Mélenchon devant Hollande, le storytelling qui vient à point

Dans son éditorial de Challenges du 18 avril 2016, Maurice Szafran (qui déteste pourtant tout ce que représente Mélenchon) est obligé de se pencher sur le résultat d’un sondage TNS-SOFRES qui place le candidat de la “France insoumise” entre 12 et 16% des intentions de vote au 1er tour de la future présidentielle (contre 13 à 15% pour François Hollande) et de se pourlécher de la “story” qu’il va ainsi pouvoir vendre (la qualification de MLP pour le deuxième tour ayant déjà été tellement survendue qu’elle ne tient plus personne en haleine), sous le titre racoleur “Panique à l’Elysée : Mélenchon talonne Hollande !”

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“Dans un cas de figure – Le Maire candidat de la droite républicaine- Mélenchon passe en tête – 16 points contre 15! Voilà, précisément, ce qui assomme les proches du président et les principaux dignitaires socialistes, ce qu’ils ne supportent pas : l’apparition d’un phénomène Mélenchon. Un phénomène qui ouvrirait un nouveau gouffre: si cette dynamique prenait du souffle et de l’importance, le leader de la gauche de la gauche pourrait précéder Hollande au premier tour. Un événement politique d’une importance tout à fait considérable. (…)
Ensuite, la primaire de la gauche est désormais enterrée, à jamais. Tous les anti-hollandais de gauche, et ils sont nombreux, vont en effet désormais rallier Mélenchon, lequel va devenir intenable…
(…) Plus sérieusement, si ce sondage se confirme dans les semaines et les mois à venir, alors Mélenchon aura eu raison envers et contre tous, notamment ses alliés communistes: cela fait longtemps qu’il répète être en mesure de devancer Hollande à l’élection présidentielle. Et s’il avait raison…”

“Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons”, disait Lénine. Ils vont donc nous vendre du Mélenchon. Fort bien.

Salaires : en finir avec l’emploi

Voici une contribution d’un camarade de Pantin au projet de programme pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2017, dans la catégorie “Partager les richesses” sur la plateforme www.jlm2017.fr.

Le SMIC à 1700 euros proposé dans le programme “L’humain d’abord” de 2012 reste une mesure nécessaire pour répondre à l’état d’urgence sociale du pays. Mais il ne saurait être une réponse durable à la crise de l’emploi et à la bifurcation qui s’impose : le plein emploi ne reviendra pas, non plus que la croissance qui n’est même pas désirable en elle-même au vu du bouleversement climatique en cours et du caractère limité des ressources de la planète. C’est pourquoi il convient d’opérer une véritable révolution dans les notions-même de travail et de revenu. A ce titre, il existe deux grandes pistes de réflexion : celle du revenu de vie (prôné notamment par Baptiste Mylondo) et celle du salaire à vie de Bernard Friot. Le programme de 2017 ne saurait proposer déjà une réponse toute faite. Une telle révolution doit être le sujet d’un vaste débat entre tous les Français. Mais nous pouvons fixer une durée à ce débat et le clore par un referendum qui permettra de fixer dans la loi l’orientation et les modalités d’application de ce changement de civilisation.

Le programme du Front de gauche à Pantin

La liste “Pantin à gauche, l’humain d’abord !“, constituée par des membres du PG et du PCF, mais aussi par des citoyens engagés sympathisants du Front de Gauche, a élaboré un programme municipal intégrant des remarques et propositions recueillies auprès des Pantinois lors des réunions publiques, des tractages et des porte-à-porte.

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Le jeu populiste de l’automne

A la question : “vous diriez à nouveau qu’il y a aujourd’hui en France une minorité seulement de familles Roms qui ont un projet de vie, qui veulent s’intégrer en France ?”, un populiste célèbre a répondu :

“Oui, il faut dire la vérité aux Français. Ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres, et qui sont évidemment en confrontation, il faut tenir compte de cela, cela veut bien dire que les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie.”

Qui cela peut-il être ?

— Adolf Hitler

— Slobodan Milosevic

— Gilles Bourdouleix

— Marine Lepen

— Nicolas Sarkozy

— Manuel Valls

Les gagnants de notre grand-jeu concours recevront un aller-simple pour Bucarest en caravane.

Vivent les PTT !

Suite à une attaque de SPAM, l’hébergeur Free a supprimé tous les commentaires de ce blog sans autre forme de procès. Précisons que les mesures anti-SPAM y sont peu efficaces précisément à cause du fonctionnement bridé des serveurs de Free, le sémillant Xavier Niel préférant sans doute investir dans la téléphonie mobile plutôt que dans l’hébergement de pages web.

Depuis la privatisation de France Télécom, la guerre des prix entre FAI et opérateurs de téléphonie mobile a fait rage, laissant quelques suicidés sur le bord du chemin du néo-management. Mais c’était, paraît-il, pour le plus grand bien des consommateurs qui, sans cela, on nous l’a bien répété, n’auraient jamais pu bénéficier du haut-débit et de la téléphonie à bas coût. Ah bon ? Qui dit qu’un service public tel que les défuntes P&T ou PTT n’aurait jamais pu sans le saint aiguillon de la concurrence libre et non faussée (pouf pouf) mettre en place de meilleurs outils que les Orange, Free, SFR, Bouygues (qui ont grassement profité, et profitent encore du dépeçage de la Poste et de France Télécom)  ? Par exemple une Poste qui accueille vraiment les usagers plutôt que de les jeter devant des automates entre deux agents d’ambiance débordés, un abonnement téléphonique unique pour téléphones fixes et mobiles, sans formules marketing à la con, un accès internet haut-débit, un hébergement de pages web de qualité… voilà des services (et non des “offres” ou des “produits”) qu’un organisme public aurait très bien été à même de fournir en y intégrant à chaque fois les dernières évolutions technologiques. Rappelons que dans les années 80, le Minitel fut un service innovant et accessible qui ne devait rien au dynamisme du privé ni à la concurrence entre opérateurs. Aujourd’hui, la redondance de réseaux concurrents n’apporte rien, si ce n’est davantage de précarité au travail et de pollution, pour des services dont rien ne prouve qu’ils soient de meilleure qualité que ce qu’aurait pu faire un vrai service public. Il est temps de rebâtir un vrai pôle public de poste, téléphone et télécommunication.

Que revivent les PTT !

Bernard Maris, un éditorialiste nombriliste et anti-Mélenchon

Dans son éditorial de page 2 de Charlie Hebdo du 7 mai 2013, Bernard Maris s’interroge : “Déçu du hollandisme ou du mélenchonisme ?”

“Suis-je déçu de François Hollande ? Oui”, révèle-t-il d’emblée. Et d’énumérer les raisons plus ou moins comico-farfelues de sa déception. Il eût notamment aimé :

“(…) qu’il [Hollande] dît à tous ces journalistes qui lui crachent dessus depuis un an : “ tas de blaireaux minables à la ramasse, dépassés par Internet, twitters grotesques, incultes du bonnet, renifleurs de bidet, fouille-poubelles à papier, mangeurs dans la main des puissants, jaloux du pouvoir, fricoteurs des dîners en ville qui ne savent même pas tenir une fourchette… ”, autrement dit qu’il fît du Mélenchon”.

La critique des médias faite par Mélenchon, pour acérée qu’elle soit, passe pourtant par des expressions nettement moins outrancières que celles employées ici par Maris qui fait proférer à un Hollande imaginairement mélenchonisé (de façon pour le moins caricaturale) les insultes céliniennes qu’il n’ose sans doute pas adresser à ses confrères de France-Inter, I-télé ou France 5 (où notre économiste a ses entrées). Rappelons aussi que si Mélenchon s’est laissé aller naguère à traiter par exemple David Pujadas de “salaud” ou de “larbin”, c’était en relation avec la manière violente et insultante dont il avait interviewé le syndicaliste Xavier Matthieu (revoir la scène dans le film Fin de concessions de Pierre Carles). Les attaques de Mélenchon contre la presse ne sont pas gratuites. Elles répondent à des actes ou des faits précis et ne relèvent pas simplement du caractère particulier d’un homme, particulier en cela qu’il aurait l’audace de dire tout haut ce que Maris ou un Hollande fantasmé pensent tout bas.

Mais l’éditorialiste de Charlie Hebdo ne se contente pas de caricaturer hâtivement. Il attaque :

“Mélenchon parle avec une voix déguisée. Trop de violence. Trop d’indignation. Qui pouvait croire que le père François fût un socialiste à la Baboeuf, Guesde, Leroux ou Marx ? Tout ce que dit Méluche n’est pas faux, mais sa voix est imperceptiblement fausse. Il lui manque juste le demi-ton, le dièse ou le bémol qui rendrait juste la partition de sa colère contre Hollande, assimilé à Guy Mollet.”

Bernard Maris, dont les écrits — on vient d’en donner un exemple — ne répugnent pas à l’outrance, relaie donc à présent sans autre forme de procès les lieux communs des médiacrates sur la “violence” de Mélenchon, dont il ne faut jamais dire qu’il analyse, qu’il explique, qu’il propose, mais toujours qu’il “vocifère” et tient des propos “tonitruants”, “populistes”, et “extrêmes”. Maris qui a tant chié sur les économistes et sur les imbéciles politiques néolibérales a désormais des pudeurs qui, pour le coup, sonnent plutôt faux. Qui pouvait croire en effet qu’Hollande fût un vrai socialiste ? Bernard Maris, peut-être, mais certainement pas Mélenchon qui s’est opposé au sein même du PS à l’orientation libérale prônée par Hollande dès les années 80 et qui a fini par quitter le parti solférinien lorsqu’il a estimé qu’il n’était plus possible de le faire redevenir ne serait-ce qu’un peu socialiste. Lorsque Mélenchon a appelé à voter Hollande au second tour des élections présidentielles, c’était pour faire battre Sarkozy. Il n’a jamais laissé croire qu’Hollande appliquerait le programme du Front de Gauche (ce programme que Bernard Maris avait d’ailleurs reconnu en pleine campagne électorale n’avoir pas lu !*). Il n’a jamais fait mine de croire qu’Hollande serait autre chose qu’un “capitaine de pédalo” au milieu de la tempête. Mais il s’adresse aussi à un peuple de gauche qui a pu croire un instant que “le changement” c’était “maintenant”, et qu’il s’agit désormais de ne pas laisser sombrer dans le désespoir et la résignation. Il rappelle également à chacune de ses interventions qu’Hollande n’a dû son élection qu’au bon report des 4 millions de voix qui s’étaient portées sur Mélenchon au 1er tour, ce qui aurait dû, dans une démocratie moins dégradée, obliger le vainqueur à quelques concessions. Déplorer qu’il n’en ait fait aucune est donc la moindre des choses.

