Sauts d’obstacles médiatiques par Jean-Luc Mélenchon

Dans la veine de Pierre Carles, un édifiant montage vidéo de curcumabio :


Edifiant aussi, ce montage de VilnusAtyx sur les erreurs (bêtes ou méchantes ?) de Michel Onfray :

Et du même VilnusAtyx, le gros mensonge de Patrick Chêne :

Je re-Mélenchon, et le Front de Gauche devient un Front du Peuple

La vidéo réalisée par l’ergonomiste à partir du morceau de Psychonada “Je re-Mélenchon” a été vue près de 150000 fois. Après la “réplique” de Toulouse et avant celle de Marseille, voici donc une réplique en mode “virtuel” à la re-prise de la Bastille du 18 mars 2012.

Le morceau continue d’être diffusé sur internet (via sites, blogs et journaux en ligne) et même sur des radios comme France-Inter (encore dernièrement dans l’émission de Daniel Mermet “Là-bas si j’y suis “). Il aurait aussi été entendu dans différentes manifestations et meetings. Une dissémination spontanée se met ainsi au service de l’insurrection civique.

Enfin, cette parodie citoyenne du “Louxor j’adore” de Katerine figure aussi sur l’album de Psychonada intitulé “Place au Peuple”.

Voilà qui illustre pleinement les propos de Jean-Luc Mélenchon sur son blog :

“A présent le fonctionnement des réseaux sociaux ajoute un espace d’autonomisation et d’enracinement de l’action absolument neuf et d’une puissance inouïe. Cela, je crois que tout le monde parmi vous l’a bien compris. Mais j’observe un fait supplémentaire à propos de ce que permettent ces réseaux. Loin de pousser à une balkanisation de la pensée, des mots d’ordre ou des angles d’analyses, il se produit au contraire une homogénéisation croissante de ceux qui s’impliquent ! On voit même une diffusion accélérée d’un vocabulaire commun et parfois même d’objets très sophistiqués tels que chansons, slogans, et même de consignes d’action, rendez-vous militants et ainsi de suite. Je sais bien que ce n’est pas le moment, mais dans mon esprit une refonte complète de ma manière de penser l’action de parti et le travail d’éducation populaire est en train de se faire. Je pense cependant que le niveau d’auto-organisation que je constate est un signal politique de l’état de ce qui se passe dans la profondeur du pays et pas seulement dans la périphérie de nos organisations ni même de leur deuxième cercle. Je crois que le Front de Gauche devient un Front du peuple et que cette mutation le transforme en une entité politique de masse, une sorte de Front populaire en quelque sorte.”

Fait-divers : la démocratie en suspens

Nous l’écrivions le 15 janvier dernier : “d’ici l’élection présidentielle d’avril-mai 2012, on peut donc s’attendre à coup sûr à ce que TF1, ou quelque autre média national-sarkozyste, s’efforce de créer dans l’opinion, grâce à un fait- divers opportun, le réflexe de peur qui permettra à Sarkozy de reconquérir son électorat”. Ce fait-divers s’est produit, hélas, avec la tuerie de Toulouse. L’ex-presse et le landernau politicomédiatique se sont rués sur l’événement avec force démonstrations d’émotion. L’agité de l’Elysée a fait ce qu’il sait faire le mieux : il s’est agité. Ces gesticulations stériles n’ont qu’un but : tirer parti de ce fait divers tragique pour créer une atmosphère anxiogène. Dans un tel climat de peur, l’électorat pourrait avoir le réflexe de se tourner vers le pouvoir en place, surtout si celui-ci se présente comme autoritaire et répressif. Et pendant ce temps, rares sont ceux qui chercheront à analyser rationnellement la situation.

Un dingue en scooter a tué 3 enfants et un enseignant dans une école juive. C’est probablement le même homme qui avait tué auparavant trois militaires et blessé un quatrième. “Le tueur est sûrement raciste et xénophobe” a confié un enquêteur à Sud-Ouest. Peur sur la ville donc, et activation du plan Vigipirate écarlate, alors même que le plan Vigipirate était de toutes façons déjà activé depuis des années sur tout le territoire. Pour un seul tueur. Que fera-t-on en cas d’attaque terroriste massive ? Pourtant, le simple bon-sens devrait permettre de dire qu’aucune mesure ne peut empêcher un homme seul et déterminé de nuire, et que l’arrestation du criminel ne pourra être obtenue que par un travail d’enquête qui peut être long, et qui ne sera en rien aidé par de telles gesticulations, l’arrivée des people politiques sur place étant plutôt de nature à gêner le travail des enquêteurs. S’agit-il donc de rassurer la population et d’éviter la panique par une présence militaire et policière symbolique ? Mais l’omniprésence d’hommes en armes dans les rues et les lieux publics est-elle vraiment de nature à rassurer le quidam ? N’est-ce pas plutôt une manière de signifier à chacun qu’il court un danger ?

Selon l’ex-Libération, “la presse française espérait mardi que les candidats éviteraient ensuite toute récupération politique”. Pourtant, cette agitation disproportionnée est en elle-même une récupération politique, et ce fait-divers atroce ne peut être extrait du contexte politique dans lequel il s’est produit. “A force de nier les communautés, on a déclenché quelque chose de terrible. On a désigné le hallal, puis on a désigné le casher… Il y a aujourd’hui une atmosphère très malsaine en France”, a déclaré Marek Halter. Comme si le communautarisme pouvait être un remède au racisme ! Mais Marek Halter a tout de même raison sur un point : il y a aujourd’hui une atmosphère malsaine en France. “Brasillach est servi” rappelle judicieusement Mélenchon sur Twitter (@melenchon2012). Si l’enquête confirme les motivations racistes du tueur, il faudra dire avec force qu’un passage à l’acte raciste est rendu possible par la légitimation du racisme et désigner nommément les responsables de cette légitimation : la famille Le Pen qui cite publiquement Brasillach (collabo auteur de la formule : «il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder les petits »), la même famille Le Pen qui condamnait en juillet 2011 la prétendue “naïveté” du gouvernement norvégien sur “l’immigration massive” plus que les actes criminels du tueur raciste Anders Breivik, Claude Guéant qui a tenu, entre autres, des propos infâmes et stupides sur les civilisations, Nicolas Sarkozy, qui ne cesse de stigmatiser les immigrés à coups de mensonges destinés à séduire l’électorat lepéniste…

A présent, l’ex-presse et le landernau politicomédiatique unanimes voudraient mettre la campagne électorale “en suspens”. Nonobstant le fait qu’en se ruant sur les lieux de la tuerie Sarkozy, Hollande ou Bayrou ne font rien d’autre qu’être bel et bien en campagne (pas besoin d’être sur place pour s’indigner, si ce n’est pour le spectacle), il convient d’affirmer à l’encontre des éditocrates et des politicards que la démocratie n’a pas à être mise en suspens par un fait-divers, aussi tragique soit-il. Va-t-on donc annuler les élections si un crime médiatisé est commis la veille du scrutin ? Cut the crap ! Le premier criminel venu peut-il faire taire le débat démocratique ?

 

Cette tendance à l’abrutissement général, à l’étouffement de tout débat et de toute réflexion dans l’immédiateté des gesticulations médiatiques et du spectacle de l’émotion, culmine avec une décision du petit président de l’ex-République rapportée par l’AFP : “toutes les écoles de France vont observer mardi une minute de silence à la mémoire des trois enfants et du professeur assassinés lundi dans une école juive de Toulouse par le tueur à scooter qui est désormais l’homme le plus recherché du pays, mobilisant des moyens d’exception”. En quoi une minute de silence va-t-elle faire avancer l’enquête ? Est-ce en se taisant que les enseignants vont expliquer les dangers du racisme à leurs élèves ? Ce n’est pas par le silence qu’on combat les crimes fascistes ! Et pourquoi une minute de silence à la mémoire des victimes assassinées dans l’école juive et pas pour les autres victimes probables du même tueur (les militaires noirs ou arabes) ? S’agit-il de montrer aux enfants qu’il y a des victimes plus émouvantes que les autres ? Quelle mascarade !

Contre le fascisme, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, ne nous taisons pas. Résistons.

Le 18 mars, je re-Mélenchon

Voici une parodie de “Louxor j’adore” (Philippe Katerine), à fredonner le 18 mars lors de l’insurrection civique du Front de Gauche à la Bastille. En ogg ou en mp3, je re-Mélenchon.

