Quand il existait un parti socialiste

“Le parti socialiste est un parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste, et pour moyen l’organisation économique et politique du prolétariat.”

Déclaration de principe de la SFIO, 1905

Coalition antiraciste anticapitaliste

“Si donc, pour faire dans les grands mots, on devait formuler une éthique politique des luttes, ou de la coexistence des luttes, elle aurait pour premier principe de ne rien faire dans sa lutte qui puisse nuire aux autres luttes. A commencer par simplement s’abstenir de les débiner — comme inutiles distractions. Et aussi de passer par des lieux, des supports, ou des “alliés”, fussent-ils de rencontre, instrumentaux même, qui font objectivement du tort aux autres luttes. Par exemple : on ne va pas poursuivre la sortie de l’euro avec les racistes du RN (quand ils la poursuivraient…) ou les “souverainistes des deux bords” ; on n’entreprend pas de sauver le peuple de la classe ouvrière par la “Révolution nationale” ; on ne fait pas des procès pour racisme à des militants marxistes au seul motif de leur préférence pour la lutte des classes, etc. Moyennant quoi on laisse quelque chance à des petits miracles comme, par exemple, le mouvement Lesbians and Gays Support the Miners pendant les grèves de 1984 en Grand-Bretagne, ou encore, plus étonnant, ce rapprochement, en 1968, des Young Patriots, groupe de salariés blancs pauvres de Chicago, cochant à peu près toutes les cases du White trash (musique country, armes, drapeaux confédérés)… avec les Black Panthers, dont le leader dans l’Illinois décida de prêter moins d’attention à leurs boucles de ceinturon à pistolets croisés qu’à leur programme concret d’actions, vit qu’en réalité tout était réuni pour une alliance des luttes antiracistes et anticapitalistes, d’où naquit une improbable mais bien réelle Rainbow Coalition. L’idée étant qu’à, la fin ces rapprochements “miraculeux” deviennent un peu plus de l’ordre de l’ordinaire.”

Frédéric Lordon, Figures du communisme, p.246, La fabrique, 2021

Cucul

“Le “cucul”, c’est l’amour immodéré de la concorde, immodéré parce qu’il va au point de ne plus voir quand il y a de la discorde. Le signe indubitable de la “cuculerie” réside dans une passion si angoissée de l’harmonie sociale qu’elle ne peut pas supporter la moindre vision de conflit. D’où suit nécessairement l’évacuation de toute politique, ou plutôt sa dissolution caractéristique dans la morale — d’une part dans le partage entre la qualité morale des “cuculs” et la défectuosité des autres (qu’on ne sait pas comment qualifier), d’autre part dans la conversion de l’action politique en entreprise de redressement (des défectueux) et d’appels aux élans (de tous).”

Frédéric Lordon, Figures du communisme, La Fabrique, 2021

Presse libre

“Que les capitalistes investissant dans la presse lâchent la rentabilité financière, ça n’était pas très difficile à comprendre : le pouvoir d’influence vaut bien quelques fonds perdus, il résulte que les propriétaires seront d’autant moins enclins à partager le pouvoir qu’il leur reste — le pouvoir de la ligne. Ou alors il faut aller très loin dans les hypothèses héroïques, et imaginer que “faire vivre la presse du monde libre” offre en soi une redorure symbolique autosuffisante, semblable à celle que d’autres tirent du mécénat d’art.”

Frédéric Lordon, Figures du communisme, La Fabrique, 2021

Fascisme

“Dire que le danger est à venir constitue une façon d’éviter de dire qu’il est déjà là. Or le fascisme est actuel, quotidien, banal. Il se décline au jour le jour, intervient et structure la société, dans les institutions et jusque dans nos propres luttes. Que dire d’un Etat dont la police — institution sur laquelle il s’appuie entre toutes — vote déjà majoritairement pour l’extrême-droite, assume une histoire coloniale et raciste, et abat de plus en plus de jeunes hommes dans les quartiers populaires ? Horheimer disait : “celui qui ne veut pas parler du capitalisme doit se taire à propos du fascisme.” A nous d’ajouter : “Celui qui ne veut pas parler du fascisme doit se taire à propos du capitalisme.””

Antonin Bernanos, “Fascisme, police et contradiction”,
in Police, La Fabrique, 2020

Soutien au Média face aux rageux

Des ex-socios du Média ont publié une vidéo pour nuire au Média et pousser les socios à rejoindre le nouveau média concurrent de Denis Robert.

Le texte de cette vidéo est mensonger sur bien des points. Si j’étais déçu par Le Média au point de cesser d’être socio, je m’en irais soutenir une autre cause sans user mon énergie à produire une vidéo de dénigrement. Cette démarche malveillante destinée à nuire est vraiment curieuse. Voici quelques réfutations de ce texte :

« et alors que la direction maintient une opacité sur de nombreuses informations » 

La direction a donné de nombreuses informations, quand elle le pouvait, contrainte bien évidemment par les procédures en cours, pendant que d’autres organisaient des fuites dans Le Monde ou sur le forum. 

« Le licenciement du dernier directeur de la rédaction, comme ses conditions, constituent une énième crise grave pour Le Media et altèrent fortement la dynamique qui était à l’œuvre. » 

Non, la dynamique est toujours à l’œuvre. Et c’est précisément les ambitions personnelles du dernier directeur de la rédaction qui y auraient fait obsctacle s’il avait pu se maintenir de force. 

 « de nombreux socios partent ou réduisent le montant de leurs abonnements, les dons reculent, les audiences baissent, des intervenants se décommandent, les risques de contentieux s’accumulent, etc. » 

 Des socios sont partis, en raison d’une intense campagne de dénigrement et de calomnie. Mais il en reste plus de 10000, je crois, et les dons arrivent toujours (mais bien sûr, le défi reste d’en recueillir davantage et de faire venir de nouveaux socios). Les audiences restent bonnes. Et deux émissions ont même récemment approché le million de vues sur YT en très peu de temps. De nombreux intervenants passionnants sont toujours interviewés par le Média : des économistes (atterrés), des syndicalistes, des scientifiques, des militants, des intellectuels, des travailleurs en lutte… Les contentieux, Denis Robert en a causés, d’autres avant lui aussi. Cela ne veut pas dire que le Média n’obtiendra pas gain de cause. 