Dans le même éditorial, Maris assène aussi :

“François Hollande n’a pas pris le chemin le plus facile. Parions qu’il suivra paisiblement sa normalité sociale-démocrate, ce que toute la presse feint d’ignorer, et ce que Mélenchon feint de découvrir.”

Ses confrères de la presse dépeignent systématiquement un Mélenchon “violent” ou “extrêmiste” quand ils ne vont pas, tel l’euro-béat Quatremer jusqu’à le traiter de stalinien, voire d’antisémite. Bernard Maris, pour ne pas rester en reste, n’a donc plus qu’à jeter le discrédit sur le discours de Mélenchon en l’accusant de “feindre” et de parler “faux”. En revanche, l’économiste de Charlie Hebdo, élu en 1995 “meilleur économiste de l’année” par Le Nouvel Economiste n’a pas consacré un seul éditorial au programme L’Humain d’abord ni au manifeste pour l’écosocialisme ni encore au contre-budget du Parti de Gauche défendus par Mélenchon. Aucune analyse. Pas même une critique. Aucune controverse non plus avec Jacques Généreux, aucune réplique à son livre Nous, on peut ! préfacé par Mélenchon. Aucune polémique non plus avec les économistes atterrés, ni avec Frédéric Lordon qui ont plusieurs fois soutenu les initiatives de Mélenchon (jusqu’au coup de balai du 5 mai dernier à la Bastille rejeté déjà par Maris dans un des précédents numéros de Charlie Hebdo*). Rien sur le fond. De l’écume. Discussion de comptoir pour commenter en surface, et au premier degré, la propagande de ce que feu le journal Le Plan B appelait le PPA (Parti de la Presse et de l’Argent).

Pourtant, Bernard Maris, chantre de l’écologie, de l’altermondialisme et de la décroissance, n’est pas le dernier à fustiger l’Europe austéritaire façon Merkel. Il signe par exemple dans le même numéro de Charlie Hebdo (sous son sobriquet d’Oncle Bernard) un autre édito titré “Harpagon tue l’Europe” dans lequel on peut lire :

“En fait, les créanciers, les riches essentiellement, bénéficient de la crise des dettes souveraines et des taux astronomiques demandés aux Etats et payés par les salariés. Qui a vraiment envie que ça s’arrête ? Pour que ça s’arrête, il faudrait mutualiser les dettes. Il faudrait donc que la BCE devienne une banque normale. Il faudrait aussi une politique industrielle (la constitution d’une communauté européenne de l’environnement, de l’énergie et de la recherche par exemple). Autrement dit, il faudrait sortir d’une économie de rente pour entrer dans une économie de production, et si possible de production de valeur d’usage”.

Ce qu’il “faudrait” faire, en somme, selon Oncle Bernard, c’est finalement appliquer la politique préconisée par Mélenchon : mettre en place la planification écologique et oser résister à l’Allemagne (“pays de vieux rentiers qui ne voient que le bout de leur magot”), notamment pour changer le statut de la BCE. Mais lorsque c’est Mélenchon qui le propose en expliquant comment faire, c’est “trop violent” et “déguisé”, alors qu’assené sur le mode “faut qu’on, y a qu’à” par Oncle Bernard dans un journal satirique, c’est sans doute bien plus pertinent.

Il faut dire que ce brave Oncle Bernard souffre visiblement d’un syndrome fort répandu chez ses confrères journalistes : le nombrilisme. Il a compris, lui, que l’austérité menait l’Europe à sa perte, et cela lui permet par exemple d’animer le spectacle radiophonique sur France Inter en donnant courtoisement la réplique au très libéral Dominique Seux, par ailleurs rédacteur en chef des Echos. Mais qu’un Mélenchon fasse le même constat et en tire des conséquences politiques concrètes, voilà qui dépasse l’entendement du médiacrate contemplatif qu’est décidément devenu Bernard Maris. Triste destin pour un soixante-huitard grand lecteur de Guy Debord ! Dans sa charge anti-Mélenchon, il ne manque d’ailleurs pas — quelle ironie ! — de citer aussi Baudrillard : “Et ceci est la fatalité du politique actuel, que partout celui qui mise sur le spectacle périra par le spectacle”, et de conclure : “Gaffe au spectacle, Jean-Luc, gaffe…” Mais qui donc, cher Oncle Nanard, mise vraiment sur le spectacle : le médiacrate qui travaille au spectacle de la fin du monde ou le politique qui travaille à la fin du monde du spectacle ?

Bernard Maris n’est malheureusement pas le premier gauchiste à finir en contestataire professionnel au service du spectacle, et il ne sera pas le dernier. On peut même admettre que son rôle d’économiste antilibéral de service sur les plateaux télé et radio puisse contribuer à apporter tout de même un autre son de cloche là où la doxa néolibérale règne habituellement sans partage. Mais hélas Bernard Maris va plus loin et dévoile ses vraies batteries lorsqu’à propos de Hollande, il écrit :

“Que lui demander de plus qu’un cheminement social-démocrate et une récupération lente, patiente du pouvoir sur la finance ? (…) Ayant choisi d’être normal pour une fonction anormale dans un pays d’anormaux, François Hollande n’a pas pris le chemin le plus facile. (…) François Hollande parle son propre langage, et c’est tant mieux.”

Et aussi :

“Lutter contre la finance par le Grand Soir ? Nuit du 4 août des créanciers, nos modernes aristos ? Quelle serait la marge de manoeuvre du Premier ministre Mélenchon, à part faire une politique généreuse de la mer — et c’est déjà beaucoup ? Sur quel pétrole s’appuirait-il pour mener une politique autonome, à la Chavez ? Langue au chat.”

Ainsi donc Bernard Maris, qui n’a sans doute toujours pas lu le programme du Front de Gauche, fait comme si Mélenchon n’avait jamais expliqué comment il comptait justement dégager des “marges de manoeuvre”. Tout cela est trop loin de son nombril pour avoir à ses yeux une quelconque réalité. Mais surtout il fait l’aveu de son propre renoncement et de son ralliement — malgré son image d’économiste keynésien de gauche — au credo néolibéral : TINA (There Is No Alternative). Pas d’alternative, pas de “marges de manoeuvre” pour faire une autre politique que celle que mène ce brave François Hollande en bon “social-démocrate” qu’il n’est d’ailleurs même plus (d’où le terme plus adéquat de “solférinien” employé désormais par le Parti de Gauche) : une “récupération lente, patiente du pouvoir sur la finance”, tellement lente et patiente qu’elle passe par une soumission totale (sans aucune renégociation) au pouvoir de la finance, par une mise au pas du parlement au service du Medef, par une renonciation à presque toutes les mesures de gauche symboliques pourtant rares que le candidat Hollande avait promises (droit de vote des étrangers, amnistie sociale…). “Ne jamais parler avec une voix déguisée”, a le culot de recommander Bernard Maris, conseiller général de la Banque de France (depuis sa nomination par le président solférinien du sénat le 21 décembre 2011), pas tant déçu que ça du hollandisme, avec la voix d’Oncle Bernard, virulent anarcho-écologiste pro-situ, déçu du mélenchonisme (dont il n’a entendu parler peut-être que par son compère de France Inter Dominique Seux ?). Parole de ventriloque assis qui n’a pas dû donner de la voix (même déguisée) dans une manif depuis belle lurette.

* Charlie Hebdo n’archivant pas l’intégralité de ses anciens articles sur internet, et l’auteur de ce billet ne conservant pas les quelques exemplaires papier qui lui passent sous la main (et n’ayant pas le loisir d’aller retrouver ses sources ailleurs que dans sa mémoire), le lecteur scrupuleux ou méfiant est invité à faire lui-même les vérifications d’usage en allant consulter les éditoriaux de Bernard Maris d’avril 2013 et des premiers mois de l’année 2012 et à nous transmettre le résultat de ses recherches.

Homophobie partout, égalité nulle part

Mardi 12 février 2013, l’Assemblée Nationale votait à une large majorité le texte relatif au “mariage pour tous”, qui devrait autoriser les personnes de même sexe à se marier. A moins d’un coup de théâtre au sénat ou au conseil constitutionnel, l’affaire est donc classée. Encore que… Malgré la détermination, la dignité et l’éloquence de Christiane Taubira, les hésitations de François Hollande ainsi que les cafouillages gouvernementaux auront permis au débat de s’éterniser, laissant la droite réactionnaire la plus bête du monde tenir le haut du pavé. Du coup, l’accès à la PMA pour tous et l’encadrement de la GPA sont repoussés sine die, malgré le courage de la députée Marie-George Buffet qui s’est retrouvée bien isolée, même au sein de son propre groupe. La réelle avancée en terme d’égalité des droits que constitue le mariage pour tous reste donc bien limitée. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que ces trop longs mois de débat auront permis à l’homophobie la plus ignoble de s’exprimer ouvertement, y compris dans les rangs de la gauche, sous prétexte notamment que le mariage “homo” n’intéresserait pas le peuple et ne serait qu’une “diversion” pour faire oublier les “vraies” questions, c’est-à-dire les questions sociales. S’il est vrai qu’on peut suspecter à bon droit le gouvernement PS de préférer mettre l’accent sur les questions sociétales qui ne coûtent rien plutôt que sur sa trop évidente reddition à l’ordre austéritaire, force est de constater que ce gouvernement aura été très timoré même sur le terrain des moeurs, et que ce débat-là n’aura en rien masqué l’ampleur du désastre social dans lequel la soumission aux marchés plonge le pays. D’ailleurs, le jour-même de l’adoption de la loi sur le mariage pour tous par l’Assemblée nationale, les écoles étaient bloquées par une grève massive, et nombre d’ouvriers étaient en lutte contre les plans sociaux (Goodyear, Florange, Sanofi), preuve s’il en était besoin qu’une mobilisation ne se fait jamais au détriment d’une autre, mais qu’au contraire la lutte pour l’égalité ne peut que se renforcer d’être menée de front sur tous les aspects. Mais certains ne veulent décidément pas le comprendre…

L’homophobie tendance trostkarde

Un exemple révélateur est Ilan Simon. Militant trotskyste de l’ARS-combat (qui l’a désavoué par la suite, mais qui avait déjà procédé à des amalgames foireux entre adoption, PMA, et marchandisation), il est allé jusqu’à envoyer une lettre de soutien à l’extrémiste de droite Frigide Barjot. Sous couvert de références à Freud, Marx, Lénine et Trotsky, il s’y montre parfaitement réactionnaire, citant par exemple sans rire le texte confus de son groupuscule :

“(…) Il faut affirmer, face aux furies d’un égalitarisme caricatural et borné, que ce n’est pas être homophobe que de poser la question, à notre tour, de l’impact psychologique et affectif sur l’enfant élevé par un couple homosexuel. Car si la famille a toujours évolué, il n’y a jamais eu à notre connaissance de familles constituées de membres d’un seul et même sexe. D’autre part, nous ne pouvons ignorer les nombreuses études qui ont démontré l’impact négatif de l’absence du père sur le développement de l’enfant.”