La démocratie n’est pas compatible avec l’économie de marché

Lu dans Circus politicus de Christophe Deloire et Christophe Dubois (aux éditions Albin Michel, 2012) :

“Le 8 juillet 2011, Suzanne Berger, professeur au MIT (Massachusetts Institute of Technology) […] prend la parole en revenant sur le débat très ancien libéralisme-démocratie. Elle va tenir des propos éclairants :

Les fondateurs de la République américaine étaient profondément préoccupés de la question de savoir s’il était possible d’avoir en même temps un gouvernement démocratique et un système économique fondé sur la propriété individuelle. Comme James Madison l’expliquait, le plus grand danger pour une démocratie est que les citoyens s’organisent, se mobilisent, “s’instituent en factions” pour promouvoir la demande majoritaire de redistribution par rapport au droit à la propriété¹.

Suzanne Berger n’invente rien. James Madison, dont elle a prononcé le nom, n’est pas n’importe qui. Coauteur de la Constitution américaine, il fut le quatrième président des Etats-Unis. Pour Madison, “le gouvernement représentatif n’était pas une modalité de la démocratie, c’était une forme de gouvernement essentiellement différente et, de surcroît, préférable”. Il considérait que démocratie et économie de marché n’allaient pas de pair. “Les démocraties, écrivait-il, ont toujours été des spectacles de turbulences et de contestations […] incompatibles avec la sécurité personnelle et le droit à la propriété².””

CQFD. La démocratie réelle reste à conquérir contre l’oligarchie qui se cache (de moins en moins) derrière une démocratie formelle. Cut the crap et place au peuple !

1. Suzanne Berger, Liberalism vs democracy, a turning point, intervention aux rencontres économiques d’Aix-en-Provence, juillet 2011.
2. Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Calmann-Lévy, 1995.

Prédiction pour 2012 (sans astrologie ni boule de cristal)

Dans le n°5 (janvier 2012) de Siné Mensuel, le sociologue Laurent Mucchielli rappelle qu’en 2002, un fait divers (l’affaire du papy Voise) avait occupé l’actualité trois jours avant le deuxième tour de l’élection présidentielle.

“L’affaire du papy d’Orléans est emblématique. Des gens auraient voulu racketter ce vieux monsieur qui vivait dans une cabane en bois au fond d’un jardin alors qu’il n’avait pas un radis. Bizarrement, ils ne l’ont frappé qu’au visage et quand il a été hospitalisé, les médecins ont interdit l’entrée à la presse. Mais une équipe de TF1 a réussi à entrer et filmer la victime sur son lit d’hôpital. Le journaliste Anthony Gautier a montré que c’était un coup monté. L’ancien patron de TF1 a reconnu que les politiques avaient instrumentalisé l’affaire avec la complicité de certains médias. Comme nous vivons dans un monde qui n’a pas de mémoire, une actualité chasse l’autre au bout de 48 heures.”

Dans Après la démocratie*, Emmanuel Todd revient, lui, sur un autre événement survenu juste avant l’élection présidentielle de 2007, alors que Sarkozy était encore au coude à coude dans les sondages avec Ségolène Royal :

“(…) le 26 mars, Nicolas Sarkozy quittait le ministère de l’Intérieur. Le lendemain, à la gare du Nord, des affrontements spectaculaires opposaient bandes de casseurs et forces de police. Au soir du premier tour de l’élection présidentielle, le sondage TNS Sofres dit de ‘sortie des urnes’ indiquait que ce qui avait le plus influencé le vote des électeurs de Sarkozy était, mentionné par 43% d’entre eux, le choc de la gare du Nord.

L’enchaînement des faits, leur importance obligent à s’interroger (ce que la presse n’a pas fait) sur la spontanéité de ces affrontements. L’agent provocateur, après tout, est une figure familière dans l’Histoire. (…) Jamais Nicolas Sarkozy n’aurait atteint 31% des suffrages au premier tour sans le climat de fièvre qu’engendra cet événement, pas seulement en lui-même mais aussi et surtout parce qu’il rappelait la grande flambée des banlieues survenue dix-sept mois auparavant.”

En janvier 2012, le petit président de l’ex-République, dont nul ne doute qu’il sera candidat à sa propre succession, est distancé dans les sondages par son rival social-libéral (François Hollande). La crise économique, la perte du triple A, la récession replongent le pays dans une lutte des classes que le sinistre Guéant était chargé de faire oublier au profit de la lutte des races en menant une politique répressive xénophobe. D’ici l’élection présidentielle d’avril-mai 2012, on peut donc s’attendre à coup sûr à ce que TF1, ou quelque autre média national-sarkozyste, s’efforce de créer dans l’opinion, grâce à un fait divers opportun, le réflexe de peur qui permettra à Sarkozy de reconquérir son électorat.

Nul ne peut prédire cependant si, en pleine “saison des tempêtes”, un tel subterfuge suffira à faire diversion. Espérons que non.

Bonne année 2012.

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* Emmanuel Todd, Après la démocratie, Gallimard, 2008.

Erratum

Dans notre dernier billet, nous citions Laurent Tarillon pour montrer que les profs n’étaient payés que sur 10 mois. Or, notre commissaire du peuple chargé de l’épuration interne nous signale qu’il s’agirait d’une erreur, reconnue par l’auteur lui-même. Si l’on en croit par exemple David Sarrado :

1) Le salaire des enseignants est bien calculé sur 12 mois (et non, comme stipulé, sur 10 mois ramenés à 12)
2) Le temps de préparation des cours est estimé à 2 heures pour 1 heure (et non à 1h30 pour 1 heure)

Donc, par rapport à ce que nous affirmions, les enseignants sont payés plus… mais pour travailler plus (ce qui ne modifie en rien notre analyse du néo-management national-sarkozyste appliqué à l’ex-Education nationale).

Le camarade coupable de ne pas avoir suffisamment vérifié ses sources sera de corvée de pluches et balaiera le kolkhoze.

Non au management de l’Education !

Rien de tel que l’ex-presse national-sarkozyste pour résumer avec la finesse qui se doit les mesures antisociales préconisées par le petit président de l’ex-République en matière d’éducation. Voici donc comment Le Figaro présente les “six piliers” du “projet de réforme du système éducatif”, annoncés à l’occasion du bras d’honneur que le sale petit mec en campagne officieuse a adressé en guise de vœux officiels au monde enseignant jeudi 5 janvier 2012 :

• Vers une autonomie des établissements

Pour le chef de l’État, elle serait un «moyen pour garantir que les objectifs nationaux de l’école soient réalisés sur tous les points du territoire ». Le dispositif Éclair, que Nicolas Sarkozy a jugé « remarquable » en a posé les bases. Elle permet aux chefs d’établissement de recruter sur profil leurs enseignants. «Quel meilleur moyen de s’assurer de la cohésion de l’équipe pédagogique? », a-t-il demandé.

On passera sur ce sophisme pitoyable : “l’autonomie” locale serait un moyen d’atteindre les “objectifs nationaux”. Le suivant est remarquable : la cohésion d’une équipe ne peut donc, selon Sarko, être assurée que par l’attribution de pouvoirs arbitraires au chef d’établissement. La fameuse (et fumeuse) “autonomie” sera donc bien celle des “chefs”, et non celle des équipes de plus en plus soumises à un flicage intensif, considérées a priori comme déficientes ou en faute, et toujours mises en demeure d’innover avec des moyens en baisse (cette technique de management est d’ailleurs déjà en vigueur dans de nombreux établissements). Les membres de l’équipe pourront être recrutés “sur profil”, c’est-à-dire en fonction de leur docilité (le profil “militant syndical”, par exemple, ne sera peut-être pas le plus prisé). Il s’agit donc évidemment d’une tentative de mise au pas des profs et des personnels de l’ex-Education nationale, qui seront désormais soumis au même management déshumanisant que celui qui a déjà fait ses preuves dans d’autres secteurs passés du public au privé (souvenons-nous par exemple des vagues de suicides à France Télécom : elles ont efficacement assuré la suppression de plusieurs postes dans la fonction publique).

• De nouvelles missions pour les enseignants

L’objectif est de «revaloriser le métier de professeur, dont la fonction doit être remise au centre de notre projet de société ». Nicolas Sarkozy suggère que les professeurs puissent «accepter de nouvelles manières de travailler, d’être plus présents dans les établissements », autrement dit, sortir du statut de 1950 qui fixe uniquement le nombre d’heures de cours.