 « En l’absence d’informations sur la situation économique, il est impossible de connaître la situation exacte du Media. Mais, de sources internes, elle n’est pas bonne et l’information n’est pas donnée. » 

 Le compte de résultat 2019 avait été publié en mars 2020. Nous sommes en janvier 2021. Il est donc parfaitement mensonger d’affirmer que des informations ne seraient pas données. La situation économique du Média est toujours précaire, bien entendu, mais c’est le cas depuis le début de son histoire, et il n’y a là rien de nouveau. 

 « D’autre part cette situation divise une équipe qui était en train de construire un équilibre éditorial en cohérence avec son texte fondateur : d’autres départs sont à prévoir. »

Il est évident que des partisans de Denis Robert vont le rejoindre dans son nouveau projet. On pourrait attendre qu’ils aient l’honnêteté de le faire sans faire d’obstruction interne et sans essayer de négocier leur départ en termes financièrement impossibles pour le Média. En tout cas, l’équipe qui reste active et les nouvelles jeunes recrues qui dynamisent le contenu s’inscrivent bien dans un équilibre éditorial en cohérence avec le manifeste, n’en déplaise aux rageux et aux idolâtres. 

 « Comme lors des précédentes crises, les socios n’ont pas été informés des tensions qui traversaient les équipes. » 

 Lorsqu’il y a des tensions dans un collectif, il est rare qu’il en fasse état avant que ça ne devienne paroxystique, parce que justement, les gens essaient d’abord de s’accommoder. Et c’est un peu présomptueux de penser que nous socios aurions pu obliger Denis Robert à respecter son engagement initial de s’insérer dans un comité de rédaction, si ses propres collègues n’y sont pas parvenus. 

 « Une fois le conflit ouvert, les socios ont été pris à partie pour trancher dans ce conflit avec pour seule alternative de devoir choisir un camp, abreuvés qu’ils sont d’informations parcellaires via la presse, les réseaux sociaux et le forum du Media. » 

 Les fuites à la presse ou dans le forum ont émané du camp Robert. L’équipe en place n’a fait que réagir, parfois sur les réseaux sociaux, où elle se faisait interpeller et mettre en accusation sur la base de mensonges. 

 « Cette logique de camp, nous nous y sommes refusés. De nombreuses propositions ont été faites pour sortir de cette crise par le haut ». 

 Un certain nombre de signataires de ce texte ont au contraire pris parti et ont mené une guerre de tranchée sur le forum pour obtenir la démission de la direction, le retour de Denis Robert, un plébiscite, le report de la construction de la SCIC, etc., applaudissant les socios qui annonçaient leur départ, attisant la rage, et invectivant les membres de l’équipe qui osaient venir donner leur point de vue.

« Pourquoi la direction du Media a-t-elle toujours posé des conditions préalables rendant impossibles toutes les tentatives de médiation qui ont été initiées en interne ? Pourquoi a-t-elle toujours rejeté l’idée de l’intervention d’un tiers professionnel des situations de crise ? » 

 Affirmation mensongère. Le Média n’a rien rejeté du tout. C’est au contraire Denis Robert qui a torpillé la première tentative de médiation en publiant une vidéo insultante et diffamatoire, et qui a refusé ensuite de retirer cette vidéo, cause principale de son licenciement. S’ensuit une série de questions dans la droite lignée du « sealioning » (technique de trolling : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sealioning) déjà utilisé sur le forum. Il s’agit de poser des questions auxquelles il a déjà été répondu, non pas pour obtenir des réponses (qu’on a déjà) mais pour faire des sous-entendus polémiques et diffamatoires, et jeter donc de l’huile sur le feu. L’AG de l’asso, pas plus que les socios, n’avaient à statuer sur la crise, qui était interne à la rédaction, pas plus que sur le licenciement, qui relevait du droit du travail. 

 « Pourquoi la direction n’a-t-elle pas su mettre un terme à la relation de travail avec Denis Robert de manière pacifiée ? » 

 Cette fausse question est particulièrement tordue. En effet, c’est Denis Robert qui a empêché que les choses se déroulent de manière pacifiée, en faisant fuiter des échanges internes et en publiant une vidéo insultante. 

 « Pourquoi, alors que les problèmes de souffrance au travail évoqués comme étant à l’origine du licenciement de Denis Robert seraient anciens, la direction ne les a- t-elle pas traités plus tôt alors qu’elle en aurait été alertée préalablement ? » 

 Autre question particulièrement retorse parce que négligeant le fait que Denis Robert n’était pas un salarié lambda mais faisait bien partie du comité de direction. La direction, c’était lui aussi. Et de nombreuses tentatives ont été faites justement pour résoudre les problèmes posés par le management de Denis, la dernière consistant justement, non pas à le licencier, contrairement à ce que prétendent ici les rageux, mais à lui proposer de conserver ses émissions et son salaire et de ne plus diriger la rédaction. C’est cette solution qu’il a refusée et à laquelle il a réagi par la vidéo diffamatoire qui a causé son licenciement. 

 « Ainsi, nous relevons que les ressorts de cette crise ont été initiés une fois la situation économique du Media redressée. » 

 Le situation économique du Média n’a pas été redressée. Elle est toujours précaire, et les comptes ont juste bénéficié, au moment du départ de Denis Robert, d’un report de charges, et des aides accordées dans le cadre du confinement. Denis Robert a contribué (personne ne le nie) au développement du Média, travail collectif et non d’un seul homme, mais il n’a pas opéré de miracle financier. Certains de ses projets (partenariat avec des mécènes, régie publicitaire) allaient même à l’encontre de l’indépendance du Média. 