Pourtant, poser cette “question” est bel et bien homophobe. Car quoi que puissent en penser Ilan Simon et l’ARS-Combat, les enfants de couples homosexuels existent déjà. Pourquoi Ilan Simon et son parti ne se posent-ils pas plutôt la question de “l’impact psychologique” que peut avoir sur des enfants élevés par un couple homosexuel le fait qu’un de ses parents ne puisse être reconnu comme tel ? La posture révolutionnaire masque ici bien mal le paternalisme et l’homophobie.

C’est arrivé près de chez nous

Plus inquiétant encore, ce livre de Stella Magliani-Belkacem et Félix Boggio Ewanjé-Epée : Les féministes blanches et l’empire (voir le texte intégral du chapitre V diffusé par Rue 89). Inquiétant par la thèse qu’il véhicule, mais aussi et surtout parce que publié aux éditions La Fabrique d’Eric Hazan (qu’on a connu mieux inspiré), dont Stella Magliani-Belkacem est secrétaire d’édition (elle était même intervenue à l’université d’été du Front de Gauche en 2012 pour s’exprimer sur « l’anti-racisme et le mutliculturalisme »). Dans une interview donnée à Robin d’Angelo pour Street Press et reprise sur Rue 89, les deux auteurs s’opposent selon l’interviewer à “un discours d’inscription des droits sexuels qui institutionnalise l’homosexualité telle qu’elle est définie en Occident”, dénonçant “la tentative de faire de l’homosexualité une identité universelle qui serait partagée par tous les peuples et toutes les populations”. Le livre est dédicacé à Houria Bouteldja, du Parti des Indigènes de la République (PIR), et même si Stella Magliani-Belkacem a cru bon ensuite de préciser qu’elle avait été mal lue et qu’elle n’était pas membre de ce mouvement, la convergence d’idées est notable, particulièrement dans la tentative commune (et s’appuyant sur les mêmes références, par exemple à Joseph Massad) d’opposer “identité homosexuelle” occidentale et pratiques homo-érotiques dans le monde arabo-musulman précolonial. Soit dit en passant, cela donne surtout envie de leur répondre : “ah ouais, et alors ?”

Extrait du livre :

“Comme dans le cas du féminisme, la réaction contemporaine n’a eu de cesse ces dernières années de faire des non-Blancs la première menace contre les « homosexuels ». Du « jeune de banlieue » viriliste et macho jusqu’aux musulmans « intégristes », les hommes noirs et arabes, mais aussi les cultures non occidentales – en particulier islamique – sont représentés comme une force majeure de la domination hétérosexiste contemporaine. Comme on l’a souvent rappelé, cette manœuvre n’est là que pour dédouaner la France blanche de son homophobie, de sa lesbophobie et de sa transphobie structurelles, inscrites dans la législation, les dispositifs scolaires et médicaux ou encore les politiques d’accès aux soins.”

Il y a là (comme souvent chez les Indigènes de la République) une forme de pensée paranoïaque qui ne veut comprendre le monde que par l’unique prisme de l’impérialisme, du colonialisme, du racisme ou de l’islamophobie. La revendication d’étendre le droit au mariage aux couples homosexuels, pourtant, pointait bien une discrimination inscrite dans la législation française et non dans des moeurs orientales ou exotiques en vigueur outre-périphérique. Les organisations et les partis qui ont porté cette revendication et ont obtenu son inscription dans la loi par l’Assemblée nationale dépassent de loin le cadre du seul mouvement LGBT, et cette revendication ne nuit décidément en rien au monde arabo-musulman ni aux pratiques qui s’y dérouleraient de préférence en secret. S’il est vrai que la lutte contre l’homophobie en banlieue ou dans certains pays musulmans peut très bien être récupérée par des islamophobes patentés (FN, “identitaires”… prêts à récupérer jusqu’à l’idée de laïcité), cela ne signifie pas que toute dénonciation de l’homophobie en banlieue ou en terre d’Islam soit condamnée à prendre un caractère islamophobe. L’homophobie et la misogynie sont de tristes réalités de certains quartiers (qui n’en ont pas non plus le monopole) : la femme non-voilée se promenant seule ou l’homme soupçonnable d’être un pédé y reçoivent aisément insultes ou crachats, si ce n’est pire. Ce n’est pas parce qu’un jeune “non-blanc” de banlieue est victime de racisme qu’il est immunisé lui-même contre cette autre forme de racisme qu’est la haine des homosexuels (ou des femmes). Ce racisme-là, même émanant d’une victime, n’est pas plus acceptable qu’un autre. Etre soi-même méprisé comme “non-blanc” peut pousser à mépriser d’autres victimes, à commencer par le “pédé”, fût-il lui même “non-blanc”. Et le cas échéant, on peut toujours trouver plus efféminé que soi. Au pire, il reste toujours les Roms, les clodos ou les putes. La réalité du racisme n’excuse pas l’homophobie qu’il peut amplifier. Il faut lutter contre les deux. L’esprit du capitalisme a-t-il à ce point contaminé les consciences que les défenseurs d’une cause aient forcément à la situer en concurrence avec toute autre ? Dénoncer des pratiques homophobes à tel endroit (par exemple dans les “quartiers”) ne revient pourtant pas à les accepter ailleurs (par exemple dans les campagnes bien franchouillardes) ni à minimiser les autres formes de violence sociale, religieuse ou raciale, en France ou dans le monde. Il faut lutter contre toutes les formes de racisme et de domination sociale, chaque lutte enrichissant l’autre, aucune ne se faisant au détriment des autres, toutes étant constitutives de l’émancipation humaine.

L’homophobie justifiée par “l’impérialisme gay”

Les auteurs du livre Les féministes blanches et l’empire posent que “la binarité homosexuel/hétérosexuel” serait une invention de l’occident imposée par la colonisation au monde arabe. En cela, ils rejoignent tout à fait la pensée de celle à qui ils ont dédicacé leur ouvrage, même s’ils ne se revendiquent pas de son parti (le PIR). Houria Bouteldja ne s’y est d’ailleurs pas trompée, puisqu’elle a cru bon, suite à la polémique déclenchée par l’article de Robin d’Angelo, de revenir le 12 février 2013 sur ce sujet et sur les propos qu’elle avait tenus le 6 novembre 2012 sur France 3.  Selon elle, la question du “mariage gay” ne concerne pas les populations des “quartiers”, que par un raccourci assez osé, elle assimile à des “non-blancs” (il n’y aurait donc pas de prolétariat blanc dans les “quartiers” ?) :

“Ça ne signifie pas qu’il n’y a pas de pratiques homosexuelles dans les quartiers, ça signifie qu’elle n’est pas prioritaire et qu’on a d’autres choses beaucoup plus importantes et urgentes.”

A ce compte, les homosexuels blancs qui ne constituent pas le fond de commerce d’Houria Bouteldja pourraient parfaitement lui rétorquer que pour eux, la question de l’égalité dans l’accès au logement ou à l’emploi pour les “non-blancs” hétérosexuels des quartiers populaires n’est pas une priorité, quand bien même ces populations auraient très secrètement des pratiques homo-érotiques. Ils seraient alors accusés à juste titre de racisme et d’hétérophobie. Qu’on parle de droit au mariage ou de droit à l’emploi et au logement, il s’agit bien d’un seul et même problème absolument prioritaire : celui de l’égalité des droits. Il est certes terrible que le frileux gouvernement PS ne s’attaque pas à toutes les discriminations, mais Houria Bouteldja devrait comprendre que ce n’est pas le “mariage gay” qui empêche les Arabes d’accéder aux emplois, et que ce n’est pas en critiquant le “mariage gay” (ou en disant à la télé, en plein débat sur ce sujet : “là où je suis, parce que je n’ai pas un avis universel, là où je suis, je dis, cette question ne me concerne pas”) qu’elle fera avancer la cause des “indigènes” discriminés.

Et Houria Bouteldja d’ajouter :

“La seconde chose, c’est que je ne crois pas à l’universalité de l’identité politique homosexuelle. C’est-à-dire que je fais la distinction entre le fait qu’il peut y avoir des pratiques homosexuelles effectivement dans les quartiers ou ailleurs mais que ça ne se manifeste pas par une revendication identitaire politique. Celle-ci n’est pas universelle. Et moi je fais un peu ce reproche là au débat politique français, il considère, dans les milieux homosexuels, majoritairement, et c’est ce qu’on appelle homonationalisme et que je préfère appeler homoracialisme qui consiste à considérer que lorsqu’on est homosexuel, on doit faire son coming out et les revendications qui vont avec.”

Inversion tout à fait spécieuse du problème évoqué par Johan Cadirot, administrateur du Refuge – « une association qui loge les victimes d’homophobie » – qui affirmait qu’il n’y a pas « moins d’homos » dans les cités, mais qu’ils « sont plus cachés et dans le déni. » Avec une grande malhonnêteté intellectuelle, Houria Bouteldja tente d’en conclure que “l’enjeu est donc bien de convaincre des non-Blancs qu’ils doivent s’identifier comme homosexuels”, et que “c’est un choix qui s’inscrit dans le militantisme homosexuel hégémonique : c’est le choix entre la fierté et la honte, le placard ou le coming out.” En réalité, Johan Cadirot dénonçait à juste le titre le fait que des homosexuels sont obligés de se cacher ou de se mentir à eux-mêmes sous peine de se faire exclure ou casser la gueule (voire pire). Il ne disait en rien que tous les homosexuels ou les adeptes de pratiques homo-érotiques devraient faire obligatoirement un quelconque coming out. C’est un faux procès qui vise à faire passer un défenseur des opprimés pour un oppresseur, et par là-même les victimes pour des bourreaux. Il existe peut-être des intégristes gays qui veulent imposer un mode de vie gay à tout homosexuel (ou à tout adepte de pratiques homo-érotiques), de même qu’il existe des intégristes religieux qui veulent imposer leur lecture de la religion à tout être humain. Mais ce n’est absolument pas ce qui est en jeu avec le mariage pour tous, puisqu’il s’agit — mais Houria Bouteldja fait mine de ne pas le comprendre — d’un droit et non d’une obligation. Le mariage pour tous n’impose aucune norme aux homosexuels, ni aux hétérosexuels, ni aux hétérosexuels adeptes de pratiques homo-érotiques, ni mêmes aux personnes arabo-musulmanes décolonisées ne se reconnaissant pas ou plus dans la dichotomie hétéro/homo imposée par l’impérialisme occidental petit-bourgeois. Le mariage pour tous permet juste aux couples homosexuels qui le souhaitent de bénéficier des mêmes droits que les couples hétérosexuels. Il supprime une discrimination. Il n’impose aucun usage. Il ne fonde aucune “identité politique homosexuelle” universelle. Il élargit juste le champ d’application du principe universel d’égalité des droits. C’est bien le même principe universel qui doit bénéficier aux “indigènes”. Car, comme le dit un flic dans l’excellent film “La parade” de Srđan Dragojević : “si on donne les droits de l’homme aux pédés, faudra les donner à tout le monde”.

