STOP la connerie

Dans le domaine de la connerie réactionnaire antisociale, un “collectif” brille particulièrement : il s’appelle “Stop la grève” et a même son site internet, sur lequel on peut lire ceci :

Stop la grève est un collectif qui défend le droit pour chacun de ne pas être pris en otage par les manœuvres politiciennes engagées tantôt par les syndicats, qui défendent bien plus facilement leurs intérêts plutôt que ceux des français, tantôt par certains dirigeants politiques, tout heureux de pouvoir compter (et jouer) sur le “capital grévistes” afin de prendre le pays tout entier en otage et d’empêcher le bon déroulement d’une réforme dans notre pays.

Arrêtons-nous pour commencer sur cette prose qui fleure bon l’UNI ou quelque soupente poujadiste de l’UMP, voire du FN. La “prise d’otage” est bien sûr un grand classique. Il ne serait pas venu à l’esprit de ces buses qu’une grève qui ne prend personne en “otage” (ou plutôt qui ne crée aucune gêne, le terme d’otage étant évidemment bien trop fort) ne servirait rigoureusement à rien… Ou plutôt si, ils l’ont sans doute parfaitement compris et c’est bien ce qu’ils veulent : que le peuple perde toute possibilité de résister au pouvoir national-sarkozyste qui lui a déclaré la guerre.

Quant aux “syndicats” qui défendent “leurs intérêts” plutôt que ceux des “Français”, c’est un amusant renversement de la réalité (“Stop la grève” accuse même dans ses communiqués ou sur ses affiches les grévistes d’être “égoïstes”, “corporatistes” et de s’accrocher à leurs “privilèges” : on croit rêver !). On se demande en effet quels mystérieux “intérêts” qui ne seraient pas ceux des “Français” pourraient avoir à défendre les “syndicats”. Des intérêts pas français, peut-être ? Dommage qu’on ne puisse plus accuser la main de Moscou ! Ben Laden, alors ?

Prenons l’exemple des grèves actuelles contre la casse des retraites. Les différents syndicats se sont unis, et le mouvement a reçu, d’après les sondages, le soutien d’une large majorité des Français. Tous ces travailleurs engagés dans la grève au prix de lourdes retenues sur salaire défendent effectivement leurs intérêts à tous, à savoir justement l’intérêt des Français en général, y compris des non-grévistes, autrement dit l’intérêt général. Mais ces intérêts ne semblent décidément pas être les mêmes que ceux des “Français” du collectif “Stop la grève”. Qui sont donc ces “Français” qui n’ont pas les mêmes intérêts que le reste du peuple de France ? Ne serait-ce pas justement ceux-là mêmes qui accaparent les richesses dont ils refusent le partage, confisquent le pouvoir, défendent leurs privilèges de classe contre le peuple ? Ne serait-ce pas justement les oligarques de l’UMP et du MEDEF, les jeunes héritiers bas du front (national) de l’UNI ? Ne serait-ce pas par exemple Guillaume Sarkozy, frère de l’autre, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas les mêmes intérêts que le bas-peuple aspirant à une retraite pleine et entière à 60 ans ? Il dirige en effet un fond de pension (Malakoff-Médéric) qui prospèrera évidemment davantage si les Français obligés de renoncer à toucher une retraite décente se retrouvent dans l’obligation de capitaliser toute leur vie pour s’en sortir une fois qu’ils auront 60 ans. Virés par les entreprises qui les trouveront trop vieux, ils seront encore trop jeunes pour toucher leur retraite. Merci qui ? Merci Sarkozy, et merci “Stop la grève” qui aura contribué par sa propagande mensongère à briser la résistance du peuple.

Les “syndicats” et “certains dirigeants politiques” auraient vocation à empêcher tout “bon déroulement d’une réforme dans notre pays” dit encore “Stop la grève”. C’est également un gros mensonge digne de Goebbels (« n’importe quel mensonge, à force d’être répété, finit par être cru »). Les “réformes” dont parle “Stop la grève” ne sont en réalité que des contre-réformes visant à revenir sur des acquis sociaux. Il ne fait aucun doute qu’une vraie réforme sociale ne déclencherait aucune grève des travailleurs. Imaginons que le gouvernement abaisse l’âge de la retraite à 58 ans, par exemple. Aucune raffinerie ne serait bloquée, de même qu’aucun lycée, aucun transport en commun. Personne ne descendrait dans la rue pour protester ! Personne ne se mettrait en grève ! A part peut-être Guillaume Sarkozy… et Sébastien Bordmann, l’auteur du site de “Stop la grève”, et militant très actif de l’UNI, syndicat universitaire d’extrême-droite. Tiens donc.

Stop la grève ? Cut the crap !

Du goudron et des plumes pour les jaunes orange !

Au début du XXe siècle, les briseurs de grève se désignaient eux-mêmes comme des “jaunes” (couleur papale), s’opposant aux “rouges”. Des syndicats jaunes furent même créés en France et ailleurs (comme les Yellow Unions en Angleterre) : manipulés voire créés de toute pièce par les patrons, ils s’opposaient aux grèves et en contrecarraient l’efficacité en organisant la poursuite du travail.