Le statut de 1950 n’avait justement pas fixé le nombre d’heures de cours (18h par semaine pour un professeur certifié) à la légère. Comme l’a justement rappelé Laurent Tarillon : “En fait, ce temps a été conçu en prévoyant qu’un enseignant travaille 1,5 heures chez lui pour une heure devant élève afin de préparer ses cours, évaluer les élèves et actualiser ses connaissances dans sa discipline. Cela fait 18 fois 2,5 heures (1 devant les élèves et 1,5 à la maison), soit 45 heures hebdomadaires. En effet, le temps de travail légal de l’époque s’il était légalement de 40 heures par semaine, était en réalité d’environ 42h par semaine, sur 50 semaines.” On notera qu’entre temps, la durée légale du travail a été abaissée, mais pas le nombre d’heures de cours des profs. Quant aux vacances scolaires, souvent considérées par les adeptes de l’esclavage généralisé comme un énorme privilège dont jouiraient les enseignants, elles ne sont tout simplement pas payées. En effet, comme le rappelle toujours Laurent Tarillon, la grille des professeurs “a été, elle aussi, fixée en 1950 au même niveau que les autres cadres de la fonction publique recrutés avec un concours au niveau Bac +3. Mais à cette grille, il (…) a été retiré 2 mois de salaires, puis le résultat a été divisé par 12 (pour recevoir un salaire chaque mois). Par exemple si un inspecteur des impôts est payé 2000 Euros par mois il recevra 24000 Euros par an, alors que pour la même qualification,  un enseignant recevra aussi 2000 Euros par mois mais sur 10 mois, soit  20000 Euros par an. Cette somme est ensuite divisée par 12 et donne 1667 Euros par mois.”

A partir de là, pourquoi diable les profs devraient-ils être “plus présents dans les établissements” ? Pour attendre le client dans un bureau sous-équipé (la maintenance informatique est de moins en moins assurée dans les bahuts, les crédits nécessaires ayant été supprimés) où il leur sera beaucoup plus difficile que chez eux de corriger les copies, préparer les cours, remplir les innombrables paperasses que la bureaucratie manageriale se plaît déjà à faire proliférer, se documenter, mettre à jour leurs connaissances et se former de façon continue aux technologies qui sont déjà obsolètes dès qu’elles ne sont plus nouvelles ? Le but n’est-il pas plutôt de stigmatiser encore davantage aux yeux de l’électorat du Front Nazional des profs réputés fainéants et privilégiés ? De réaffirmer un certain mépris de la culture et de l’éducation propre à ramener au bercail national-sarkozyste les beaufs tentés par La Pen ?

Les anciennes “manières de travailler” des profs ont pourtant permis à la population française d’atteindre un niveau d’alphabétisation encore jamais vu dans l’histoire, comme le souligne par exemple Emmanuel Todd dans Après la démocratie. Ce bilan est-il donc si négatif qu’il faille chercher de “nouvelles manières de travailler” en tout point copiées sur l’exploitation des travailleurs du privé ?

 

• Salaires augmentés et carrières revalorisées

En contrepartie de ce nouvel investissement, leur rémunération «devra être considérablement augmentée». Car, en terme de salaires, la France se classe en dernière position d’un classement de 10 pays établi par l’OCDE. Les conditions de travail devront aussi être améliorées, notamment avec «la mise à disposition de bureaux » et l’évaluation par le chef d’établissement, ébauchée par Luc Chatel, sera le «premier pas » vers cette «nouvelle conception du métier de professeur », à condition que «les compétences disciplinaires continuent à être évaluées par l’inspecteur d’académie ».

Les ébauches de Luc Chatel n’ont pourtant pas été perçues comme une “amélioration des conditions de travail” par les enseignants qui ont déjà fait grève le 15 décembre 2011 contre le projet du ministre manager de l’ex-Education nationale. Sarko ne dit d’ailleurs pas où les chefs d’établissement vont bien pouvoir trouver des bureaux à mettre à disposition de tous les enseignants. En supposant que cela ne soit pas tout bonnement impossible en terme d’espace, il va falloir de sacrés travaux d’aménagement dans tous les établissements pour y parvenir. Comment seront-ils financés ? Et de telles dépenses sont-elles vraiment prioritaires alors que les moyens modernes de communication permettent justement le travail à distance et donc à domicile (les bulletins de note, les cahiers de texte, les livrets de compétence… sont déjà le plus souvent dématérialisés et remplis via internet par les profs) ? S’il s’agit de permettre aux élèves d’avoir des entretiens individuels en dehors des cours, rappelons que les profs le font déjà, bien évidemment, mais surtout qu’il existe des personnels qualifiés pour s’occuper des questions individuelles : surveillants, assistantes sociales, conseillères d’orientation, infirmières, médecins scolaires, psychologues… qui font de plus en plus cruellement défaut suite aux innombrables suppressions de postes décidées par le même Sarko qui prétend à présent vouloir “améliorer les conditions de travail” des profs.

• Mettre fin au collège unique

La réforme devra «mettre fin aux faiblesses du collège unique, qui n’arrive pas à prendre en compte correctement la diversité des élèves». Deux pistes sont évoquées: «recentrer la 6e et la 5e sur les enseignements fondamentaux en assurant une meilleure continuité avec le primaire » et «assumer la diversité des parcours en 4e et 3e », car le collège actuel ne prépare, selon le président, qu’à l’enseignement général et pas à l’enseignement professionnel.

Le petit président de l’ex-République ne dit pas en quoi le “collège unique” n’arriverait pas à “prendre en compte la diversité des élèves”. Est-ce un mauvais souvenir de son propre redoublement en classe de sixième qui lui fait dire cela ? On voit bien que ce discours vise en réalité à permettre d’exclure du système scolaire dès la fin de 5ème des élèves en difficulté auxquels on offrait jusque là des possibilités de remédiation en les maintenant jusqu’au bout au collège. Ils pouvaient ainsi accéder à cette culture générale qui paraît si inutile à l’éminent représentant de l’inculture bling bling qu’est Sarkozy.

• Valoriser l’alternance  au lycée

Le chef de l’État suggère que la formation en alternance devienne obligatoire en dernière année de CAP ou de bac professionnel, la jugeant comme un remède au chômage de ceux qui n’accèdent pas à l’enseignement supérieur. Ce qui impliquerait d’augmenter de 200.000 par an le nombre de contrats avec les entreprises.

Il s’agit ici ni plus ni moins que de liquider les lycées professionnels et les postes qui vont avec (pour le plus grand plaisir des agences de notation), comme l’a bien démontré Jean-Luc Mélenchon : “Mais personne ne se préoccupera bien sûr de savoir comment une telle masse de jeunes vont pouvoir être accueillis en entreprise dans de bonnes conditions. Et cela alors même que leurs capacités d’accueil sont déjà saturées !”

• L’efficacité  à moyens constants

Le maître mot: optimiser. «Un système scolaire plus efficace mais à moyens constants », résume Nicolas Sarkozy. «La question n’est pas celle des moyens, qui ont augmenté de 80% ces tr dernières années, la question, c’est d’oser le changement.»

Sarkozy ment sur toute la ligne, et prend les Français pour des cons en parlant d’optimisation à moyens constants alors qu’il liquide tout bonnement le service public de l’Education nationale. Mais prenons-le au mot, et “osons le changement”, y compris en matière d’emploi du temps. Sauf que c’est le sien qu’il faut changer, plutôt que celui des profs : en avril-mai 2012, accordons-lui beaucoup de temps libre.

Assez d’innovation, plus de révolution !

C’est donc officiel : François Hollande sera bien le candidat de l’ex-PS aux élections présidentielles de 2012 (et non le candidat “de la gauche”, malgré ce qu’affirmaient certaines affiches durant la campagne des primaires). La prophétie auto-réalisatrice des sondages faisandés peut donc s’accomplir et, si les 17% du démondialisateur Montebourg ont quand même constitué une bonne nouvelle (pour Mélenchon du moins), il est indéniable que ce n’est pas le candidat le plus à gauche qui se trouve ainsi désigné. Nous ne céderons pas pour autant à la mode de le traiter de “Flanby”, car s’il est vrai en revanche que Sarkozy est bien un tout petit président de l’ex-République, il est trop tôt encore pour dire si Hollande se révélera, une fois le pouvoir éventuellement conquis, d’une gauche plus “molle” que les Mitterrand, Delors, Fabius, Bérégovoy, Jospin, DSK, Aubry… qui furent par le passé si rarement durs avec les marchés.

Nous nous pencherons plutôt sur un détail inquiétant, déjà ancien, mais relayé par François Hollande lui-même dans une interview publiée par Charlie-Hebdo le 19 octobre 2011, et qui nous révèle un François Hollande bonne poire d’Apple.

“Moi-même, dans mon propre département, j’ai mis une tablette numérique iPad à disposition de tous les élèves de collège. Tous. C’est une façon de participer à une innovation pédagogique et de lutter contre les inégalités, en aidant des familles qui n’ont pas les moyens d’acquérir ce matériel. Quand je vois que les Hauts-de-Seine distribuent un ou deux iPad par collège, et que moi, qui ai hérité du département le plus endetté de France, je fais distribuer un iPad par collégien, je me dis que quand on veut on peut”.