 

Comme enivrée de sa propre phraséologie, Houria Bouteldja assène plus loin :

“La promotion de l’homosexualité comme identité politique produit des dégâts tant sur le vécu des homosexuels dont la vie peut-être mise en danger que sur les rapports sociaux surtout quand la protection due aux minorités sexuelles devient une exigence politique et éthique internationale à l’aune de laquelle se mesure la maturité civilisationnelle des nations néo-colonisées. Il serait temps, une bonne fois pour toute, de comprendre que l’impérialisme – sous toutes ses formes – ensauvage l’indigène : à l’internationale gay, les sociétés du sud répondent par une sécrétion de haine contre les homosexuels là où elle n’existait pas ou par un regain d’homophobie là où elle existait déjà, au féminisme impérialiste, elles répondent par un durcissement du patriarcat et par une recrudescence des violences faites aux femmes, à l’humanisme blanc et droit de l’hommiste, elles répondent par un rejet de l’universalisme blanc, à toutes les formes d’ingérence commises par l’Occident et qu’il serait fastidieux d’énumérer ici, elles répondent par une hostilité grandissante. (…)

C’est pourquoi, de façon analogue, les quartiers populaires répondent à l’homoracialisme par un virilisme identitaire et…toujours plus d’homophobie.”

De façon proprement délirante, Houria Bouteldja aura donc assimilé la simple revendication de l’égalité des droits pour les homosexuels à la promotion de l’homosexualité comme identité politique, laquelle serait par nature impérialiste (puisqu’occidentale) et donc logiquement rejetée par les “indigènes”, conduits par là même à l’homophobie. Dans cette fausse logique, le responsable de l’homophobie n’est donc pas l’homophobe mais l’homosexuel. A ce jeu, on peut aller loin : le responsable des violences conjugales, ce n’est pas le mari violent mais la femme, le responsable de l’antisémitisme, ce n’est pas l’antisémite mais le juif, le responsable du colonialisme, ce n’est pas le colon mais l’indigène… quoique cette dernière proposition risque tout de même de déplaire un peu aux “Indigènes de la République”. En nommant “homoracialisme” la volonté des homosexuels de jouir des mêmes droits que les hétérosexuels, elle ne fait que projeter sur une autre communauté que la sienne (et aussi peu définie que la sienne) le racialisme qu’elle promeut elle-même dans son combat pour les “indigènes”. Houria Bouteldja a choisi par calcul politique de soutenir l’homophobie dans son camp plutôt que l’égalité des droits, quitte à heurter les “blancs” de gauche. Se faisant, elle se place en dehors de la gauche républicaine et enferme les siens dans un racialisme qui n’est que le reflet de celui du colonialisme qu’elle prétend combattre, les condamnant finalement à ne jamais se décoloniser vraiment, à rester à tout jamais des “indigènes”. C’est stupide et dangereux.

 

Crise, doléances, et révolution

Dans L’argent sans foi ni loi, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot montrent à quel point le règne de l’oligarchie financière est contraire à l’idéal républicain. Les deux sociologues y citent “ce que nous disait en 1802 le troisième président des Etats-Unis, Thomas Jefferson, que l’on ne peut pas considérer comme ayant été un dangereux révolutionnaire” :

“Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent sa monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où les enfants se réveilleront sans maison et sans toit sur la terre que leurs parents ont conquise.”

Transposé au monde — et à la France — des années 1970 à nos jours, ce constat est troublant. Il dépeint assez bien le coup d’Etat financier qui s’est opéré à la faveur de la crise des années 1970 et de la dérégulation qui l’a suivie jusqu’à l’asservissement actuel des Etats aux politiques austéritaires qui ruinent les peuples. Ce coup d’Etat s’est opéré discrètement et progressivement. Mais à mesure qu’une caste accapare les richesses de façon de plus en plus ostensible au mépris de l’intérêt général, les citoyens peu à peu dépouillés de leurs droits économiques et sociaux commencent à mieux comprendre ce qui se joue.

Profitons-en pour oser un autre parallèle historique.

“Je lis attentivement les cahiers que dressèrent les trois ordres avant de se réunir en 1789 ; je dis les trois ordres, ceux de la noblesse et du clergé, aussi bien que celui du tiers. Je vois qu’ici on demande le changement d’une loi, là d’un usage, et j’en tiens note. Je continue ainsi jusqu’au bout de cet immense travail, et, quand je viens à réunir ensemble tous ces voeux particuliers, je m’aperçois avec une sorte de terreur que ce qu’on réclame est l’abolition simultanée et systématique de toutes les lois et de tous les usages ayant cours dans le pays ; je vois sur le champ qu’il va s’agir d’une des plus vastes et des plus dangereuses révolutions qui aient jamais paru dans le monde.”

Ce constat effrayé d’Alexis de Tocqueville est cité avec malice par Eric Hazan dans Une histoire de la Révolution française. Il montre à quel point la société française de 1788-1789 était mûre pour la grande Révolution. Et aujourd’hui, où en est-on ? Crise économique, incapacité du pouvoir à sortir de la spirale de la dette faute d’être capable de faire obstacle à la rapacité de l’oligarchie, ressentiment du peuple : les similitudes sont frappantes, et remarquées d’ailleurs avec effroi par ceux-là mêmes qui ont de trop voyants privilèges à défendre. Ainsi, en 2012, le peuple accablé par l’austérité put entendre l’actrice Catherine Deneuve rétorquer à son collègue Torreton, qui critiquait le cynisme fiscal de son autre collègue Depardieu : “Qu’auriez-vous fait en 1789 ? Mon corps en tremble encore !” Ce fut aussi pour la patronne du Medef l’occasion de renchérir en affirmant : “On est en train de recréer un climat de guerre civile, qui s’apparente à 1789” (la même Laurence Parisot avait d’ailleurs déjà vu en Mélenchon “l’héritier d’une forme de terreur” lors de la campagne présidentielle). Ce fut ensuite Alain Afflelou qui sentit lui aussi le souffle de la guillotine contre sa nuque de riche marchand de binocles : “fiscalité injuste et confiscatoire (…) On est en train de faire une guerre de tranchées, de revenir en 1789 : il faut arrêter de dire que les chefs d’entreprises sont des voleurs, des voyous, des gens malhonnêtes.”

Le peuple n’a même pas encore sorti les piques contre les vils accapareurs que la classe ultra-privilégiée commence à trembler. C’est une bonne nouvelle, car jusqu’à présent, la peur était l’apanage des gueux craignant pour leur emploi. Mais le carcan qui enserrait les consciences des dominés commence à craquer, et ceux qui ont beaucoup à perdre le sentent, apparemment.

Un autre livre paru fin 2012 ne saurait les rassurer. Laurent Maffeïs et Alexis Corbière clament en effet “Robespierre, reviens !” dans un ouvrage qui remet en cause l’opprobre jetée sur l’Incorruptible depuis la réaction thermidorienne. En nous rappelant le rôle de Robespierre dans la création de la République et dans l’émergence de la question sociale, ces deux camarades (du PG) montrent a contrario à quel point la contre-révolution a fini par triompher insidieusement. Il est temps de réhabiliter — et par conséquent de réactiver — le processus révolutionnaire qui donne toujours des sueurs froides à l’aristocratie d’aujourd’hui (la prolifération de véritables dynasties dans les grandes entreprises voire dans le show business vient confirmer ce que Bourdieu avait déjà montré avec La noblesse d’Etat : une nouvelle aristocratie exerce bel et bien de plus en plus visiblement sa domination sur une République vidée de son contenu révolutionnaire).

L’année 2013 et celles qui suivront auront-elles un parfum de 1789 voire 1792 ? Une chose est sûre : le peuple qui souffre sous le règne de l’argent fou a nombre de doléances. Il lui reste à les écrire et à en tirer les bonnes conclusions. Les assemblées citoyennes du Front de Gauche pourraient y contribuer. Camarades, ce n’est donc pas le moment de glander, et encore moins de désespérer.

Bibliographie :

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, L’argent sans foi ni loi, Textuel, 2012
Eric Hazan, Une histoire de la révolution française, La Fabrique, 2012
Alexis Corbière et Laurent Maffeïs, Robespierre, reviens !, éd. Bruno Leprince, 2012
Pierre Bourdieu, La noblesse d’Etat, Les éditions de minuit, 1989
Alexis de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, 1856

Merci pour le rapport de force

Arnaud Montebourg, l’ex-chantre de la démondialisation, a eu beau dire, l’Etat ne nationalisera pas Florange, même pas provisoirement, et laissera donc Mittal continuer à mentir et à spéculer avec Goldman Sachs sur le dos des ouvriers. L’ex-presse a promptement glosé sur l’humiliation subie par Montebourg, publiquement désavoué par son premier ministre, si bien que celui-ci a dû, avec d’autres hiérarques sociaux-libéraux, vanter après coup le rôle du ministre de la désindustrialisation dans cette affaire. Selon le JDD :

““On a été durs aussi”, nous raconte Ayrault, qui reconnaît que l’idée de nationalisation “a pesé dans le bras de fer. C’est une solution ultime. Un rapport de force a été créé et Arnaud Montebourg a joué son rôle.””

La référence au “rapport de force” devient dès lors un élément de langage qui sera répété en boucle par les communicants et autres ministres sociaux-libéraux, tel Michel Sapin dans Le Figaro :

“L’intervention du ministre du Redressement productif, qui a menacé de démissionner avant de se raviser, a été “plus qu’utile” car “c’est lui qui a permis que se construise un rapport de force”, a expliqué Sapin pour qui “c’est parce qu’il y avait un rapport de force que au bout du compte il y a eu un résultat différent de celui que ArcelorMittal avait l’intention de mettre en oeuvre.””