 « Aucun bilan (financier, social) n’y est présenté en fin d’année, pas plus que le projet de l’association (l’évolution de ses objectifs, de sa stratégie, de ses moyens) ». 

 Les comptes ont été présentés chaque année à partir de 2019. Le projet de l’association, qui devait être la création d’une SCIC de presse, a été contrecarré plusieurs fois par les différentes directions. Mais les statuts de la SCIC, dans la rédaction desquels Denis Robert ne s’est pas investi, ont été votés par les socios, et le calendrier, quoi que perturbé par la crise, se poursuit. 

 « Le président, Bertrand Bernier, a été désigné par défaut lors de la précédente crise. » 

 Dans une structure comme celle du Média, les désignations sont toujours un peu « par défaut », dans la mesure où se retrouvent désignés celles ou ceux qui ont bien voulu se dévouer, et ils ne sont pas des millions. Bertrand Bernier a été depuis sa nomination un élément important du Média, et a permis à celui-ci de se doter d’une capacité de production de haut niveau. 

 « Dans les faits, Bertrand Bernier, arrivé en cours de route dans le projet – sans légitimité particulière et ayant acquis ses fonctions par défaut » 

 Présentation vraiment crapuleuse. Selon une telle logique, Denis Robert était aussi arrivé en cours de route, avec une expérience de journaliste de presse écrite et de documentariste, mais aucune expérience de présentation télévisuelle ni de management. Sans légitimité particulière, donc. C’est une manière malhonnête de présenter les choses. Tous ceux qui travaillent au Média ont légitimité à le faire. 

 « dirigeant sans projet adossé à un modèle économique » 

 Accusation infondée. Le projet est fixé depuis le départ et n’a pas changé : produire un média de masse accessible gratuitement et financé par les souscripteurs. Tout autre « modèle économique », reposant par exemple sur le financement par de la publicité ou par de riches mécènes, serait en revanche une remise en cause du projet. 

 « Pendant la crise, ils ont récusé toute introduction d’un tiers favorisant la prise en compte des différents points de vue et le respect du droit du travail. » 

 C’est faux. Ils ont récusé une initiative biaisée qui posait comme préalable à la discussion l’abandon du projet de réorganisation de la rédaction. 

 « Fait aggravant, il s’avère que M. Gautheron a quitté depuis sa fonction de présidence, tandis que M. Théry chercherait actuellement à le faire. Comment ces personnes ont-elles pu prendre des décisions si lourdes pour l’avenir du Media, sans en référer à l’AG, alors qu’elles n’en assumeront pas les conséquences ? » 

 Précisément parce que ces présidents, loin d’être une « direction » au sens habituel du terme dans les entreprises capitalistes, étaient les représentants d’un collectif de travail, et qu’ils ont agi dans le sens de l’intérêt de ce collectif. 

 « Nous avons été nombreux à y exprimer notre stupéfaction, à demander des réponses, à proposer des actions alternatives, à constater les incohérences et les refus de répondre, et à exprimer notre mécontentement voire notre colère. » 

 Dit autrement : quelques rageux ont voulu obtenir satisfaction de toutes leurs lubies, n’ont pas accepté les réponses qui leur étaient données, et une petite poignée à présent impliquée dans ce texte et cette vidéo visant à nuire au Média, ont alors pourri littéralement le forum pendant des jours. 

 « Globalement, ce forum n’est pas exploité comme un outil au service de l’implication des socios dans le fonctionnement du Media ». 

 Si. C’est bien ce qu’il est. 

 « Les règles de fonctionnement restent floues, la modération obscure et autoritaire, les bannissements expéditifs, les décisions arbitraires. » 

 C’est faux. Les règles sont exposées clairement en tête du forum. La modération est transparente, rare, et collégiale, les bannissements exceptionnels et motivés par des faits. 

 « Ainsi plusieurs d’entre nous ont été bannis du forum pour avoir critiqué les décisions de la direction du Media. » 

 C’est faux. De très rares rageux (3 ou 4) ont été bannis non pour leurs critiques mais pour des manquements au règlement du forum et des comportements inadmissibles. 

 « La rédaction de la newsletter, qui doit rapporter les échanges et la vie du forum auprès de l’ensemble des socios, pose également problème. Chaque sujet proposé par les socios est soumis à un droit de véto de la direction du Media. Ses décisions ne sont jamais motivées. Elles sont toujours irrévocables. Rien dans la newsletter n’appartient donc vraiment aux socios. Nous n’avons pas pu nous en servir pour informer l’ensemble des socios de nos analyses et de nos initiatives, ni pour faire état de la stupéfaction et du mécontentement pourtant largement majoritaires sur le forum. » 

 La newsletter n’a pas du tout la fonction inventée ici de toutes pièces. Son rôle est d’informer les socios sur les programmes du Média. C’est la newsletter du Média, pas la newsletter des socios. Des socios du forum ont obtenu d’y glisser une petite synthèse de 3 ou 4 fils de discussion du forum afin de donner envie d’aller sur celui-ci. Il n’a jamais été question que ce « communiqué des socios » soit un moyen de propagande pour une faction ni que la newsletter du Média relève de la responsabilité des socios. 

 « La SCIC n’aura pas d’incidence directe sur le fonctionnement du forum, qui est le lieu de candidature des socios à l’AG. Ainsi, tout semble organisé pour verrouiller le fonctionnement de la SCIC, comme l’est aujourd’hui celui de l’AG. » 

 Affirmation fausse autant que confuse. Il n’y a jamais eu de candidature de socios à l’AG via le forum. Les socios présents actuellement à l’AG ont été cooptés après la crise Lancelin, ce qui constituait une ouverture par rapport au système verrouillé créé par Chikirou. La SCIC permettra justement de passer à une vraie participation directe des socios à l’AG et à la désignation de représentants au CS. 