Au XXIe siècle, il n’existe plus officiellement de syndicat jaune. On sourira tout de même de la prolifération de la couleur orange dans les manifs : la CFDT, qui a adopté cette couleur, veut sans doute faire référence à la révolution orange ukrainienne de 2004, oubliant en passant qu’elle n’avait pas le monopole de cette couleur choisie aussi par François Bayrou pour le MODEM en 2007 (quelle imagination !) — mais est-ce vraiment un oubli ?

En tout cas, du jaune au orange, il n’y a pas loin : une fois de plus, Chérèque, le n°1 de la CFDT, s’est dévoué pour briser la grève contre le projet de loi sur les retraites, en acceptant de fait l’inéluctabilité de la loi, et en proposant une négociation bidon au patronat sur un autre sujet, à la grande joie de Parisot. Cut the crap !

Les mensonges grossiers de la droite réactionnaire

Automne 2010 : le peuple français se mobilise contre le projet de loi qui vise à reculer l’âge de la retraite. Pourtant, la “droite la plus bête du monde” (dixit Guy Mollet) s’obstine dans ses mensonges dont les échos se répètent à l’infini dans la bouche des rentiers haineux comme des petits-bourgeois aigris :

La réforme des retraites est indispensable.

Faux ! Il ne s’agit pas d’une “réforme” apportant une amélioration nouvelle au système des retraites, mais d’une contre-réforme réactionnaire revenant sur un acquis social : la retraite à 60 ans, acquis social que le patronat n’a jamais accepté de bon gré, évidemment, comme il n’a jamais accepté les congés payés ni le droit de grève ni aucun des droits conquis de haute lutte par les salariés depuis 2 siècles.

Employer le mot “réforme”, dans ce cas, est déjà mensonger. Une vraie “réforme” irait dans le sens d’une diminution du temps de travail, au moins pour ceux (l’immense majorité des travailleurs) qui subissent leur activité professionnelle comme une aliénation. Le passage de l’âge de la retraite de 65 à 58 ans en Bolivie, par exemple, est une authentique “réforme”. La loi que le gouvernement français fait passer en force dans le plus grand mépris du parlement vise, elle, à revenir sur la réforme de 1983 qui avait porté l’âge de la retraite à 60 ans. Il s’agit donc bien d’une contre-réforme.

Prétendre que cette contre-réforme est inévitable, c’est couper court à toute discussion. Qui serait assez fou, en effet, pour chercher à éviter l’inévitable ? Sauf que cette contre-réforme était tout à fait évitable. Il suffisait en effet de décider de l’éviter. Car s’il est vrai que le départ à la retraite de la génération du Baby Boom risque de peser sur les actifs, il faut aussi prendre en compte les gains constants de productivité déjà générés par les salariés depuis 1983. Bien sûr, l’Etat peut difficilement garantir le maintien de la retraite à 60 ans et dans le même temps faire baisser le taux d’imposition des plus riches grâce au bouclier fiscal. Entre les deux, le chef de l’Etat français a choisi. Il a choisi l’injustice.

Tous les autres pays ont déjà reculé l’âge de la retraite.

Faux ! La Bolivie d’Evo Morales, par exemple, après des années d’ultra-libéralisme, passe l’âge de la retraite de 65 à 58 ans. Il n’y a donc nulle fatalité.

Le recul de l’âge de la retraite est rendu inéluctable par la démographie.

Faux ! La France a un taux de fécondité qui dépasse les 2 enfants par femme en âge de procréer. En Europe, seule l’Irlande peut se targuer d’une fécondité aussi élevée. Que des pays comme l’Allemagne (où le taux de fécondité n’est que de 1,4) reculent l’âge légal de la retraite, cela ne peut constituer un exemple à suivre pour un pays comme la France, où la situation démographique est bien différente.

Les Allemands, eux, ont déjà la retraite à 67 ans.

Faux ! Comme l’expliquait Gérard Filoche sur “Arrêt sur images”, les Allemands peuvent bénéficier de la retraite au bout de 35 annuités, et le recul de l’âge de la retraite à 67 ans est prévu pour 2030.

Cut The Crap

Arrêtons les conneries ! Cut the crap !

National-sarkozysme, Etat policier, confiscation du pouvoir, népotisme, corruption, dictature économique, soumission sociale, renforcement des inégalités, perpétuation des injustices, phallocratie, destruction de l’environnement, abêtissement de la population, laideur bling bling, isolement des individus, résignation, impuissance des peuples… autant de fléaux que le “Spectacle”, “l’Empire”, autrement dit, tout bonnement, le capitalisme moderne, masque sous le pauvre charabia d’une novlangue qui n’a rien à envier au cauchemar de George Orwell. Plus que jamais, la “Lingua Quintae Respublicae” dénoncée par Eric Hazan est l’outil du mensonge et de la guerre que les capitalistes et les gouvernements à leur solde mènent contre les acquis sociaux et contre toute forme d’émancipation du peuple.

Nous essaierons sur ce blog de participer à la démystification qui s’impose. Dans la guerre en cours, nous avons évidemment choisi notre camp.

Bibliographie :

Guy Debord, La Société du Spectacle, 1967, et Commentaires sur la Société du Spectacle, 1988
George Orwell, 1984, 1948
Toni Negri et Michael Hardt, Empire, Exils, 2000
Jean Ziegler, L’empire de la honte, Fayard, 2005
Eric Hazan, LQR, La propagande du Quotidien, Raisons d’agir, 2006
Tiqqun, Contributions à la guerre en cours, La Fabrique, 2009
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