Hollande, Ayrault — et Montebourg lui-même — étaient-ils réellement prêts à recourir à la nationalisation ou s’agissait-il d’un bluff ? Mittal a-t-il réellement fait la moindre concession, lui qui n’a de toutes façons respecté jusqu’ici aucun de ses engagements ? Montebourg est-il le dindon de la farce ou a-t-il servi d’épouvantail ? A-t-il vraiment menacé de démissionner ? A-t-il été “carbonisé” par le premier ministre ? Sert-il d’alibi volontariste à un gouvernement capitulard ou permet-il de faire reculer ne serait-ce qu’un tout petit peu la domination de la finance sur l’industrie ? Autant de questions plus ou moins pertinentes qui agitent évidemment l’ex-presse, laquelle, se faisant, a négligé de remarquer un fait pourtant tout à fait important : depuis la conversion du PS à la religion du marché, on n’avait pas si souvent entendu un hiérarque socialiste — et encore moins un premier ministre — invoquer publiquement le concept de “rapport de force”. Les salariés de Florange auront certes bien du mal à avaler l’idée que le rapport de force ait été favorable à l’Etat dans le cas qui les concerne. Et nul ne saurait leur reprocher de se sentir trahis et abandonnés après que Montebourg leur a fait miroiter l’hypothèse de la nationalisation. Mais quelles que soient les intentions réelles de ce gouvernement social-libéral austéritaire, une chose est sûre : il vient d’employer un langage qui n’était plus, jusqu’ici, employé que par “l’autre gauche”. En termes gramsciens, on peut dire que c’est déjà, en cela, un coup porté à l’hégémonie culturelle de la bourgeoisie oligarchique qui avait si bien réussi à faire disparaître du langage courant des termes comme “rapport de force” ou “lutte des classes”. On sait depuis Orwell que la novlangue imposée par les dominants permet justement de dissimuler aux dominés la réalité de la domination elle-même, et d’empêcher ainsi la prise de conscience qui permettrait au peuple de renverser la situation. La renaissance du vocabulaire de la révolution est donc le préalable à la possibilité-même de la révolution.

Il reste donc à prendre Ayrault au mot : oui, la société est bien organisée par des rapports de force, et de même que le gouvernement prétend peser face à la finance en agitant son Montebourg, chaque parti, chaque syndicat, chaque collectif de lutte, chaque groupement de citoyens, peut légitimement revendiquer lui aussi le rapport de force pour faire valoir ses intérêts. Qui osera encore prétendre que les grévistes prennent les usagers “en otage”, que les habitants de Notre-Dame des Landes doivent accepter qu’un inutile Ayraultport les spolie, que les citoyens doivent se résigner à l’austérité à perpétuité ? La lutte est légitime, et c’est celui qui a le plus gros Montebourg qui l’emporte. C’est le premier ministre lui-même qui l’a dit. Et avec la mobilisation continue du Front de Gauche et des syndicats (80000 personnes manifestant contre l’Europe austéritaire le 30 septembre dernier), avec le programme “L’humain d’abord”, avec le contre-budget du PG, avec la possibilité d’une majorité alternative sur les bases de l’écosocialisme, le peuple a à sa disposition des instruments bien plus efficaces que ce pauvre Montebourg pour faire en sorte que ce rapport de force lui devienne enfin favorable.

Le rapport de force est donc officiellement de retour dans le champ politique le plus large. Et bientôt, sera-ce le retour de la lutte des classes et de la révolution ? Merci Monsieur Ayrault.

Comment j’ai adhéré au PG : le témoignage de Psychonada

En ce 27 octobre 2012, le Parti de Gauche lance une grande campagne d’adhésion. Nous relayons ici le témoignage du musicien Psychonada.

De la musique libre au Parti de Gauche

Le 14 mars 2012, je mettais en ligne sur le site du label “In cauda venenum” le morceau “Je re-Mélenchon” (parodie du “Louxor j’adore” de Philippe Katerine), que j’avais enregistré sous le nom de Psychonada. J’en faisais aussitôt l’annonce sur le forum du site de musique libre “Dogmazic“, où j’avais mes habitudes, grâce à quoi le morceau fut rediffusé dès le 15 mars par un internaute, sur le blog Mezamashidokei, à partir duquel il fut relayé sur les réseaux Twitter et Facebook. Un autre internaute mit en ligne le 17 mars une vidéo illustrant le morceau (vue plus de 260000 fois sur Youtube et quelques milliers de fois sur d’autres plateformes). Le lendemain eut lieu à Paris la marche jusqu’à la Bastille pour la VIe République. Par la suite, le morceau seul ou la vidéo ont été relayés par différents blogs et même par les grands médias (sites internet de la presse, France-Inter, Canal +). Mais ceux-ci se sont contentés d’accompagner le buzz sans jamais prendre le temps d’enquêter vraiment sur l’auteur de ce détournement ni sur ses intentions. Ils se sont contentés de copier/coller le lien de la musique ou de la vidéo, rigolant, au mieux, du jeu de mots potache, se demandant, au pire, si c’était de l’art ou du Mélenchon. Pour la plupart, néanmoins, le clip était évidemment “un clip du Front de Gauche”. Le Parisien, lui, me voyait “adepte du militantisme en musique”, formule aussitôt recopiée par Le lab d’Europe 1 (à moins que ce ne soit Le Parisien qui ait copié sur Le Lab). Pascale Clark, sur France-Inter, investiga quant à elle du côté de Philippe Katerine, l’auteur du morceau original, pour savoir ce qu’il pensait de ce détournement. Il faut dire que Katerine était l’invité central de son émission et qu’il eût été sans doute dommage de ne pas le faire réagir au sujet du morceau qui avait déjà fait se poiler son collègue Patrick Cohen quelques jours plus tôt. Mais pas un mot sur le pourquoi et le comment de cette parodie.

Pourtant, je n’étais en réalité ni “adepte du militantisme en musique” (tout au plus ai-je parfois produit quelques musiques engagées) ni même, à l’époque, militant du Front de Gauche. Certes, je n’étais pas complètement étranger à l’action politique : m’étant toujours senti foncièrement de gauche, j’avais été proche de milieux libertaires antifascistes et j’avais participé en électron libre à de nombreux mouvements sociaux ainsi qu’à quelques initiatives à vocation subversive. Mais je n’avais jamais été membre d’un parti. A vrai dire, j’avais même encore une image assez péjorative des militants, que j’imaginais bornés, sectaires et sans humour (peut-être un héritage des années de lycée durant lesquelles j’avais pu côtoyer quelques militants de Lutte Ouvrière ?). En cela, j’étais sans doute aussi tributaire de la ringardisation de l’engagement collectif qui a si bien fait les affaires du capitalisme néo-libéral depuis les années 80. Il faut dire aussi qu’entre la trahison sociale-démocrate, le stalinisme pépère, le gauchisme stérile et l’écologie fade, je ne my retrouvais pas. S’il m’arrivait bien de voter pour les uns ou les autres, n’étant pas adepte non plus de “l’abstention révolutionnaire” chère à mes copains anars, il ne me serait pas venu à l’idée de militer. J’avais bien sûr voté “non” à l’Europe des marchés en 2005, ressenti le besoin d’une unité de la gauche anti-libérale en 2007, et trouvé intéressante la constitution de listes “Front de Gauche” en 2009. J’avais lu avec intérêt le livre Qu’ils s’en aillent tous ! de Mélenchon en 2010, même si son image d’ancien apparatchik du PS et son côté républicain tsoin-tsoin n’avaient rien pour me séduire a priori. Mais mon engagement n’allait pas plus loin.

Seulement voilà : de plus en plus lassé de l’individualisme indécrottable auquel je me heurtais notamment dans mes activités musicales (particulièrement au sein du mouvement informe de la “musique libre”, trop imperméable à mon goût à la notion d’intérêt général, et englué dans des querelles byzantines sur les clauses des licences de libre diffusion), je me sentais de plus en plus en résonance avec les thèses développées par Mélenchon dès le tout début de la campagne des présidentielles. Par ses discours, il redonnait de la dignité à un mouvement ouvrier devenu honteux de lui-même et il réhabilitait l’action politique. Je lus donc le programme “L’humain d’abord” et commençai à suivre, notamment par internet, les meetings du Front de Gauche. Au cours de l’année 2011, j’en étais devenu un sympathisant et un électeur très probable, au point de m’inquiéter vaguement de l’obstacle que pourrait peut-être constituer le nom-même du candidat dans le cirque médiatique : “Mélenchon”, c’est un nom dont les sonorités collent un peu à la bouche ; malgré l’étymologie hispanique, il a aussi un côté franchouillard “cornichon-saucisson” qui, associé à une longue carrière de sénateur, évoque plus les banquets de la IIIème République que l’avènement d’une VIème. Je me disais donc qu’il y avait peut-être un contre-pied humoristique à prendre. Je fus marqué aussi de la façon dont les médias dominants s’efforçaient de discréditer systématiquement le candidat du Front de Gauche en l’accusant de populisme et en le comparant à Georges Marchais, manière d’en faire à la fois un épouvantail et un clown. Et je trouvai habile de sa part de reprendre à son compte ces références pour en dégager le contenu subversif et le retourner à l’envoyeur.

Je ne sais plus quand m’est venue l’idée du jeu de mots entre “je remets le son” et “je re-mélenchon” (je ne suis sans doute pas le seul à l’avoir eue, d’ailleurs). Je connaissais et j’aimais bien le tube de Katerine dont j’appréciais le second degré et l’efficacité musicale due à un riff sobre et à une mélodie accrocheuse. A force de me trotter dans la tête, cette idée qui aurait pu aussi bien rester lettre morte s’est concrétisée : puisque j’étais en train de finir par ailleurs un album, je pouvais poursuivre sur ma lancée et m’offrir du même coup une récréation en enregistrant une parodie de “Louxor j’adore” transformée en hymne à Mélenchon. Le morceau de Katerine étant lui-même simple dans sa structure et son arrangement, je choisis de rester dans la même veine, le faisant juste sonner un peu plus rock (peut-être parce que je trouvais que Mélenchon avait un côté punk ?) en remplaçant le synthé par de la guitare et la boîte à rythme par de la batterie. Ce faisant, j’avais l’impression de faire une bonne blague potache qui ferait rire les copains et, peut-être, les quelques auditeurs de l’album à venir, mais je ne pensais pas participer véritablement à la campagne du Front de Gauche. Je n’avais donc absolument pas prévu que le morceau, une fois mis en ligne, se répandrait comme il l’a fait sur internet, et serait considéré comme un acte militant.