L’ex-Steve Jobs s’en frotterait les mains, s’il était encore de ce monde. Cette opération “Ordicollèges”, en effet, ne coûterait peut-être pas 1,5 millions d’euros au Conseil Général de Corrèze si Hollande n’avait pas choisi la très chère tablette numérique d’Apple (alors qu’il existe même une marque concurrente française d’un meilleur rapport qualité/prix, comme s’en étonnait déjà Claude Soula le 20 novembre 2010). Sur son propre site de député, Hollande relaie pourtant sans vergogne la propagande servie par un cadre d’Apple :

“L’iPad est de loin la meilleure manière pour les élèves d’expérimenter le web, l’email, les photos et la vidéo, et avec plus de 40 000 applications iPad disponibles, l’iPad transforme la façon dont les professeurs enseignent et dont les élèves étudient”.

Sauf que non. L’iPad est peut-être un joli gadget, très fun, très mode, très tendance… mais c’est un attrape-cons inutile complètement verrouillé : la plupart des “40000 applications” sont payantes et n’ont aucun intérêt pédagogique. D’ailleurs, la “pédagogie” n’a pas tant besoin d’innovation (terme de la novlangue de droite qui vise à masquer sous un pseudo-modernisme un réel conservatisme) que de moyens humains (ce que le candidat Hollande a d’ailleurs le mérite de promettre de rétablir dans l’Education nationale). Et ce n’est peut-être pas à une entreprise qui pollue la Chine et y fait exploiter des quasi-esclaves de “transformer la façon dont les professeurs enseignent et dont les élèves étudient”.

Le rôle d’un Conseil Général est-il de transformer les élèves de collège et leurs profs en clients captifs d’un produit qui sera déjà totalement obsolète au bout de trois ans (et bien sûr incompatible avec les futures applications) ? Non. L’iPad est-il vraiment le meilleur outil qui soit pour “expérimenter le web, l’email, les photos et la vidéo” ? Non plus. L’iPad ne servira à rien à qui n’a pas déjà un ordinateur (équipé d’iTunes) et une connexion internet. Un portable ou un netbook librement configurable, adapté à des formats de fichiers ouverts et équipé de logiciels libres aurait été un investissement infiniment moins coûteux, plus utile, plus durable et plus éthique pour faire accéder l’ensemble des élèves à l’informatique.

En courant ainsi après l’exemple des Hauts-de-Seine (le richissime département naguère géré par Sarko ou Pasqua), en se faisant ainsi le VRP d’Apple avec l’argent du “département le plus endetté de France”, Hollande se montre vraiment pomme à l’eau. Ce n’est pas de bon augure pour la suite, hélas.

Assez d’innovation, camarade Hollande, et plus de révolution !

On a dépassé la vitesse des Lumières

L’événement pourrait bouleverser la théorie de la relativité : une équipe de chercheurs a observé un faisceau de neutrinos dont la vitesse dépasse celle de la lumière, pourtant considérée comme indépassable depuis Einstein.

Pourtant, certains indices laissaient soupçonner depuis longtemps que cette limite pouvait être franchie : la connerie de droite, en effet, a toujours été plus rapide que les Lumières. Par exemple, t’as même pas eu le temps de relire Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot, Condorcet… que déjà Hortefeux a réussi à sortir une blague raciste, que Guéant a expulsé une centaine de Roms, que Djourhi, Bourgi et Takieddine ont prélevé leurs rétro-commissions, que Fillon a cassé les retraites, que Vanneste, Mariton, Luca et autres réacs rances ont mis tout le monde au garde-à-vous parce qu’on n’est pas des pédés, et que Sarko a remis les clés du pays aux agences de notation…

Oui, la connerie de droite est vraiment plus rapide que les Lumières. Au point qu’on aimerait bien que le CERN nous fabrique un jour un décélérateur de particules.

Aux armes !

Lu sur le site de France-Info :

L’UMP veut que les Français fassent “allégeance aux armes de la France”. Tout Français prêterait serment, au moment de sa majorité ou de sa naturalisation. C’est l’une des 29 propositions que l’UMP doit présenter lors de sa convention sur la défense nationale. (…) Que propose le parti présidentiel ? Que chaque Français fasse, à sa majorité ou lors de sa naturalisation, “allégeance aux armes de la France”. Un engagement solennel, pendant lequel hommes et femmes promettraient de combattre du côté de la France en cas de conflit armé. Comme aux Etats-Unis.

Il est évidemment bien peu probable que l’UMP aille au bout d’une telle proposition, dont même les plus naïfs comprendront aisément qu’elle n’est destinée qu’à séduire l’électorat facho. Même le ministre de la Guerre Défense, Gérard Longuet, pourtant ancien membre du groupuscule d’extrême-droite Occident, se dit “un peu gêné”. C’est dire.

Pourtant, l’idée n’est pas à rejeter entièrement. Ce qui est bien sûr très gênant, c’est l’allégeance aux armes de la France nationale-sarkozyste, mais demander aux Français de prêter serment d’allégeance aux armes de la liberté et de l’égalité sociale contre le coup d’Etat de l’oligarchie financière dont le petit président de l’ex-République n’est que le valet ridicule, vulgaire et colérique, voilà qui aurait de la gueule ! Prenons aux mots cette vieille ganache moisie d’Hervé Mariton, à l’origine de cette lumineuse proposition, et faisons même quelques emprunts à la très violente Marseillaise dont l’écho pourrait redonner un peu de courage au peuple : Aux armes, citoyens ! Contre nous de la tyrannie des marchés ! Tremblez tyrans ! Marchons ! Marchons ! Qu’un sang impur abreuve les agences de notation !

Si néanmoins la clique nationale-sarkozyste devait mettre ses fantasmes militaristes à exécution, il serait utile de lui fredonner une autre mélodie, extraite de l’Internationale cette fois :

Les Rois nous saoulaient de fumées,
Paix entre nous, guerre aux tyrans !
Appliquons la grève aux armées,
Crosse en l’air et rompons les rangs !
S’ils s’obstinent, ces cannibales,
A faire de nous des héros,
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux.

A bon entendeur salauds !

Cut the crap infiltre les réseaux antisociaux

Nos plus fidèles lecteurs l’auront peut-être remarqué : ce blog jusqu’ici plutôt austère est désormais souillé par la présence de gadgets web 2.0 destinés à accroître si possible notre visibilité et notre audience par le truchement dérisoire de réseaux antisociaux (injustement appelés “réseaux sociaux”), tels Facebook ou Twitter.

Ces réseaux sont des produits marketing créés par d’ineptes geeks boutonneux dénués de conscience politique, tels l’infâme Mark Zuckerberg, avec l’appui de business angels et de “capital-risqueurs” avides et profiteurs. Malgré une image qui se veut fun, cool et branchée, leur but est la collecte de données personnelles revendues ensuite à des tiers, ce qui est assez effrayant si l’on considère que de nombreux utilisateurs livrent ainsi en pâture aux bourreurs de crâne publicitaires — mais aussi à la police ! — des renseignements sur leurs moindres faits et gestes. Plus encore que sur le reste du web, ces réseaux antisociaux sont couverts de bruit, celui des épanchements narcissiques et des récits épiques de ces héros des temps modernes qui font caca le matin, mangent lors des repas, prennent des photos de vacances et qui — chose inouïe — étaient tellement mignons lorsqu’ils étaient petits ; le bruit aussi des propos de comptoir et des bêlements des adeptes de la pensée positive qui se souhaitent de “belles journées” alors qu’il serait déjà plaisant qu’une journée fût simplement “bonne” (sinon, on se dirait “beaujour” et non “bonjour”, bande de débiles) ; le bruit également des rumeurs les plus folles et des théories du complot les plus paranoïaques, mais aussi des modes les plus imbéciles ; le bruit des misères affectives ou sexuelles qui cherchent désespérément à se toucher sans avoir à faire l’effort de se connaître (ou réciproquement) ; ou encore le bruit des gazouillis ineptes (tweets) véhiculant en quelques mots abrégés sans orthographe ni syntaxe une pensée courte, tronquée ou vide, privée de la richesse du langage ordinaire, et qui devrait être interdite aux plus de 12 ans, même sous forme de SMS.

Non aux SMS
Non au langage SMS (par Cyril Holweck)

 

Le pire, d’ailleurs, c’est que l’information des media officiels emprunte désormais de plus en plus cette voie-là. Souvenons-nous du début de l’affaire DSK et de l’observation faite alors par Télérama :

Dépassées par les évènements, les télévisions et les radios en étaient réduites, comme tout un chacun, à lire Twitter. Sur TF1, Laurence Ferrari n’assumait pas l’origine de ses informations et avouait, sans duper personne, les avoir « reçues par SMS ». Sans scrupule, Olivier Mazerolle, la star de BFM TV, reconnaissait transmettre les messages écrits sur la plateforme par son envoyé spécial Emmanuel Duteil. Même sur France Info, Twitter était cité au même titre qu’une dépêche de l’AFP. Chose impensable il y a encore quelques semaines. Mais après tout, les informations étaient fiables et vérifiables puisque rapportées par de nombreux journalistes.