 « Dans cette crise, nous considérons ainsi que les présidents des sociétés et de l’association Le Media ont été mus par la volonté d’évincer Denis Robert de sa fonction de directeur de la rédaction, quitte à évincer sa personne, davantage que par le souci de gérer la situation dans l’intérêt social des entreprises dont la gestion leur était confiée. » 

 Cette affirmation ne repose sur rien. On peut tout autant penser au vu des éléments rendus publics que Denis Robert prévoyait d’évincer une partie des salariés du Média pour les remplacer par des amis à lui. Cela reste dans tous les cas de la spéculation. Le fait est que c’est bien Denis Robert qui s’est rêvé en directeur général du Média, contredisant alors ses engagements précédents, lorsqu’il affirmait : « je ne veux pas de pouvoir ». 

 « Le Media aujourd’hui n’incarne pas les valeurs affichées dans son manifeste. » 

 C’est faux. Non seulement le Média les incarne toujours, mais bien mieux que le nouveau média concurrent de Denis Robert qui affiche vouloir s’ouvrir aux mécènes. 

 « Nous constatons que chaque année le Media est secoué par une crise violente, que ses moyens se délitent et que nos contributions sont accaparées par des conflits qui entravent le développement du Media dans sa capacité à réaliser les promesses formulées lors de sa création. » 

 Faisons mentir cette prophétie autoréalisatrice de rageux qui cherchent à couler le Média par leur propagande mensongère. Le Média réalise bien ses promesses, mais il a toujours besoin de nos contributions pour continuer. 

 « Ainsi, la résolution de cette crise s’apparente pour nous à la confiscation du Media par un petit groupe (dont fait partie la direction) qui s’est accaparé tous les pouvoirs et qui s’octroie les moyens que nous lui donnons pour des finalités que nous ne partageons pas, en n’hésitant pas à discréditer et à exclure tous ceux pouvant s’opposer à lui. »

  Bien au contraire, la résolution de cette crise s’apparente au maintien du projet du Média malgré les tentatives de Denis Robert pour s’approprier la structure et malgré les tentatives de ses partisans les plus enragés pour la déstabiliser.

« nous quittons le Media »

C’est votre droit, mais pas la peine de faire tout ce foin ni de chercher à le détruire. Personne ne blastera notre Média.

Porte ton masque et arrête tes conneries

On se souvient des mensonges du pouvoir macroniste au début de l’épidémie de covid 19 sur les masques qui “ne servaient à rien” (et en plus cette cruche de Sibeth ne savait pas les mettre).

On les a réclamés, ces masques, y compris avec les Gilets Jaunes de Pantin, lorsque Macron est venu se pavaner devant les gueux du 93.

Mais le gouvernement incompétent et imprévoyant masquait la pénurie dont il était responsable par des mensonges.

A présent que ces mensonges sont éventés, que l’OMS et l’ensemble de la communauté scientifique prônent l’utilisation des masques pour ralentir la circulation du virus, sur la base d’études sur les animaux et les hommes, qui ont démontré leur efficacité, le gouvernement, non seulement recommande désormais les masques, mais les rend même obligatoires dans les lieux clos pour faire face à une hausse de nouveaux cas et éviter un nouveau confinement.

Bien sûr, la gratuité des masques devrait s’imposer, et ce gouvernement menteur et incompétent inflige une nouvelle dépense aux couches populaires déjà durement touchées par la crise en imposant cette obligation sans la financer. C’est un scandale, et nous devrions manifester en masse et masqués (coucou Lallement) pour réclamer cette gratuité (et quelques autres trucs comme la démission de Macron, le retour de l’ISF, le RIC, et, pendant qu’on y est, le salaire à vie, l’abolition de la propriété lucrative et la planification écologique).

Mais au lieu de cela, je vois sur les réseaux antisociaux de plus en plus de Gilets Jaunes et de camarades de gauche déblatérer des conneries complotistes sur le virus et clamer leur refus de porter le masque. Comme si porter un putain de masque en tissu ou en papier pour protéger autrui des goutelettes potentiellement infectées que nous projetons était une odieuse atteinte à nos libertés individuelles. Aurélien Barrau a expliqué mieux que moi le côté ridicule et inepte de cette posture, reflet de l’idéologie individualiste narcissique que le néolibéralisme a su insuffler dans les esprits, même hélas chez nombre de celles ou ceux qui se pensent rebelles au système.

Après avoir sombré dans le culte de Raoult (un mandarin-manager de droite égomaniaque et manipulateur) et sa potion magique qui ne sert à rien, les voilà, ces rebelles en carton, qui s’extasient devant une étiquette mentionnant que le masque chirurgical ne protège pas contre les infections virales (ben oui, il s’agit de protéger les autres de nos goutelettes, et on sait tous, depuis le temps, que pour se protéger soi-même contre un virus, il faudrait des masques FFP2, qui doivent être réservés aux personnels de santé les plus exposés), qui relaient le premier hoax venu de la fachosphère ou de gourous illuminés, sans jamais rien vérifier, du moment que ça conforte leur envie adolescente de ne pas se faire chier et d’avoir eu l’impression de dire non à Macron. Mais bouffon, si Macron te dit que le feu ça brûle, tu vas te jeter dans les flammes ?

Donc camarades, on arrête les conneries d’ado petit-bourgeois, maintenant, on se colle le putain de masque sur le pif par solidarité avec les plus fragiles d’entre nous et on le garde pour se protéger aussi des gaz lacrymos en manif.

Du féminisme bourgeois

Dans une tribune du Monde du 15 juillet 2020, l’avocate Noëlle Lenoir affirme que « certains mouvements féministes sont révélateurs d’une évolution vers un radicalisme teinté de communautarisme » et “voit dans les manifestations contre les nominations au gouvernement de Gérald Darmanin et d’Eric Dupond-Moretti la marque d’une dérive à l’américaine du mouvement féministe.”