Je pris conscience, peu à peu, d’être embarqué par un élan émancipateur qui me dépassait mais dont j’étais pleinement partie prenante néanmoins. Les discours de campagne s’enchaînaient, regonflant d’espoir le peuple de gauche jusqu’ici si divisé, résigné et vaincu. Nous étions de plus en plus nombreux et de plus en plus conscients de notre force. Ma propre histoire politique, pourtant bien distincte de celle de Mélenchon et de ses alliés du PCF, convergeait tout naturellement vers ce moment particulier de l’Histoire que Mélenchon, parmi les candidats en lice, semblait être le seul à avoir compris. La Bastille était effectivement à reprendre, et le moment était venu de dépasser certains clivages obsolètes pour y parvenir. Une synthèse pouvait s’effectuer, au point où nous en étions, entre République et socialisme, mais aussi entre la tradition communiste et la culture libertaire, entre la gauche sociale et l’écologie, entre l’exigence intellectuelle et le souci du peuple, entre le réformisme institutionnel et la nécessaire révolution.

Je n’avais pas attendu les consignes pour laisser à ma parodie “citoyenne” la possibilité de contribuer à la campagne du Front de Gauche. Et, comme en écho, Mélenchon lui-même, dans un spontanéisme inattendu pour un ancien hiérarque du PS, affirmait de meetings en meetings que la consigne était de ne pas attendre les consignes. J’en arrivai donc naturellement à me considérer comme membre de ce Front de Gauche si prometteur. Il ne me restait plus qu’à franchir le cap de l’adhésion. Parmi toutes les organisations membres du FdG, celle qui me semblait avoir eu le rôle le plus moteur dans ce processus, et qui incarnait le mieux la synthèse entre écologie, socialisme et république, était le Parti de Gauche. J’adhérai donc au PG entre les deux tours de la présidentielle, déçu comme bien d’autres d’un score en-deça de nos récentes espérances, mais tout de même convaincu que l’essor de “l’autre gauche” ne faisait que commencer en France. Je rejoignis donc le comité Aubervilliers-Pantin et proposai mes services musicaux à la Télé de Gauche. Je suis à présent un de ces militants tant moqués par les tenants de l’individualisme, et je peux attester que, si je suis heureux de m’acquitter des tâches ordinaires dévolues au militant de base, je ne suis pas pour autant devenu un soldat aveugle au service d’un homme providentiel. Le PG n’est pas du tout, contrairement à ce que laissent entendre certains médias, la garde rapprochée d’un chef autoritaire. C’est au contraire un tout jeune parti au sein duquel chaque membre a une grande liberté d’action et de ton.

A l’heure où une prétendue gauche impose en France l’austérité à perpétuité et se soumet aux diktats des marchés, du patronat et de la technocratie européenne, il est temps de prendre parti.

A bas l’austérité ! Non à la résignation ! Organisez-vous ! Rejoignez le Parti de Gauche !

 

Quand Mélenchon refonde la gauche

En l’espace de quelques minutes d’un discours tenu à la fête de l’Humanité, Jean-Luc Mélenchon, expliquant l’air de rien que la révolution est “nécessairement permanente et continue”, s’est permis de refonder philosophiquement la gauche en établissant des liens raisonnés entre l’humanisme, le communisme, le socialisme, l’écologie politique, le féminisme, la laïcité, la république et la démocratie. Voici une transcription écrite d’un extrait de ce discours dont la vidéo intégrale peut être vue à la fin du présent billet.

“(…) Est en train de naître dans la conscience collective des travailleurs l’impératif écologique comme un des moyens non seulement de répondre à leurs propres difficultés mais à celles de l’humanité toute entière, ce qui signifie que les travailleurs et la classe ouvrière se présentent non seulement comme la classe d’intérêt général quand elle défend les outils de production contre le parasitisme du capitalisme, mais aussi lorsqu’elle défend l’écosystème commun, en proposant de nouvelles manières de produire et de nouvelles productions.

C’est ce qui me permet de vous dire que dorénavant, nous sommes les artisans d’une doctrine nouvelle dont les prémisses ont été rassemblées dans nos batailles (…). C’est que notre Front de Gauche s’approprie une doctrine nouvelle que je résumerai par un mot : l’écosocialisme.

Je voudrais faire le lien entre ce mot et l’adjectif qui est à côté du mot “révolution”. Il y a un mot : “citoyenne”. Pourquoi camarades, est-elle dite “citoyenne” ? Je vais — pour certains, ce sera une répétition, pour d’autres, ils découvriront ce raisonnement — vous montrer en quelques mots l’assemblage des éléments du coeur de la doctrine écosocialiste. L’écologie politique nous a permis de comprendre ce que des fois nous n’avions pas vu dans nos propres textes, peut-être parce que nos textes étaient écrits à une époque où les problèmes étaient moins brûlants, peut-être parce que lorsque Karl Marx décrit la nature comme le corps inorganique de l’homme, lorsqu’il affirme que le capitalisme est une force qui épuise l’homme et la nature, nous ne faisions pas assez attention à la profondeur de ce que cette phrase voulait dire, compte tenu du fait qu’au moment où elle a été rédigée, au fond, l’industrie était naissante et concentrée dans très peu de pays dans le monde, et les logiques du productivisme ne s’appliquaient qu’à une part fort restreinte de l’activité humaine. Mais dorénavant, nous pouvons mieux en comprendre toute la profondeur. L’écologie politique nous a appris qu’il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine. Nous ne défendons pas la planète. La planète continuera avec ou sans nous. Nous ne défendons pas la vie. La vie continuera avec ou sans nous les êtres humains. Et vous pouvez imaginer que la belle planète bleue continuera à tourner dans l’espace infini et sans signification avec pour seuls occupants des cafards et des fourmis [NDLR : et Marie-Noëlle Linemann]. Ça ne perturbera en rien les équilibres qui se jouent entre les corps célestes et la trame particulière de l’espace-temps. Nous défendons l’éco-système qui rend notre vie et nos querelles possibles. Par conséquent, s’il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine, cela signifie qu’il y a un intérêt général humain. Réfléchissez à cette idée. Elle est déflagratrice. Elle passe comme un coup de tonnerre, comme un éclair dans le ciel. Elle est de la même importance que lorsque fut dit pour la première fois qu’il y avait des droits individuels de la personne, qu’une personne n’était pas un objet dans la société, qu’elle n’était pas simplement un attribut du totem fondateur ; aussi extraordinaire que lorsqu’on a établi qu’une aptitude biologique n’était pas un destin, que ce n’est pas parce que le corps des femmes leur permet d’engendrer des enfants que pour autant leur identité est confondue avec cet engendrement. C’est une idée révolutionnaire. Pas seulement pour les femmes, mais pour les êtres humains tous autant qu’ils sont, qui découvrent tout d’un coup qu’ils existent par leur conscience indépendamment de leur corps, indépendamment de leur conditionnement, indépendamment de toutes les matrices qui les constituent, et qui leur permet de s’élever à cette part de l’humanité absolue, radicalement humaine, qui est dans la gratuité du don de soi aux autres. (…)

Il n’y a qu’un seul écosystème qui rend la vie humaine possible, donc il y a un intérêt général humain. Et s’il y a un intérêt général humain, il est plus important que les intérêts particuliers et il a des droits antérieurs aux intérêts particuliers. Alors, deux doctrines, deux doctrines politiques, sont ausitôt refondées, objectivées. Elles cessent d’être une utopie comme une autre. La première, c’est le communisme, car l’écologie politique, en décrétant qu’il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine dit donc qu’il y a des biens communs à tous les êtres humains et qui ne peuvent pas être utilisés en particulier les uns contre les autres. L’écologie politique refonde le communisme et l’intuition qu’il porte, et nous oblige à penser l’importance des biens communs de l’humanité autour desquels notre action doit s’organiser pour construire une conscience politique d’un type nouveau, qui n’est pas seulement la conscience de classe, mais qui est la conscience d’appartenir à l’humanité universelle comme à un tout. Donc s’il y a un intérêt général, que le communisme est refondé, le socialisme l’est aussi, car cet intérêt général ne peut pas être discerné vraiment et complètement autrement que librement. Vous ne pouvez pas dire ce qui est bon pour tous si vous êtes dominés, si vous avez peur de le dire, si vous êtes hors d’état de le dire. Par conséquent, l’exigence de la définition en commun d’un intérêt général humain exige l’égalité et la similitude entre ceux qui ont à prendre les décisions qui sont à prendre. L’égalité devient une nécessité : de l’intelligence, du collectif, l’éducation, la santé, toutes les questions qui nous permettent d’être en état de contribuer au bien commun. Voilà comment toutes nos doctrines sont refondées par l’écologie politique. Pas sous la forme d’un mille-feuilles, comme le font d’aucuns : une petite couche de socialisme, une petite couche d’écologie, et enfin une petite couche de république, et on touille tout ça… Et voyez mes ailes : je suis un oiseau. Voyez mes pattes : je suis un rat. Et regardez le tout : je suis une chauve-souris. Non, c’est une doctrine cohérente. Mais vous en voyez immédiatement surgir le coeur. C’est que bien sûr cet intérêt général qui doit être défini librement doit donc, dans l’arène où il se définit, être libéré de toutes les contraintes qui dominent les consciences, et notamment le poids des vérités révélées. C’est pourquoi toutes nos institutions sont nécessairement laïques, non pas pour faire offense à la foi, mais pour permettre que la discussion puisse avoir lieu sur la base d’arguments qui s’opposent les uns aux autres, et où, à la fin, on tranche par un vote qui ne forme pas autre chose qu’une décision, pas une conviction. Quand vous avez voté, vous vous inclinez devant la décision prise mais vous ne changez pas d’avis forcément. Voilà comment ces choses s’emboîtent. Et c’est là que surgît le concept républicain. Car ce qui est demandé à chacun, ce n’est pas de dire ce qui est bon pour lui, ou pour elle, c’est de dire ce qui est bon pour tous. Si l’enjeu de la discussion révolutionnaire est de dire ce qui est bon pour tous, nous sommes obligés de nous arracher tous à nos humus, à nos déterminations, aux injonctions qui nous sont faites par notre situation particulière, pour penser le bien commun. Alors, quel est cet état particulier, quel est le nom que l’on donne à ce moment où l’on cesse d’être seulement préoccupé de soi pour être préoccupé de tous ? Et bien cela porte un nom : dans des institutions libres, c’est le citoyen, camarades. C’est pourquoi notre révolution est citoyenne. Elle est citoyenne parce qu’elle nous indique que son objectif est le bien commun, et non pas le bien particulier. Elle est citoyenne parce qu’elle nous indique que le moyen pour parvenir à ce bien commun, c’est la démocratie politique et la république.