On peut aussi évoquer Maryse Burgot lisant sur un trottoir de New York devant les caméras de France 2, le 19 mai 2011, les tweets envoyés par son collègue Hakim Abdelkhalek depuis la salle d’audience du tribunal où comparaissait DSK. La télévision se contentant d’être en direct une chambre d’écho pour Twitter, les télé-spectateurs de la chaîne de l’ex-service public pourraient donc faire aisément l’économie de la redevance.

Et pourtant… Facebook et Twitter sont aussi utilisés par des personnalités, des militants, des organisations, des media… de gauche ! Les révolutions arabes et le mouvement des Indignés ont bel et bien utilisé ces outils à des fins contestataires, voire révolutionnaires. Il est donc peut-être possible de tenter d’en faire un usage à la fois critique et utile. Après tout, il n’y a rien de plus con qu’un slogan, mais une manif sans slogan, ça ne casse pas trois pattes à un canard. Peut-être faut-il envisager ces réseaux sous cet angle ? Si Bourdieu avait bien établi que la critique de la télévision ne pouvait être faite à la télévision sans être instantanément récupérée, dévoyée ou vidée de tout contenu, il n’en est peut-être pas forcément de même pour les réseaux antisociaux, bien qu’ils aient aussi leurs propres dispositifs de censure (il n’est par exemple pas permis sur Facebook de créer un compte d’utilisateur au nom de “Cut the crap” ).

Non sans réticence, nous tentons donc l’aventure, prêts à nous enduire nous-mêmes de goudron et de plumes si, au lieu de parvenir à infecter tant soit peu les réseaux antisociaux nous nous laissons finalement contaminer par l’inanité qui y règne le plus souvent. Ainsi, chaque article de notre blog est désormais pourvu d’un bouton “Partager/Marquer” qui permet d’en faire la promotion sur différents réseaux, dont Facebook et Twitter ou même par simple courriel. Les usagers de Facebook pourront aussi nous y retrouver, puisque notre commissaire du peuple chargé de la propagande virale, Pierre-Joseph de Stal, y a ouvert une page Cut the crap. N’hésitez pas à devenir ses camarades (sur Facebook, bizarrement, ça s’appelle des “amis”), et à recommander notre page ou les articles qui y sont relayés en cliquant par exemple sur “j’aime” (étrangement, il n’y a pas de bouton “je déteste”). Vous pouvez aussi y faire des commentaires, y compris négatifs, ce qui est déjà le cas sur le blog, bien sûr. Enfin, nous avons aussi un compte Twitter : @cutzecrap, auquel vous pouvez vous abonner. Nos tweets apparaissent sur la colonne de droite de ce blog.

lol !!! mdr !!! 🙂

L’Homme sans Qualité

Dans Le Monde du 30 mai 2011, Miguel Benassayag dénonce les méfaits du “néomanagement”. En référence à l’oeuvre de Robert Musil*, il dépeint les nouveaux gestionnaires et autres managers comme des “hommes sans qualités”, “agents de la tristesse”, “petits hommes gris” qui sévissent à présent jusque dans l’éducation et la santé.

Ordinateur et pointeuse en poche, ils ont pour mission d’apurer les comptes et de “remettre au travail” le personnel. Avec eux, plus de “feignants”, d'”assistés”, de “privilégiés” (certains ont dû télécharger récemment le portrait de Laurent Wauquiez en fond d’écran…). Ils appliquent le règlement, tout le règlement, rien que le règlement.

Or dans ces endroits singuliers où l’on soigne et où l’on apprend, l’essentiel se passe justement à côté du règlement. Pas contre, mais en dehors. Dans un hôpital, dans un centre psy, la qualité des soins dépend avant tout de la relation avec le patient. Elle passe par l’écoute, le dialogue, le regard, l’attention, et le pari partagé. Une minute peut valoir une heure, une heure une journée, une journée une vie. Aucun logiciel ne peut traiter ce genre de données.

Dans les centres médico-psychopédagogiques, les écoles, collèges et lycées, les objectifs chiffrés, les fichiers, les classements et catégories administratives ne peuvent cadrer avec des parcours d’élèves et patients multiples, complexes et singuliers. Ici, le travail a à voir avec le désir et le lien. Qui peut prétendre quantifier et rationaliser cela ? 

A l’appui de l’analyse de Benassayag, rappelons que cette rationalisation systématique des tâches humaines n’est pas nouvelle. Elle n’est que le prolongement du vieux taylorisme qui fit les beaux jours de l’industrie du début du XXe siècle et de ses dérivés, le fordisme et le toyotisme. Les techniques de management et les process de Qualité qui ont commencé à se mettre en place il y a une vingtaine d’années en France après avoir déjà fait le bonheur des managers américains sont les héritiers directs de “l’organisation scientifique du travail” de Taylor mais elles ont survécu à la désindustrialisation et ont su gagner facilement le secteur tertiaire. Il s’agit encore et toujours de décrire les tâches pour les quantifier et les rationaliser afin d’éviter les gaspillages, les temps morts, les dysfonctionnements, dans le but d’accroître encore la productivité. Mise en fiche, surveillance, définition d’objectifs, procédures normées… sont autant de moyens de contrôle de l’humain, désormais soumis au fantasme d’une réduction de l’aléatoire, d’une disparition du hasard, d’une éradication du trop incertain facteur humain. L’homme encadré par les procédures de Qualité (ou d’assurance Qualité), dans l’isolement des tâches, coupé du collectif, poussé à l’individualisme et soumis à un strict management, est dépourvu du caractère imprévisible et dangereux propre à l’être humain. Il s’agit bien là d’une déshumanisation. D’ailleurs, la gestion de la Qualité vise même à la Qualité Totale (Total Quality Management), mais les philosophes permanentés si prompts à déceler les ferments du totalitarisme dans tout mouvement social n’ont jamais daigné pointer ce totalitarisme-là. Ironie du sort selon Benassayag, cette rationalisation au nom de la productivité est en fait totalement contre-productive :

A force de vouloir imposer de la rationalité, en contrôlant les horaires, en voulant rentabiliser chaque minute (chaque euro d’argent public dépensé…), en quadrillant les services, en instituant des rôles de petits chefs et sous-chefs, c’est la contrainte qui devient la règle, épuisant le désir et l’initiative des salariés.

Obligés de travailler dans un univers panoptique où tout est mesurable et transparent, ils perdent le goût de leur métier, s’impliquent logiquement moins, et souffrent au quotidien.

Ce qui était déjà vrai dans l’industrie, puis dans les anciens services publics privatisés ou en voie de privatisation (France Télécom, La Poste…) touche à présent les services restés publics tels les établissements scolaires ou hospitaliers, dont on orchestre ainsi, au nom de la rationalité productiviste, une inefficacité qui n’en justifiera ensuite que mieux la privatisation.

Ces bouleversements se préparent dans la durée, lentement, discrètement. Et c’est bien de cette façon que la petite armée de ces hommes sans qualités est en train de préparer le terrain d’une société brutale et obscure.

Les suicides chez France Telecom qui ont naguère défrayé la chronique, et qui continuent en 2011, ne sont que le sommet de l’iceberg : c’est la totalité de la société soumise à une rationalisation folle qui est désormais en proie à une véritable dépression.

Déprimés : les victimes de la crise (qu’on appelait “dépression” dans les années 30), les ménages surendettés, les chômeurs, les militants désabusés par tant de défaites sociales, les déçus de la gauche, les vieux dont les entreprises ne veulent plus, les jeunes qui n’auront pas de retraite… mais aussi les salariés fliqués, les fonctionnaires méprisés, les guichetiers de la poste transformés en machines, et même les enseignants transformés en gardes-chiourme d’une jeunesse sans espoir. Dans l’Education nationale, par exemple, le livret personnel de compétences déjà en place dans les écoles primaires débarque cette année dans les collèges. Les élèves sont ainsi fichés tandis que les profs se voient obligés des heures durant de cocher des cases aux intitulés ubuesques, ce qui est aussi un moyen de dévaloriser leur travail : les “têtes pensantes” du ministère conçoivent les livrets et autres fiches, que les profs, simples petites mains, remplissent à la chaîne. Une compétence ne peut qu’être “acquise” ou “non-acquise” (ou, éventuellement, “en cours d’acquisition”). Pas de place pour la nuance, le commentaire, la complexité.