Rien que ça.

Je propose de changer complètement d’angle par rapport à Noëlle Lenoir.
Au lieu de voir dans les manifestations suscitées par les nominations de Dupond-Moretti et Darmanin l’oeuvre de hordes extrémistes américanisées communautaristes adeptes d’une justice de rue pour laquelle les hommes seraient forcément coupables (ce qui est une vision des choses très MODEREE et pas du tout exagérée, mettez-vous le bien dans le crâne à coups de marteau, bande de radicalisés), ne peut-on voir dans cette tribune de Noëlle Lenoir l’oeuvre d’une bourgeoise de droite franchouillarde adepte d’un féminisme de classe qui sait rester à sa place dans le monde patriarcal raciste, c’est-à-dire d’un féminisme de droite qui ne nuit pas aux sexistes, d’un bon féminisme pas féministe en somme ? On comprendra alors ce qui réellement lui fait horreur dans ces manifestations de rue.

Rappelons que Noëlle Lenoir a été ministre de Raffarin sous Chirac (un féministe à la française, « 5 minutes douche comprise », tapant le cul des vaches et galant avec les rombières, ou le contraire, en fonction du nombre de coronas ingérées). C’était un peu après l’humiliation façon SM des “Juppettes” (pour les plus jeunes : des femmes ministres du gouvernement d’Alain Juppé virées comme des merdes au bout de 6 mois), mais c’était encore le bon temps. Noëlle Lenoir, c’est aussi cette “déontologue” de l’Assemblée nationale qui était payée par des labos pharmaceutiques en conflit avec l’Etat en 2015. Elle siège encore aujourd’hui au comité d’Ethique (ou des tiques ?) de Parcoursup (que les mauvaises langues se le disent : la sélection et la reproduction des inégalités à l’université se font de façon éthique, Noëlle y veille, alors circulez), juste récompense sans doute de son ralliement à Macron en 2017 après avoir mangé à toutes les gamelles patriarcales du PS et de l’UMP. Ça, c’est quand-même une preuve de MODERATION ou je ne m’y connais pas, et les gens qui oseront critiquer le fait d’être à ce point dans tous les sales coups ne peuvent être que des Estremiss communautariss. C’est cette même dame très modérée qui vient de signer une tribune contre le « décolonialisme » dans Le Point, journal de droite dure modéré, en compagnie de gens très modérés comme l’ineffable Alain Finkielkraut.

Bon, plus sérieusement, les manifestantes féministes ont manifesté contre la nomination à la tête de la police d’un type qui est sous le coup d’une enquête de police après une plainte pour viol et qui a avoué avoir demandé une faveur sexuelle à une femme en échange d’un service (qu’il n’avait au demeurant ni le droit ni la capacité de lui rendre), et contre la nomination à la tête de la justice d’un beauf qui aime planter des banderilles dans les taureaux et siffler les meufs ou le contraire, en fonction de la cuvée. Ce sont des manifestations politiques. Pas de la “justice de rue”, contrairement à ce que brament les “modérés”, ni du “lynchage de triste mémoire”. C’est marrant, parce que si, quand des féministes gueulent contre la signification politique de ces nominations (un bon gros bras d’honneur fait au féminisme), c’est de “la justice de rue”, que dire de l’étouffement par les gendarmes d’Adama Traoré sans autre forme de procès ? Ne serait-ce pas une forme de “justice de rue” ou plutôt de “peine de mort de rue” ? On ne peut pas dire lynchage parce qu’ils ne l’ont pas pendu à un arbre façon KKK, ça non, on n’a pas le droit. Mais chut, parler de ces violences policières n’est pas modéré, et ça nous mène tout droit à l’odieux communautarisme : c’est Noëlle Lenoir qui le dit. Comme Finkielkraut. Comme Zemmour. Comme Le Pen. Tous ces modérés.
Restons dans le vivre ensemble à la française, qui est aussi, donc un mourir tout seul au fond d’un commissariat pour certains (mais mourir dans un commissariat français, n’est-ce pas, au final, une belle opportunité d’intégration pour ces rastaquouères ingrats ?). Félicitons donc Dupond et Super-Dupont pour leur nomination bien méritée et expulsons illico Caroline de Haas, la sorcière, la cause de tous nos maux, qui ne comprend rien au vrai féminisme à la française.

Juste un truc quand-même : quand Noëlle Lenoir nous déballe son lignage comme si c’était une preuve de féminisme, elle assène que ses glorieuses ancêtres “ne sont jamais tombées dans l’écueil consistant à accréditer l’idée d’une responsabilité collective de la gent masculine « blanche »”. Contrairement aux méchantes féminiss communautariss estrémiss d’aujourd’hui ? LOL. Cette pauvre Noëlle n’a décidément rien pigé. Il ne s’agit pas d’un problème de culpabilité. Il s’agit d’un système de domination à renverser.

Taudis

“Le XIXe siècle a promu jusqu’à la caricature le critère que l’on appellera, pour faire bref, les “résultats financiers” comme test permettant de déterminer si une politique doit être recommandée. Le destin personnel s’est transformé en une parodie du cauchemar d’un comptable. Au lieu d’utiliser leurs ressources techniques et matérielles, désormais beaucoup plus vastes, pour construire une cité idéale, les hommes du XIXe siècle construisirent des taudis ; et ils pensèrent que bâtir des taudis était la chose juste et recommandable, parce que les taudis, à l’aune de l’entreprise privée, “cela rapporte”, alors que la cité idéale aurait été, selon eux, un acte fou d’extravagance qui aurait dans le vocabulaire imbécile du monde financier, “hypothéqué” l’avenir. (…) C’est la même règle de calcul financier autodestructeur qui gouverne chaque domaine de notre quotidien. Nous détruisons la beauté des campagnes parce que les splendeurs inappropriées de la nature sont sans valeur économique. Nous serions capables d’éteindre le soleil et les étoiles parce qu’ils ne versent pas de dividendes… Ou encore, nous avons jusqu’à récemment considéré qu’il s’agissait d’un devoir moral de ruiner les cultivateurs de la terre et de détruire les traditions millénaires de l’art de l’élevage si cela nous permettait de payer la miche de pain un dixième de penny meilleur marché. Il n’y avait rien que nous ne jugions de notre devoir de sacrifier à ce Moloch et Mammon tout en un… (…) Car aussitôt que nous nous octroyons le droit de désobéir au critère du profit comptable, nous commençons à changer notre civilisation. C’est l’Etat plutôt que l’individu qui doit modifier son critère. C’est la conception du ministre des Finances en tant que président-directeur général d’une sorte de société cotée en Bourse qui doit être rejetée…”