Et au passage, ça nous permet, compte tenu de la profondeur même de l’analyse qui nous conduit à ces conclusions de dire que, pour nous, la liberté et la démocratie, le pluralisme politique, ce n’est pas une concession que nous faisons au capitalisme, ça n’est pas quelque chose dont nous voulons bien entendre parler comme une espèce de moindre mal. Non, c’est la condition même de l’existence de la révolution citoyenne. Nous en avons besoin, de la liberté. Nous avons besoin de points de vue contraires qui s’expriment dans la société pour construire cette conscience civique. (…)”


J.-L. Mélenchon – Discours Fête de l'Huma par lepartidegauche

Adresse aux camarades qui veulent bouder la manifestation du 30 septembre 2012

A l’appel du Front de Gauche, mais aussi d’autres partis, organisations, syndicats et associations, une manifestation unitaire aura lieu le 30 septembre 2012 à Paris (départ 13h30 place de la Nation) contre le TSCG (le traité “Merkozy” qui impose à toute l’Europe l’austérité et la soumission à la finance). Si certaines organisations appellent à manifester simplement “contre” le traité, le Front de Gauche, lui, exige un referendum qui pourrait permettre au peuple, comme en 2005, de se prononcer (le Front de Gauche, dans une telle éventualité, militerait bien évidemment pour le “non”).

Bien que cette manifestation soit l’occasion d’un très large rassemblement de la gauche, certains arguments sont émis ça et là par des camarades sensibles aux sirènes sociales-démocrates ou gauchistes pour en contester le bien fondé ou l’utilité. Il convient d’examiner ces arguments et d’y répondre.

1) Le candidat Hollande avait promis de “renégocier” ce traité. Selon les dirigeants du PS et les ministres du gouvernement Ayrault, il aurait respecté cette promesse, et il n’y aurait donc pas matière à s’opposer à l’adoption du traité par le parlement. Interrogé le 26 août par BFMTV, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et naguère chantre éphémère de la “démondialisation” et du protectionnisme européen, a estimé qu’il est « impossible de voter contre » le traité budgétaire européen qui sera soumis au Parlement en octobre, car il constitue « un progrès considérable » dans « le combat pour la croissance » en Europe. Il a argué notamment de l’ajout d’ « un paquet croissance de 120 milliards d’euros » pour « rééquilibrer les mesures de rétablissement des comptes publics ». Or, même un élu EELV comme Jacques Boutault reconnaît que “François Hollande n’a fait que rajouter, en annexe, un pacte de croissance de 120 milliards d’euros, dont 60 milliards redéployés à partir de fonds déjà votés et 60 autres milliards de nouveaux prêts qui restent à trouver. Mais une annexe n’est pas une renégociation et ne remet pas en cause la logique du traité dont le cœur consiste à renforcer les contraintes budgétaires des Etats en leur interdisant – sous peine d’amende –  un déficit structurel supérieur à 0,5% de leur PIB.” Le traité élaboré par Merkel et Sarkozy n’a donc pas le moins du monde été renégocié. Il fait toujours passer les Etats de la zone euro sous la dictature austéritaire de la Commission européenne et de la BCE.

2) Dans ce qui reste de l’aile gauche du PS, des voix s’élèvent malgré tout contre la ratification du TSCG. Ainsi, la sénatrice Marie-Noëlle Linemann a déclaré qu’elle voterait contre. Mais elle n’envisage pas pour autant de participer à la manifestation du 30 septembre, sous prétexte de ne pas “tendre les deux pôles de la gauche, une qui gère et une qui proteste”. En fait, cette déclaration montre bien, ce qui est assez triste, que seule son appartenance au PS empêche Marie-Noëlle Linemann de se joindre à cette manifestation. Car la tension n’est d’ores et déjà plus entre deux pôles de gauche, mais entre un gouvernement de capitulation appliquant l’austérité de droite d’un côté, et de l’autre “la gauche qui proteste”, certes, mais qui est tout à fait prête à “gérer” munie d’un vrai programme de gauche : “L’humain d’abord“. Les militants de l’aile gauche du PS qui n’ont pas encore rallié l’aile droite en échange de postes sont désormais ultra-minoritaires au sein de leur parti, soigneusement verrouillé par Hollande, Ayrault et Aubry. Ils n’ont plus la moindre chance d’y faire valoir une autre ligne que celle qui a valu en Grèce à Papandréou le succès que l’on sait. La seule attitude cohérente pour les membres du PS qui se considèrent encore de gauche est de rejoindre la manifestation unitaire du 30 septembre.

3) En 2005, le peuple français avait voté “non” lors du referendum sur la constitution européenne. Pourtant, les principales clauses de cette constitution sont passées tout de même avec le traité de Lisbonne ratifié sous la présidence de Sarkozy. Du coup, nombre de citoyens se demandent quelle serait l’utilité d’un referendum aujourd’hui, partant du principe qu’un “non” du peuple n’aurait pas plus de chance d’être respecté en 2012 qu’en 2005. Certains même trouvent inutile de manifester pour exiger un referendum car, Hollande étant décidé à faire ratifier le texte par le Parlement (où il dispose de la majorité dans les deux chambres), il n’y aurait aucune chance pour qu’il cède à la pression de la rue. C’est un raisonnement défaitiste qui ne peut pousser qu’à la passivité du peuple, et c’est précisément sur cela que misent le gouvernement, la Commission européenne et les marchés. Le non-respect du vote populaire de 2005 est effectivement un déni de démocratie, ainsi que la casse des retraites en 2010 malgré les milliers de personnes qui ont manifesté pendant des mois pour s’y opposer. Mais c’est justement pourquoi il faut continuer à établir le rapport de force pour obtenir aujourd’hui ou demain ce que nous n’avons pas réussi à obtenir hier. C’est aussi la prise de conscience de ce déni de démocratie qui a permis d’obtenir en 2012 la courte défaite de Sarkozy et la percée des idées défendues par le Front de Gauche dans l’opinion. Il faut enfoncer encore le clou. Même si nous sommes des milliers dans la rue, nous n’obtiendrons peut-être pas satisfaction cette fois-ci, mais nous montrerons notre force et nos idées progresseront encore auprès du peuple au fur et à mesure que l’incapacité de Hollande d’apporter le moindre remède à la crise apparaîtra au grand jour. Et si nous sommes des centaines de milliers puis peut-être des millions, nous deviendrons incontournables et montrerons l’exemple aux autres peuples européens. Si le traité est malgré tout ratifié, il n’aura aucune légitimité et nous n’en serons que mieux fondés à réclamer son abrogation. Si au contraire nous renonçons à nous battre sous prétexte que le combat est perdu d’avance, nous sommes sûrs de réaliser nous-mêmes la prophétie de nos défaites. “Camarades, vous ne savez jamais quel sera le destin d’une lutte, et celui qui la préfigure à l’avance n’est pas des nôtres !” affirmait avec force Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière fête de l’Humanité.

4) D’après certains militants gardiens auto-proclamés de la pureté révolutionnaire, tels ceux de LO, la lutte contre le TSCG serait celle “qui gêne le moins le gouvernement : les premiers visés sont l’Europe et Merkel, et l’attention des travailleurs est ainsi détournée vers un faux combat”. On peut s’étonner que des militants qui se disent internationalistes ne voient pas que le combat contre l’austérité en Europe voulue notamment par les rentiers allemands est un combat pour les travailleurs français mais aussi pour les travailleurs allemands, grecs, italiens, espagnols, portugais, etc. LO, fidèle à sa stratégie de dénigrement systématique du Front de Gauche, ne recule devant aucune falsification pour faire croire que le combat du Front de Gauche n’est pas un combat social, et serait même un combat nationaliste, ce qui est un contre-sens et une calomnie (sans doute destinée à faire l’amalgame entre ce front-là et le FN). Le TSCG est bel et bien un instrument qui permettra une domination renforcée du Capital. Il est de l’intérêt de tous les travailleurs européens de lutter contre. C’est un vrai combat. Et ceux qui, comme LO, croient qu’un tel combat se mène au détriment des autres se comportent en spectateurs passifs d’un inepte zapping politique et social : ils confondent la lutte et leur canapé devant la télé. La manifestation du 30 septembre, contrairement à ce qu’affirme LO, ne se fera pas “au lieu de proposer aux travailleurs des objectifs pour défendre leur emploi et leur salaire”. Lors de la fête de l’Huma, Jean-Luc Mélenchon rappelait encore : “il faut le travail politique de conscientisation, d’élévation du niveau de la conscience, qui ne s’est jamais acquis autrement que par la discussion, le débat, l’éducation politique, et par la lutte, la lutte, la lutte ! Ne rien lâcher, ne rien céder ! Usine par usine, école par école, entreprise par entreprise ! Ne laissez pas une seule usine être vidée de ses machines, ne laissez pas une seule salle de classe être fermée !” Non seulement le TSCG aura bien évidemment des conséquences désastreuses sur l’emploi et les salaires, mais surtout la lutte contre le TSCG n’empêche en rien de lutter sur d’autres fronts, par exemple auprès des salariés de Pétroplus ou de Sodimédical et partout ailleurs dans les entreprises, petites ou grandes, ou dans les services publics ; par exemple en réclamant le vote par le parlement de la loi interdisant les licenciements boursiers déjà proposée en février 2012 au sénat par un sénateur communiste et rejetée de justesse malgré le vote favorable des socialistes qui ont dû oublier depuis qu’ils avaient un jour eu tant d’audace… Les militants du Front de Gauche sont présents aussi dans les mouvements sociaux, à travers leurs syndicats notamment. Manifester contre le traité n’empêche en rien les autres luttes. Ce traité, LO prétend que “c’est un chiffon de papier car aucun gouvernement n’a attendu ce traité pour imposer l’austérité aux travailleurs et ce n’est pas ce traité qui oblige les patrons à licencier, à bloquer les salaires et à aggraver l’exploitation”. Mais ce “chiffon de papier” va pourtant bien permettre aux patrons de continuer leur sale besogne dans un cadre qui leur sera encore plus favorable, et les travailleurs encore plus affaiblis et fragilisés seront les principales victimes de ce coup d’Etat. Une fois encore, LO et ceux qui sont sur la même ligne adoptent la stratégie du pire, attendant que le prolétariat réagisse enfin lorsqu’il n’en pourra vraiment plus. On voit pourtant en Grèce qui profite de la ruine du pays et du désespoir : les néo-nazis.