Le collectif national de résistance à Base élèves contre le fichage à l’école fournit fort utilement un kit anti-LPC à destination des enseignants et des parents d’élèves. D’autres initiatives de ce type doivent se développer dans tous les secteurs : profs, ouvriers, employés, suicidés… même combat ! Pour un Homme sans Qualité, virons les hommes sans qualités !

LPC

 

* Robert Musil, L’homme sans qualités, Seuil, 1979.

 

De la putification (3)

Selon Le Canard enchaîné du 25 mai 2011, le petit président de l’ex-République se réjouissait en secret des déboires de DSK, convaincu qu’ainsi la gauche ne pourrait plus l’attaquer sur le terrain de la morale. Mais la droite ayant aussi désormais en ses rangs un suspect d’agression sexuelle, on peut dire que finalement, Sarko l’a eu dans le Tron.

Confiscations

Selon Le Figaro (Beaumarchais, si tu savais… ), le bouclier fiscal aurait coûté 591 millions d’euros à l’Etat en 2010.

Selon La Tribune, le ministre de l’Education-pour-les-riches-et-la-prison-pour-les-pauvres prévoit de fermer 1.500 classes dans le primaire à la rentrée 2011 et de supprimer ce faisant 16.000 postes alors même que le nombre d’élèves est en augmentation. “Ce sont pas moins de 65.000 postes d’enseignants qui auront disparu en cinq ans”. Et de citer le petit président de l’ex-République : “compte tenu des déficits, des problèmes que nous avons, on ne peut pas faire le choix à la fois d’augmenter sans cesse le nombre et en même temps d’augmenter la rémunération des statuts”. Les intéressés peinent sans doute, soit dit en passant, à déceler une quelconque augmentation de leur rémunération.

Que pouvons-nous en conclure ?

1) La lecture de l’ex-presse d’ultra-droite néolibérale conservatrice équivaut à un bon bourrage de crâne, certes, mais aussi à un vrai lavage d’estomac. Dans notre ex-République nationale-sarkozyste, l’ex-presse ne se lit plus, elle se vomit jusqu’à la bile.

2) Avec les 591 millions d’euros rendus par l’Etat à ses petits protégés, on aurait pu payer 16.000 profs toute une année 3.078 euros par mois, soit un peu plus que le salaire mensuel net d’un prof certifié à l’échelon maximum d’avancement après 30 ans de carrière (3.026 euros). On mesure donc un peu mieux à quoi auront servi précisément ces 16.000 suppressions de postes, ce que n’ont évidemment remarqué ni La Tribune ni Le Figaro. Ce dernier précise néanmoins :

“Les 925 ménages ayant des revenus supérieurs à 44.980 euros par an et un patrimoine supérieur à 16,5 millions ont capté 60 % du coût du bouclier. Le fisc leur a remboursé en moyenne 381.000 euros. Sans bouclier, leur impôt aurait été confiscatoire. Voilà pourquoi la fin du bouclier ira de pair avec un allégement de l’ISF.”

On sait donc très précisément à quoi servira l’allègement de l’ISF : à éviter que l’impôt de ces gros cochons ne leur paraisse “confiscatoire”.

Et on sait très précisément comment sera financé cet allègement : en confisquant encore des milliers de postes à l’Education nationale en particulier, et à la Fonction publique en général.

Cut the crap !

Demandons le protectorat tunisien

La Tunisie fit longtemps partie de l’empire colonial français en tant que protectorat. En 2011, le peuple tunisien a chassé le tyran Ben Ali et son clan, ouvrant la voie pour d’autres révolutions, particulièrement dans le monde arabe.

Mais en France, c’est toujours une oligarchie qui confisque pouvoir et richesse. Le petit président de l’ex-République, ridicule et vulgaire jusqu’à l’outrance, n’est lui-même qu’un des membres prétentieux de cette clique si bien dépeinte par les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot dans leur livre Le président des riches, paru fin 2010. Les deux auteurs y démontrent que cette oligarchie mène avec patience et opiniâtreté une véritable guerre de classe, pratiquant pour elle-même un très efficace “collectivisme pratique” tandis qu’elle pille les ressources du pays.

Pendant ce temps, la loi LOPPSI 2 votée par le parlement, introduit précisément dans le droit français ce que les Tunisiens viennent d’abolir chez eux : atteinte aux libertés individuelles, fichage et vidéo-surveillance généralisés, criminalisation de la marginalité et de la misère, répression policière… (il est néanmoins toujours temps de signer la pétition qui demande l’abrogation de cette loi inique).

La France s’est crue autrefois autorisée, parfois au nom même des “droits de l’homme”, à porter “le fardeau de l’homme blanc” (métaphore raciste par Kipling du colonialisme). Aujourd’hui, la France rance de l’ex-République nationale-sarkozyste doit être mise hors d’état de nuire. Pour cela, le peuple français, qui n’a pas réussi en octobre-novembre 2010 à se libérer du joug d’une oligarchie amie de longue date des Ben Ali, Moubarak et autres pourvoyeurs de jets privés pour ministres en vacances, aurait intérêt à demander la protection d’un pays libéré : la Tunisie, par exemple.

L’ex-République française sous protectorat tunisien pourrait conserver, comme autrefois la Tunisie sous protectorat français, une relative autonomie avec un président fantoche et quelques institutions indigènes (le petit président actuel qui s’est rendu coupable d’atteinte à l’indépendance de la justice en attaquant les magistrats privés par lui-même de moyens à propos d’un fait divers à Pornic ne pourrait évidemment rester à ce poste, et serait invité à retourner en vacances chez le roi du Maroc Mohammed VI qui l’a déjà hébergé gentiment à quatre reprises). La politique étrangère française serait directement sous tutelle tunisienne, afin d’éviter l’indignité et l’incompétence de l’actuelle ministre Michèle Alliot-Marie (celle-là même qui voulait faire bénéficier le dictateur Ben Ali du savoir-faire français en matière de répression policière et qui a menti au sujet de ses liens avec le milliardaire Aziz Miled, proche de Ben Ali). La police et l’armée devraient également dépendre directement du pouvoir tunisien, tant il est vrai que les actuels ministres français ont disqualifié durablement la fonction qu’ils exercent : l’un, Brice Hortefeux a été condamné en première instance en 2010 pour injures raciales et pour non-respect de la présomption d’innocence ; l’autre, Alain Juppé, a été condamné en 2004 pour faits de prise illégale d’intérêts.

En attendant la mise en place de ce protectorat, nous ne saurions trop recommander à l’électorat lepéniste et aux ministres auvergnats amateurs de blagues racistes de se montrer dorénavant très affables envers les immigrés tunisiens qui travaillent en France. On n’est jamais trop aimable avec son protecteur, et les éventuelles expulsions ne se feront peut-être pas par jets privés.

Bibliographie :

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Le président des riches (Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy), La Découverte, 2010.

“La dictature de la transparence” : cut the crap !

Parfois, la transparence est une forme de totalitarisme” affirmait Brice Hortefeux (ministre condamné en première instance pour injures raciales) le 30 novembre 2010 à propos des notes diplomatiques américaines divulguées par Wikileaks.

Wikileaks : la dictature de la transparence” titrait Elisabeth Roudinesco, historienne psychorigide, pour Libération, le 2 décembre 2010.

Internet, c’est la STASI en pire” assenait le 4 décembre Catherine Nay, employée du marchand d’armes Lagardère, dénonçant au passage “la tyrannie de la transparence” (on imagine aisément, à coup sûr, ce que la transparence pourrait coûter à des entreprises comme celle de Lagardère).

Trop de transparence est “dangereux pour la démocratie” renchérissait le 6 décembre le politicien ultra-libéral réactionnaire Mario Vargas Llosa en allant chercher son hochet (un quelconque prix Nobel) à Stockholm.

Cherchez l’intrus.

Les mêmes qui applaudissaient sans doute autrefois la “Glasnost” de Gorbatchev parce qu’elle fissurait l’opacité du totalitarisme stalinien se font donc à présent les défenseurs indignés du secret d’Etat et la transparence est devenue l’ennemie de la démocratie. C’est cocasse.

Passons sur les cris effarouchés des vieilles badernes de la droite réactionnaire pour nous attarder un moment sur la prose roudinesque.

Le déballage par le site WikiLeaks de milliers de courriers, mails et échanges qui auraient dû demeurer secrets jusqu’à l’ouverture des archives par des historiens pose, une fois de plus, le problème de la transparence.