John Maynard Keynes, cité par Paul Jorion in
François Ruffin, Leur folie, nos vies, Les liens qui libèrent, 2020

Décence commune

” (…) nous sommes victimes d’une illusion d’optique dans notre perception d’une évolution des moeurs qui procéderait d’une simple diffusion de celles-ci du haut vers le bas de la structure sociale. Idée commune : les élites inventent le libéralisme familial et sexuel, un nouvel individualisme ; la population ordinaire, autoritaire et puritaine par nature, subit et accepte sa rééducation spirituelle. L’histoire sociale des moeurs sur longue période nous dit tout autre chose. Jusqu’aux années 1920, la bourgeoisie, petite et grande, vivait dans une grande rigidité de moeurs, elle enfermait ses femmes et réprouvait l’homosexualité. Le prolétariat qu’elle exploitait était, lui, beaucoup plus détendu. La famille ouvrière était à dominante matriarcale et son organisation dans l’espace à dominante matrilocale. les ouvriers confiaient la gestion de leur paye à leur femme. Retournons à Zola. Qu’y trouve-t-on ? Des bourgeois névrosés, des femmes privées de droit et un monde populaire beaucoup plus libéral qui fait fantasmer les jeunes bourgeois. Le monde populaire ancien grouille d’enfants naturels, de familles recomposées et il tolère en gros l’homosexualité ainsi que l’a relevé Florence Tamagne dans un excellent livre (Histoire de l’homosexualité en Europe. Berlin, Londres, Paris 1919-1939, Paris, Seuil, 2000, p.392-393). Nous retrouvons, à sa place dans le temps, la véritable common decency d’Orwell (Orwell, cependant, était homophobe).”

Emmanuel Todd, Les luttes de classes en France au XXIe siècle, Seuil, 2020

Salaire à vie

“Le “salaire à vie”, c’est la rémunération inconditionnelle de tous, rémunération attachée non pas à quelque contribution assignable mais à la personne même, pour ainsi dire ontologiquement reconnue comme contributrice, indépendamment de toute contribution particulière. “Etre à la société” (comme on dit être au monde), c’est en soi apporter à la société, tel est le postulat onto-anthropologique du “salaire à vie”.

C’est une idée extrêmement forte, qui circonvient l’objection libérale par excellence : “payez-les sans contrepartie, ils ne feront rien”. Mais bien sûr que si, “ils” feront quelque chose. Ils feront quelque chose parce que “nulle chose n’existe sans que de sa nature ne s’ensuive quelque effet” (Spinoza, Ethique I, 36). C’est peut-être une accroche inattendue, et à certains égards baroque, que celle de l’ontologie spinoziste et des thèses de Friot, mais elle me semble on ne peut plus justifiée, ceci parce que le conatus est fondamentalement élan d’activité, élan de faire quelque chose, donc de produire des effets. Toute la discussion en réalité porte sur le “rien” de “ils ne feront rien”. Car, pour un un libéral-capitaliste, “rien” désigne cette sorte d’effets qui échappe à la grammaire de la valorisation du capital. Là contre, ce que dit l’anthropologie implicite de Friot, c’est qu’être à la vie sociale, c’est ipso facto nourrir la vie sociale : c’est contribuer à ses flux de conversation, de sociabilité, de créativité, de réalisation. Les gens ont envie de faire des choses — ça s’appelle le désir. Dans le flot d’activité de quiconque (évidemment dans le périmètre des actes légaux), il y a toujours quelque bénéfice pour la société. Et la contrepartie d’une rémunération est constituée. Le “salaire à vie”, c’est donc l’abolition du travail capitaliste et de son institution centrale : le marché de l’emploi.

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Marge

“Il n’y a pas plus de forme politique “pirate” qu’il n’y a de forme politique “forêt”, du moins à une échelle autre que locale. Et ceci même si “pirate” et “forêt” donnent beaucoup à penser. Pour s’accomplir politiquement cependant, la marge doit accepter de perdre son être-marge, c’est-à-dire de n’être que le lieu des devenir minoritaires et des anachorètes, des stylites et des stylistes. L’antinomie des virtuoses et du nombre, décidément ne nous lâche pas.”

Frédéric Lordon, Vivre sans ?
Institutions, police, travail, argent…, La fabrique, 2019, p.129

Institutions

“J’entends déjà les hauts cris : “nous sommes ingouvernables, nous voulons vivre hors normes”. “Sans norme”, “sans institutions”, “libres” quoi — la métaphysique libérale insinuée jusque dans les têtes qui se croient les plus antilibérales. Mais le social est normes et institutions. Il les secrète endogènement. Or le social est le milieu de la vie des hommes, et il l’est nécessairement.

