays de Mireille Mathieu et Gérard Lenorman. Et je doute que cela ait vraiment changé depuis.

Pourtant, Guided By Voices est un groupe américain mythique, et sans doute le groupe de rock le plus prolifique qui ait jamais existé : sorti en octobre 2021, “It’s Not Them. It Couldn’t Be Them. It Is Them !” est le 34ème album du groupe (depuis 1987, c’est en fait plus d’une centaine d’albums qui ont été réalisés par Robert Pollard, ex-instituteur chanteur et fondateur inamovible du groupe (qui a vu se succéder des dizaines de membres), Pollard n’hésitant pas à publier sous d’autres noms de groupe ou en solo ce que le label qui avait signé Guided By Voices refusait de sortir. Le vieux Bob, qui compose plus vite que son ombre, serait à ce jour l’auteur de plus de mille titres ! Et toujours cette voix capable de dérailler complètement mais aussi de poser doucement la plus parfaite des mélodies.

Dans les premières années, Guided By Voices (GBV pour les fans), tout droit sorti de Dayton, dans l’Ohio, sonnait un peu comme un garage band fauché qui aurait essayé de faire du R.E.M. avec du matériel de contrebande.

Parmi une ribambelle de morceaux mal enregistrés, parfois coupés en plein milieu, et au son souvent approximatif pleins de souffle et de crachouillements (d’où l’étiquette “Lo-fi” qui a été collée au groupe) se cachaient déjà de véritables pépites mélodiques.

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Critique de “Dark Matters”, nouvel album (et ultime ?) des Stranglers

Dave Greenfield est mort, victime de l’épidémie de covid 19, le 3 mai 2020, à l’âge de 71 ans. Claviériste virtuose aux arpèges virevoltants (souvent comparé à Ray Manzarek des Doors, mais sans doute plus inspiré par John Lord de Deep Purple), c’est son style et ses arrangements qui avaient propulsé les Stranglers au-delà du ghetto punk dans les années 70 (pensez-donc : un clavier dans un groupe punk !) jusqu’aux rivages prog, new wave et pop qui avaient vu le groupe s’épanouir dans les années 80.

C’est lui, d’ailleurs, qui avait composé en 1982 la célèbre partie de clavecin qui structure “Golden brown”, fausse valse bancale (des mesures à 4 temps s’intercalant dans la structure ternaire) mais véritable hymne à la défonce, qui fut le morceau des Stranglers au plus fort succès.

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