Pourquoi diable ces documents auraient-ils demeurer secrets ? Pourquoi attendre l’ouverture des archives ? Et pourquoi dès lors en réserver l’usage aux seuls historiens ? Parce que c’est ainsi que l’Etat l’entend, qu’il soit américain ou français ? En quoi le problème de la transparence se pose-t-il “une fois de plus” ? Quand donc la transparence de l’Etat a-t-elle été un “problème” ? En l’espace d’une phrase, Elisabeth Roudinesco fait du secret d’Etat un absolu moralement indépassable, évitant ainsi toute réflexion sur la nature réelle des Etats qui pratiquent si allègrement le secret et n’ont jamais, mais alors jamais, été transparents en quoi que ce soit (en tout cas pas de leur plein gré).

Depuis qu’Internet a acquis un pouvoir de divulguer tout et n’importe quoi, des pirates surdoués peuvent se prendre pour les nouveaux Robin des bois d’un altermondialisme pour le moins suspect, consistant à faire croire à leurs internautes que tous les Etats du monde auraient organisé un vaste complot visant à asservir les pauvres citoyens.

Qui est Internet ? Qu’est-ce que l’altermondialisme des pirates surdoués a de “suspect” ? Et suspect de quoi ? Voilà rangés dans un fourre-tout indéterminé les usagers d’internet, les altermondialistes et les théoriciens du complot. Mais que dire de ceux qui voient des théories du complot partout ?

Ces derniers seraient ainsi les victimes inconscientes d’une puissance obscure et antidémocratique fondée sur le règne du crime et de la corruption. Telle est en tout cas l’idée fixe de cet étrange hacker australien – Julian Assange -, qui se croit un bienfaiteur de l’humanité alors même qu’il est pourchassé – peut-être à tort – par la justice suédoise dans le cadre d’une enquête pour suspicion de viol et d’agression sexuelle. Au point qu’il se cache quelque part en Grande-Bretagne et ne communique plus avec le reste du monde qu’à l’aide d’une messagerie cryptée. «Il est mon fils et je l’aime», a déclaré sa mère à la chaîne australienne ABC.

Elisabeth Roudinesco, dans le début de son article, n’aura donc pas dit un mot de la tartufferie diplomatique et du cynisme des Etats mis en lumière par Wikileaks. Mais elle aura lourdement insisté sur les accusations qui pèsent sur son fondateur en se couvrant d’un “peut-être à tort” bien faux-cul avec un art consommé de l’insinuation. Et de sauter du coq à l’âne en évoquant la mère de Julian Assange. Elle se gaussera ensuite du “hacker” qui “a pu occuper sur la Toile tantôt la place d’un héros planétaire et tantôt celle d’un suspect adoré de sa maman”. Quand le sage montre la lune, Roudinesco regarde sa mère.

Passons sur les roudinesqueries suivantes (Assange critiqué par plus “extrémiste” que lui), mais arrêtons-nous tout de même sur cette phrase sublime :

[Le processus de déballage] révèle d’une part que les gouvernants sont victimes de la même dictature de la transparence que celle qui affecte la vie privée des citoyens – et que seule la loi peut protéger -, et que, de l’autre, les médias sont devenus aussi puissants qu’eux dans la gestion des affaires du monde.

Dans un exercice de confusionnisme assez ahurissant, Elisabeth Roudinesco met donc sur le même plan le dévoilement des mensonges diplomatiques par Wikileaks et les atteintes à la vie privée des citoyens, qui, contrairement à ce qu’elle affirme, sont rarement empêchées par la loi dès lors qu’elles sont le fait du pouvoir économique ou de ses valets politiques. Il existe même des lois qui permettent aux Etats de violer l’intimité des citoyens, de les surveiller, de les ficher. Ces lois ne sont pas celles de la Chine pseudo-populaire ou de l’ex-fausse Union des fausses Républiques faussement Socialistes et pas du tout Soviétiques. Ce sont celles des Etats-Unis, de la France, et de la plupart des pays dits démocratiques, qui vidéo-surveillent le quidam, hadopisent les disques durs, épluchent les “fadettes”, écoutent les conversations, contrôlent les papiers, relèvent les empreintes, prélèvent l’ADN, recoupent les données… tandis que le plus grand secret reste de rigueur à la tête de l’Etat et surtout à la tête des entreprises. Ne voient de la transparence dans les rouages du pouvoir que ceux qui, à force d’être dans le secret grâce à leur connivence avec les seigneuries ou à leur appartenance à celles-ci ont oublié à quel point le simple citoyen, lui, est maintenu dans l’ignorance ou aveuglé par les lumières du Spectacle.

A cet égard, pour rétablir l’équilibre entre la nécessité du secret, sans quoi aucun Etat de droit ne saurait exister, et la nécessité d’une certaine rigueur de l’information, il faudra bien trouver une parade à la sottise infantile des nouveaux dictateurs de la transparence.

Après s’être moqué du fils à sa maman qui pousse le ridicule jusqu’à être aimé de sa mère alors même qu’il est “suspect“, Roudinesco a beau jeu de pointer une “sottise” forcément “infantile” et d’opérer un retournement sémantique pour le moins osé : sont démocratiques les “Etats de droit” qui mentent aux peuples et bafouent l’intimité des citoyens, et sont des dictateurs ceux qui démasquent les mensonges.

Avoir été disciple de Lacan ou Deleuze pour finir par dire la même chose qu’Hortefeux, voilà qui est assez triste.

Actions “multiformes” : cut the crap !

L'élite est adroite mais le peuple est à gauche

Mardi 23 novembre 2010 : enterrement du mouvement social pour la défense des retraites trahi comme de coutume par ses propres représentants. Les syndicats (CGT, CFDT, UNSA, FSU et Solidaires) appellent à une journée “d’actions diversifiées” ou “multiformes”, façon de bien signifier au bon peuple qu’il n’est plus question de grèves, de blocages ou même de manifestations. Mais FO (le syndicat qui appelle toujours à la grève générale après la bataille et s’allie au groupe Casino pour contester à la CNT, syndicat anarchiste, le droit de désigner des représentants de section syndicale) y voit fort justement une “stratégie d’oubli ou de diversion” (sans proposer autre chose), tandis que la CFTC et la CFE-CGC estiment que l’heure n’est plus aux manifestations mais à “de nouveaux modes d’action” (sans dire lesquels : bouderie devant la photocopieuse, stand-in devant la machine à café … ?). Cut the crap !

Cette fois, promis, on arrête de prendre la France nationale-sarkozyste en otage. Plutôt aller, par exemple, faire une gentille chaîne humaine autour de la bourse, que personne ne pensera, évidemment, à incendier. Si seulement ce mouvement s’était fédéré dès le départ en coordinations de travailleurs déterminés, au lieu de se laisser guider par tous ces guignols multiformes ! Cela dit sans vouloir décourager quiconque de participer à de telles actions qui valent tout de même mieux que rien : même multiforme et exténué, un mouvement populaire a toujours une chance, aussi infime soit-elle, de déborder du cadre strictement inoffensif destiné à en canaliser l’énergie vers l’égout social.

Certes l’ex-presse peut enfin se féliciter d’avoir applaudi d’avance la mort du mouvement, mais les vrais responsables de la casse des retraites, ainsi que leurs valets et leurs complices, auront toutefois du mal à fêter l’évènement dans l’ambiance feutrée du “Siècle” où ils ont coutume de se réunir une fois par mois. En effet, Pierre Carles et ses amis, dans la foulée du film Fin de concession, ont décidé de perturber systématiquement ce rendez-vous mondain des connivences et collusions diverses autant que multiformes entre le Capital, les politicards et l’ex-presse. Nous reproduisons ci-dessous le contenu de leur tract (c’est pas du multiforme, ça, peut-être ?) :

L’ÉLITE EST ADROITE, MAIS LE PEUPLE EST À GAUCHE

Tous au dîner du Siècle pour un pique-nique collectif !

Depuis 1944, les élites politiques, économiques et médiatiques de ce pays se retrouvent au sein du Siècle, club huppé qui organise une fois par mois un somptueux dîner où s’empiffrent patrons, élus et journalistes : David Pujadas, Patrick Devedjian, Rachida Dati, PPDA, Laurent Joffrin, Nicole Notat, Laurent Fabius, François Fillon, Lionel Jospin, Louis Schweitzer, Louis Gallois, Maurice Lévy, Elisabeth Guigou, Guillaume Pépy, Michel Field, Emmanuel Chain, Franz-Olivier Giesbert, Luc Ferry, Jacques Attali, Martine Aubry, Thierry Breton, Michel Bon, Arlette Chabot, Claude Bébéar, Michèle Cotta, Michel Pébereau, Jean-François Copé, Jean-Marie Colombani, Jean-Pierre Raffarin, Ernest-Antoine Seillière, Corinne Lepage, Nicolas Sarkozy ou Claude Allègre, pour ne citer qu’eux (ils sont plus de 550). Depuis 2008, Le Siècle est présidé par Denis Kessler, PDG du groupe d’assurances SCOR et ancien vice-président du MEDEF.