Vouloir s’affranchir de ça, c’est poursuivre le rêve chimérique que la pensée de l’individualisme libéral a mis dans les têtes. Sur la question des normes et des institutions, l’espace du débat devrait être tout autre que le segment des polarités opposées : “avec” ou “sans”. Ce sont de tout autres questions qui devraient nous occuper : des normes — puisque nécessairement il y en aura — mais lesquelles ? conçues dans quel degré d’autonomie ou d’hétéronomie ? à quelle distance de nous ? avec quelles possibilités de révision ? inscrites dans quelle sorte d’agencement institutionnel ? pour quels effets sur nos puissances ? Selon les réponses pratiques données à ces questions, les configurations institutionnelles, et les formes de vie qu’elles déterminent, peuvent différer de toute l’étendue du ciel. Et cependant il n’y a jamais, il ne peut y avoir de sortie radicale de l’espace de la norme, parce qu’il est le social même. La revendication de vivre “hors des normes” est, à mes yeux, aussi absurde que celle de vivre “sans institutions” — en fait c’est la même. Mais enfin normalement on devrait pouvoir tenir ensemble et de faire droit à l’expérimentation, à l’invention de nouvelles formes de vie, à leur valeur intrinsèque, et de dégriser le discours qui comprend l’“émancipation” comme échappée radicale de l’ordre institutionnel des normes.””

Frédéric Lordon, Vivre sans ?
Institutions, police, travail, argent…, La fabrique, 2019, p.129

Autonomie

“(…) l’autonomie, qu’est-ce donc sinon pousser aussi loin que possible la maîtrise réflexive de sa propre praxis ? L’un des acquis sans doute les plus précieux de l’oeuvre de Bourdieu, c’est que tous les univers sociaux ont à se réfléchir, et aussi à être réfléchis — du dehors. Du dehors, parce que les forces de la complaisance sont de redoutables ennemies de celles de la lucidité, et que la réflexivité s’exerce toujours au risque du déplaisir de ne pas se voir exactement conforme à l’idée qu’on se fait de soi-même. Pour que les choses soient tout à fait claires à ce sujet, je précise que l’univers intellectuel, comme nous l’a montré Bourdieu, n’échappe pas plus qu’un autre à ce devoir de réflexivité, ni à ce risque du déplaisir — on se souvient combien Homo Academicus avait fait scandale : parce qu’il avait fait offense. L’objectivateur n’est donc exonéré de rien et, s’il est bourdieusien, il sait qu’il est exposé à tout moment à ce qu’on lui retourne ses propres procédés, ceci d’ailleurs le plus légitimement du monde. Moyennant quoi l’exercice de l’objectivation devrait, pour tout le monde, n’être regardé que comme une hygiène intellectuelle, parfois même politique, élémentaire, et n’être soumis qu’aux critères intrinsèques de la qualité intellectuelle de l’objectivation.”

Frédéric Lordon, Vivre sans ?
Institutions, police, travail, argent
…, La fabrique, 2019, p.157

La peur de la bourgeoisie

“Il est incontestable que l’on peut faire n’importe quoi avec des mots comme “municipalité”, “communauté”, “assemblée” et “démocratie directe” ; en négligeant les différences de classe, d’éthique ou de sexe, on a réduit le sens de certaines notions comme celle de “peuple” au point d’en faire des abstractions vides de sens, voire obscurantistes. Il ne faut pas voir dans les assemblées de section de 1793 des structures unies qui auraient été forcées à entrer en conflit avec ces formations plus bourgeoises qu’étaient la Commune de Paris et la Convention nationale : ces assemblées de section constituaient elles-mêmes des terrains de lutte entre des couches possédantes et d’autres qui ne possédaient pas, entre royalistes et démocrates, entre modérés et radicaux. Il peut être tout aussi trompeur d’ancrer ces couches dans des intérêts exclusivement économiques que de ne tenir aucun compte des différences de classe et d’employer les mots de “fraternité”, de “liberté” et d’“égalité” comme s’ils ne représentaient souvent rien d’autre qu’une rhétorique creuse. Seulement, on a beaucoup écrit pour démythifier totalement les slogans humanistes des grandes révolutions “bourgeoises” ; on en a tellement fait, même, pour décrire ces slogans comme de simples réflexes étroits d’intérêts bourgeois que nous risquons surtout aujourd’hui de perdre entièrement de vue leur dimension populiste utopique. Après avoir tant analysé les conflits économiques internes qui divisèrent les révolutions anglaises, américaines ou françaises, les historiens de ces grands bouleversements nous rendraient un meilleur service à l’avenir en montrant la peur éprouvée par la bourgeoisie face à toutes les révolutions en montrant son conservatisme inné et son penchant naturel à traiter avec l’ordre établi.

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“L’esprit sain pue la connerie ! Vive Trotski !”

Dans le roman de Milan Kundera, La plaisanterie (1967), Ludvik Jahn, étudiant et militant communiste, est exclu du parti communiste tchèque, renvoyé de l’université et interné pour avoir, dans une carte postale destinée à une jeune étudiante qu’il courtisait, inscrit une phrase au second degré : « L’optimisme est l’opium du genre humain ! L’esprit sain pue la connerie ! Vive Trotski ! ».

Ancien communiste libertaire imprégné par les théories situationnistes, aujourd’hui écosocialiste autogestionnaire partisan du salaire à vie communiste et d’une stratégie de Front Populaire dans les urnes et dans la rue, je n’ai jamais été trotskiste. Pour moi, Trotski, c’était une sorte de Staline raté, massacreur de Kronstadt et de la makhnovtchina, et mes toutes premières expériences politiques ont été d’aller faire chier les dévôts de LO (Lutte Ouvrière) durant les cours de marxisme qu’ils prodiguaient dans mon bahut. Je répugnais même alors à lire 16 fusillés à Moscou de Victor Serge (dont je diffusais le texte aux éditions Spartacus dans les librairies dans le cadre d’un boulot d’objecteur de conscience auprès d’une ancienne mao spontex), parce que cet ancien libertaire proche de la bande à Bonnot avait trahi l’anarchisme en se ralliant au bolchevisme puis à Trotski contre Staline (j’ai heureusement fini par surmonter mes préjugés, et découvert que Victor Serge avait fini par se distancier du sectarisme de Trotski, ouf).
Toutefois, en étudiant l’histoire du mouvement ouvrier, j’avais évidemment plus de sympathie pour les mouvements proches du trotskisme comme le POUM espagnol ou le groupe “Socialisme ou Barbarie” que pour les “stals” défenseurs du bilan “globalement positif” de l’URSS. Par la suite, j’ai milité un peu au sein du groupe “Noir et Rouge” proche de l’OCL (Organisation Communiste Libertaire), j’ai participé à quelques actions antifascistes avec des groupes anarchistes, j’ai eu l’occasion de complexifier un peu ma vision du trotskisme (ou des trotskismes), mais aussi du communisme bureaucratique au contact de militants de la LCR, du NPA, mais aussi du PCF, croisés dans les luttes, notamment au sein du Front de Gauche ou dans le cadre antifasciste ou syndical (au sein d’un syndicat SUD). La lecture de Debord et des Situationnistes m’a rapproché du conseillisme. Mon bref passage au Parti de Gauche, ou plus récemment la lutte au sein des Gilets Jaunes avec des militants du POI (Parti Ouvrier Indépendant), m’a mis aussi en contact avec la tradition trotskiste “lambertiste” à l’égard de laquelle j’ai toujours de grandes réticences. D’abord partisan du revenu universel comme militant de la musique libre sous “Creative Commons” dans les années 2000, j’ai été ensuite convaincu par les thèses de Bernard Friot, contre lequel récemment un camarade du PCF (salarié du parti) me mettait en garde en me disant : “tu sais, Friot, c’est un vrai stal”. En prenant mes distances avec la France Insoumise, j’ai pu mesurer la capacité de haine sans frein de certains Insoumis qui n’ont pas manqué de me qualifier de “traître” à la solde de Macron, Le Pen voire des Illuminati. Et puis, encore plus récemment, un troll anti-Mélenchon forcené agissant avec une meute de militants du PCF m’a accusé d’être un “trotskiste”. Ça avait l’air très très grave. Et ça faisait de moi un “dissimulateur” par essence, qui avancerait forcément “masqué”. Nonobstant le ridicule de l’accusation et le côté franchement borderline de l’accusateur (ressemblant finalement beaucoup à l’objet de sa détestation), cela m’a amené à me repencher sur toute cette histoire de la gauche et du mouvement ouvrier parsemée d’anathèmes, d’excommunications, de haines recuites et de vendetta séculaire. Ce qui m’avait séduit dans le Parti de Gauche (que j’ai quitté depuis), c’était la notion de parti “creuset” qui semblait ambitionner de dépasser tous ces anciens clivages qui avaient rendu la gauche impuissante face à la contre-révolution néolibérale. Que reste-t-il aujourd’hui de ces vieilles querelles dogmatiques ? N’est-il pas temps de bâtir collectivement et démocratiquement (pour une fois), par la base (et non par la volonté d’un César ou de bureaucrates moisis), ce parti (ou mouvement, ou rassemblement, ou fédération, je m’en cogne) creuset dont nous avons besoin pour battre à la fois le néolibéralisme et le fascisme, et reprendre le cours de la longue révolution des communs dont la Révolution française, la Révolution russe, la Libération, mai 68 n’ont été que des étapes ?

Je n’ai hélas à ce sujet pas beaucoup de raisons d’être optimiste.

Du macronisme au fascisme

Cela faisait un moment que la dérive autoritaire du capitalisme néolibéral était visible, notamment par la violence de la répression contre les Gilets Jaunes ou le mouvement social de défense des retraites. Ugo Palheta, par exemple, a bien analysé cette “possibilité du fascisme“.

Mais les trolls macronards commencent à faire à présent leur coming out fasciste sur les réseaux antisociaux.

Exemple ici avec le troll François Noez, membre de LREM et des ridicules foulards bourges anti-Gilets jaunes :

Ça a le mérite d’être clair, non ?

No Pasaran !

Déficitaire, le régime de retraite des cheminots ?

Le régime spécial de retraite des cheminots serait déficitaire, hurlent les psychopathes macronards pour justifier la casse de TOUS les régimes de retraite par la contre-réforme de Macron. Mais si ce régime est déficitaire, obligeant l’Etat à mettre la main à la poche pour combler le trou (3,3 milliards en 2016, ce qui correspond d’ailleurs à ce que l’Etat a cédé aux riches en remplaçant l’ISF par l’IFI), c’est uniquement parce que des postes de cheminots ont été supprimés et le statut gelé pendant que l’Etat embauchait des contractuels et sous-traitait au privé. Du coup, les cheminots étant moins nombreux, leurs cotisations ne suffisent plus à équilibrer les pensions des cheminots à la retraite. A cause de cette politique idiote de libéralisation (qui nuit à la sécurité et à la qualité du service, comme l’ont prouvé le terrible accident de Brétigny, ou plus récemment celui des Ardennes), le nombre d’agents de la SNCF est passé de 303000 en 1970 à 150000 aujourd’hui, soit deux fois moins d’agents, qui doivent encore cotiser pour les pensions de 260000 retraités. S’il y avait toujours 300000 et quelque agents à la SNCF, leur régime de retraite ne serait pas déficitaire !

C’est donc l’Etat lui-même qui a rendu ce régime déficitaire. Pour retrouver l’équilibre, il suffirait de mettre fin à l’imbécile ouverture à la concurrence et de recruter de nouveaux cheminots. On en a besoin pour avoir un service public efficace et sécurisé. En attendant, il suffirait dans tous les cas de rétablir l’ISF pour financer l’aide d’Etat au régime de retraite des cheminots.

Lorsque les cheminots défendent leur statut, ils défendent l’intérêt général. Lorsqu’ils défendent leur régime de retraite, ils défendent la justice sociale, et leur grève actuelle est un instrument essentiel pour tous les salariés eux aussi en grève pour défendre leurs retraites contre le projet antisocial de retraite à points de Macron.

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