C’est un lieu de sociabilité incestueuse entre rentiers du CAC 40 et responsables de l’information, patrons qui plastronnent et « socialistes » qui capitulent, décideurs sarkozystes et courtisans de presse ; un de ces lieux où se préparent en toute discrétion et entre gens de bonne compagnie les contre-réformes libérales qui seront ensuite votées par les « représentants du peuple » et promues dans les médias qui mentent.

Le 27 octobre 2010 est une date à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du club : pour la première fois, le petit peuple est venu se mêler à ses agapes. Par la mise en place d’un cordon sanitaire autour de l’Automobile Club de France, siège du gueuleton princier, une petite centaine de sans-culottes culottés a tenté d’empêcher la prise en otage de la crème journalistique par les banquiers, les patrons et les politiques.

La mission humanitaire qui consiste à sauver les journalistes d’eux-mêmes va évidemment se poursuivre. Les gueux sont donc appelés à se rassembler chaque 4e mercredi du mois devant l’Automobile Club de France, sis dans les murs de l’Hôtel Crillon place de la Concorde, en face de l’Assemblée nationale, dont le prétendu pouvoir est ridiculisé par de telles réunions.
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Prochain rendez-vous :
mercredi 24 novembre 2010 à partir de 19h30 et jusqu’à 21h, sur le trottoir devant l’Hôtel Crillon, Place de la Concorde, Paris. Cette fois-ci, nous dînerons nous aussi sur place : n’hésitez pas à apporter boissons, charcuterie, gâteaux ! (Mais merci de venir sans drapeaux)
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À bas le Parti de la Presse et de l’Argent !

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Collectif Fini les Concessions — C.F.C.-B.A.P. — Branche Armée… de Patience
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Action du CFC-BAP au dîner du Siècle mercredi 27 octobre 2010, vidéo de Jet Lambda

Faire la ronde devant la bourse mardi avec quelques syndicats co-gestionnaires de la crise, perturber la digestion des élites adroites mercredi avec le CFC-BAP (pour imprimer le tract, il suffit de le télécharger en pdf), faire la grève générale la semaine des quatre jeudis avec FO… voilà une semaine multiforme. Et demain, la multiformitude sera le genre humain.

Le retour de Néanderthal

Dans Le Point (10/11/2010), magazine de droite appartenant à François Pinault, patron de droite, et dirigé par Franz-Olivier Giesbert, guignol de droite (pris en flagrant délit de cabotinage et de mensonge dans le film Fin de concession de Pierre Carles), Claude Allègre, Néanderthalien de droite (jadis grand dégraisseur de mammouth), fait un long et flagorneur éloge du petit président de droite de l’ex-République. Il y soutient, notamment, le passage en force de la loi sur le recul de l’âge de la retraite :

Fallait-il faire cette réforme ? Oui. Fallait-il la faire si vite ? Oui encore, sinon nos caisses de retraites, alors en quasi-faillite, auraient été obligées de baisser les pensions. Les personnes âgées le savent très bien !

Allègre, qui a longtemps prétendu être de gauche, reprend donc à son compte le vocabulaire mensonger de la droite réactionnaire, en appelant “réforme” cette contre-réforme. Il ment également en prétendant que les caisses de retraite sont en “quasi-faillite” et que sans cette contre-réforme, “elles auraient été obligées de baisser les pensions”. Obligées par qui ? Si d’aventure les dépenses devaient être supérieures aux recettes, ce qui n’est pas le cas, l’Etat n’aurait nulle obligation de diminuer les dépenses et aurait en revanche toute autorité pour augmenter lesdites recettes, en allant chercher l’argent là où il se trouve (la taxation des flux financiers est une possibilité parmi d’autres).

Une “personne âgée”, à coup sûr, est d’accord avec Claude Allègre : c’est Claude Allègre lui-même, âgé déjà de 73 ans. Quant aux autres “personnes agées”, gobent-elles les mensonges de cet homme de Néanderthal ? Rien n’est moins sûr.

Alors que nous allons vers une espérance de vie qui dépassera bientôt 90 ans, peut-on continuer de s’arrêter de travailler à 60 ans ? Le simple bon sens nous dit que ce n’est pas possible.

Est-ce le même “simple bon sens” qui faisait dire en 1976 à Claude Allèqre que la Soufrière allait exploser, contre l’avis du vulcanologue Haroun Tazieff (la région fut évacuée pour rien : c’est bien Tazieff, qui s’était rendu, lui, sur le site, qui avait raison) ?

Est-ce le même “simple bon sens” qui a fait dire pendant des années à Claude Allègre que le réchauffement climatique n’était pas lié au CO2 issu des activités humaines ? Thèse qu’il a fini par abandonner le 28 octobre 2010, après tant d’élucubrations médiatiques sur le sujet, lorsque l’Académie des sciences, dont il est membre, a rendu un rapport affirmant le contraire. Le ridicule ne tue pas, et notre Néanderthalien a donc survécu. Mais il est tout de même étonnant que l’ex-presse donne encore si facilement tribune libre à un tel “expert”.

Est-ce le “simple bon sens” qui faisait dire à Allègre le 21 février 1999 sur TF1 qu’une boule de pétanque et une balle de tennis chutaient à la même vitesse, négligeant dans sa démonstration le paramètre du frottement de l’air, évidemment différent pour chacun des deux objets ?

Est-ce le “simple bon sens” qui poussa Allègre à annoncer en septembre 1997 que le taux d’absentéisme des enseignants était de 12%, ce qui était bien supérieur à la réalité (entre 5 et 8%) ?

Est-ce le “simple bon-sens” qui l’entraîna à dénoncer le désamiantage de la fac de Jussieu le 19 octobre 1996 (déjà dans Le Point) ? Rappelons que l’amiante y a été la cause avérée de 22 morts.

Cut the crap !

Claude Allègre, qui est né en 1937, est un vivant plaidoyer pour la retraite à 60 ans : ce vieux monsieur qui raconte décidément n’importe quoi aurait dû la prendre il y a 13 ans, sa retraite. Par exemple, lorsqu’il dit que nous allons vers une espérance de vie qui dépassera “bientôt” 90 ans, il montre qu’il ne sait plus compter et qu’il prend ses désirs d’immortalité pour la réalité (à moins qu’il ne mente uniquement pour décrocher une récompense de la part de son nouveau maître Sarkozy ?).

En effet, l’espérance de vie en France était de 70,2 ans en 1960, et de 81,5 ans en 2008 (d’après les chiffres de la Banque mondiale), ce qui représente un gain de 11,3 ans en 48 ans. En admettant que l’espérance de vie continue à progresser au même rythme durant les années à venir, l’espérance de vie en France atteindrait donc 90 ans en 2044 ! Est-ce vraiment “bientôt” ?

D’ailleurs, est-il bien raisonnable de miser sur une poursuite sans effet de seuil de l’augmentation de l’espérance de vie tandis qu’on recule l’âge de la retraite, au risque d’accentuer la mortalité de toute une catégorie de la population ? Un ouvrier du bâtiment travaillant toujours à 62 ans, par exemple, a-t-il beaucoup de chances d’être encore vivant le jour de son départ en retraite ? Qu’en dit le “simple bon-sens” ?

Au demeurant, il est spécieux de parler ainsi d’espérance de vie, l’important étant évidemment l’espérance de vie en bonne santé. Selon l’INSEE, elle était de 64,2 ans pour les femmes et de 63,1 ans pour les hommes en 2007, celle des femmes ayant d’ailleurs légèrement baissé entre 2005 et 2007. La contre-réforme nationale-sarkozyste défendue si allègrement par notre si sourcilleux Néanderthalien va donc priver de nombreux Français de la jouissance d’une retraite en bonne santé (surtout ceux d’entre eux qui devront attendre l’âge de 67 ans pour pouvoir prétendre à une pension décente). Qu’en dit le “simple bon sens” ? Une chose est sûre, Claude Allègre, lui, n’a pas trop de souci à se faire pour ses vieux jours. En tant qu’universitaire, directeur de l’Institut de physique du globe de Paris de 1976 à 1986, député européen de 1989 à 1994, conseiller régional du Languedoc-Roussillon en 1992, président du conseil d’administration du Bureau de recherches géologiques et minières de 1992 à 1997 (où son train de vie fit scandale), ministre de l’Education nationale de 1997 à 2000, membre du conseil d’administration du groupe IPSOS en 2002, titulaire de diverses médailles et breloques, auteur de bestsellers de supermarchés… il ne connaîtra jamais le sort de ces millions de Français qui, après une courte vie d’un labeur pénible qu’ils n’ont pas choisi, mourront dans la misère avant même d’être à la retraite. En revanche, il n’a visiblement pas échappé au risque de sénilité et d’incontinence verbale.

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