Le peuple de gauche composé de l’ensemble des travailleurs conscientisés n’a aucun intérêt à la passivité et au pourrissement. Il ne se renforcera qu’au fil des luttes, rassemblant un nombre toujours plus large de participants conscients de leurs intérêts de classe. La manifestation unitaire du 30 septembre contre le TSCG en est une étape.

Quand le capitalisme encourage le célibat

Le 11 août 2012, Ewan Morrison publiait sur le site du Guardian un article titré : “What I’m thinking about … why capitalism wants us to stay single“. Pourquoi le capitalisme veut-il que nous restions célibataires ? “Maintenant que le marché tire profit du pouvoir d’achat des célibataires, le choix radical est de se marier”, ajoute Morrison en sous-titre. Nous proposons ci-dessous au lecteur francophone une traduction artisanale et bénévole de cet intéressant article.

Nous nous plaisons à penser que nous sommes libres au sein du libre marché ; que nous nous situons au-delà des forces de la publicité et de la manipulation sociale par les forces du marché. Mais il y a une nouvelle tendance sociale – l’avènement du “célibataire” en tant que consommateur modèle – qui soulève un paradoxe. Ce que nous avons jadis considéré comme radical – rester célibataire – peut maintenant être réactionnaire.

La relation à long terme, comme l’emploi à vie, est en voie rapide de dérégulation vers le court terme, les arrangements temporaires sans promesse d’engagement, ce dont le sociologue Zygmunt Bauman nous avertit depuis plus d’une décennie. C’est difficile pour deux personnes de rester ensemble tout en étant travailleurs indépendants, sans garantie d’avenir stable. Le capitalisme veut maintenant que nous restions célibataires.

Depuis les années 60, être célibataire a été considéré comme un choix radical, une forme de rébellion contre le conformisme bourgeois capitaliste. Comme le dit le sociologue Jean-Claude Kaufmann, l’abandon de la vie de famille pour le mode de vie en solo au XXe siècle était constitutif de “l’élan irrésistible de l’individualisme”. Mais cette liberté semble bien moins séduisante lorsqu’on l’observe sous l’angle de changements planifiés dans le consumérisme.

Convaincre la population de rester célibataire prend maintenant une signification économique. Selon une étude de Jianguo Liu de l’Université d’Etat du Michigan, les célibataires ont une consommation par tête qui dépasse celle des ménages de 4 personnes à hauteur de 38% pour les produits alimentaires, 42% pour les produits conditionnés, 55% pour l’électricité et 61% pour le gaz. Aux Etats-Unis, les célibataires dans la tranche des 25-34 ans et n’ayant jamais été mariés dépassent maintenant en nombre de 46% les personnes mariées, selon le Bureau du Recensement de la Population. Et le divorce représente un marché en pleine croissance : une famille qui subit une séparation, cela signifie que deux ménages doivent acheter deux voitures, deux machines à laver, deux télévisions. L’époque de la famille nucléaire comme unité de consommation idéale est révolue.

Alors que le capitalisme sombre dans la stagnation, les entreprises ont compris qu’elles pouvaient trouver deux nouveaux facteurs de croissance – d’une part en faisant émerger le marché des célibataires, et d’autre part en favorisant le divorce et le concept de liberté individuelle. En témoignent des changements dans les publicités, avec des produits aussi divers que les hamburgers et les vacances dont les célibataires deviennent la cible – en particulier les femmes célibataires. De nouvelles pubs pour Honda et Citibank mettent en avant la découverte solitaire de soi et le report de la relation plutôt que la vie de couple.

Comme le dit Catherine Jarvie, les “relations superficielles” dans lesquelles “aucune des deux parties ne cherche un engagement à long-terme” sont la nouvelle voie – en témoigne l’ascension fulgurante du site de rencontre Match.com. Aux Etats-Unis, des annonces sur le site Craiglist révèlent la connexion subconsciente entre le fait de consommer du jetable et celui de se vendre soi-même : on peut y lire “Achetez mon canapé IKEA et baisez-moi dessus d’abord, pour 100$”.

Cette assimilation entre soi-même et le produit vient à point nommé, précisément parce que les cycles de l’obsolescence programmée et perçue dans le cadre de la consommation de produits n’assurent plus la croissance capitaliste. Dans une période de saturation du marché, alors que nous avons déjà consommé tout ce que nous pouvons, nous sommes encouragés à nous réifier en tant qu’objets «sur le marché», consommant autrui. Exercices sur le caractère jetable de l’homme.

Le consumérisme veut maintenant qu’on soit célibataire, donc il vend cette idée comme sexy. L’ironie est qu’il est maintenant plus radical de tenter d’être dans une relation à long-terme et d’avoir un travail à long-terme, de faire des projets d’avenir, peut-être même d’essayer d’avoir des enfants, plutôt que de rester célibataire. La vie de couple et des liens à long terme avec autrui dans une communauté semblent aujourd’hui la seule alternative radicale aux forces qui nous réduisent à l’état de nomades isolés, aliénés, cherchant de plus en plus de temporaires connexions «miracles» avec des corps qui portent en eux leur propre obsolescence intégrée et perçue.
La solution : Soyez radicaux, maquez vous, exigez de l’engagement de la part de vos partenaires et de vos employeurs. Dites non aux séductions du marché des célibataires jetables.

A propos des gros cons : Mélenchon versus Lordon

La finesse d’analyse de Frédéric Lordon, sa radicalité, son ironie, sa précision, son style, tant dans ses ouvrages que dans ses articles du Monde Diplomatique ou du blog “La pompe à phynance“, en ont fait un penseur incontournable de la gauche, sur le plan économique mais aussi sur le plan philosophico-politique. Dans un article du 2 mai 2012, il revient sur le résultat obtenu par le Front National au premier tour des élections présidentielles. Moquant d’abord la stupeur de “la volaille éditocratique”, il affirme ensuite que :

“(…) sans discontinuer depuis 1995, le corps social, quoique se dispersant entre des offres politiques variées, n’a pas cessé de manifester son désaccord profond avec le néolibéralisme de la mondialisation et de l’Europe Maastricht-Lisbonne ; et avec la même constance, le duopole de gouvernement, solidement d’accord, par delà ses différences secondes, sur le maintien de ce parti fondamental, n’a pas cessé d’opposer une fin de non-recevoir à ce dissentiment populaire. La montée du FN n’est pas autre chose que le cumul en longue période de ces échecs répétés de la représentation, le produit endogène des alternances sans alternative qui pousse, assez logiquement, les électeurs à aller chercher autre chose, et même quoi que ce soit, au risque que ce soit n’importe quoi.”

Et Lordon de prophétiser in fine qu’en 2017, “les mêmes causes” risquent bien de produire “les mêmes effets” qu’en 1995, 2002 ou 2012 (l’exception de 2007 étant due à l’habileté du bonimenteur Sarkozy, qui avait réussi, lui le candidat des marchés destiné à devenir “le président des riches” — selon le titre de l’ouvrage des sociologues Pinçon-Charlot — à se faire passer pour le “candidat du pouvoir d’achat”).

Mais Frédéric Lordon  s’aventure aussi en dehors du terrain de l’observation et de l’analyse pour aborder celui de l’action proprement dite. Que faire face à ce phénomène du FN ? Après avoir rappelé à juste titre que le Front de Gauche, seule force à disputer à l’extrême-droite le monopole de la critique des politiques néolibérales, n’existe que depuis 3 ans, et qu’il n’avait donc guère de chances, malgré les espoirs suscités par la candidature de Mélenchon, d’accéder si tôt au pouvoir, il affirme que :

“(…) la gauche (la vraie gauche) commence à donner des signes de fatigue intellectuelle. En témoignent les refus exaspérés d’entendre seulement dire “la France qui souffre”. Assez de la souffrance sociale ! et retour aux explications simples et vraies : ce sont des salauds de racistes. Dans une parfaite symétrie formelle avec la droite qui, en matière de délinquance, refuse les “excuses sociologiques” (…) voilà qu’une partie de la (vraie) gauche, en matière de vote FN, ne veut plus de “l’alibi” de la souffrance sociale. Cette commune erreur, qui consiste à ne pas faire la différence entre deux opérations intellectuelles aussi hétérogènes que expliquer et justifier (et par suite “excuser”), finit inévitablement en le même catastrophique lieu de l’imputation d’essence, seul énoncé demeurant disponible quand on s’est privé de toute analyse par les causes. Les délinquants seront alors la simple figure du mal, n’appelant par conséquent d’autre réponse que la répression. Quant aux électeurs de l’extrême droite, ils sont donc “des salauds”, appelant… quoi d’ailleurs ? La colonie lunaire ? Au déplaisir général sans doute, il faudra pourtant faire avec eux.”

On pourrait objecter avec ironie à Frédéric Lordon qu’une colonie lunaire dotée d’un certain confort (pavillons avec pelouse bien délimitée et télévision branchée sur TF1) pourrait bien faire le bonheur de certains des électeurs du FN, pourvu qu’aucun musulman arabe ou noir, ni peut-être aucun juif, et à coup sûr aucun Rom, ne fasse partie du voyage. Demander la lune pourrait donc être bénéfique pour toutes les parties concernées : “salauds de racistes”, “vraie gauche”, humanistes, victimes du racisme… On pourrait aussi lui dire qu’à défaut d’une destination extra-terrestre, la Corée du Nord pourrait être une destination suffisamment éloignée de toute menace islamiste pour que les “salauds de racistes” puissent y trouver un asile sûr et y assouvir enfin leur goût de l’ordre et leur amour du “vrai travail”. Il s’agit là bien sûr d’une plaisanterie, mais il ne faut peut-être pas renoncer si vite aux vertus de la peur des Rouges. Même si en réalité, nul militant du Front de Gauche, bien que voué par les défenseurs du libéralisme au culte de Staline ou Pol-Pot, n’ira proposer pour de vrai la déportation massive des “salauds de racistes” vers quelque Goulag, il peut être bénéfique de laisser entendre à ces derniers que certains propos et certains actes peuvent tout de même être source pour eux de graves ennuis.

Plus sérieusement, autant Lordon frappe juste en évoquant le “racisme social” des élites conforté par le vote d’électeurs décidément “affreux, sales et méchants”, autant il va trop loin en affirmant que la proposition « les électeurs du FN sont des gros cons » est exactement symétrique à la proposition « les arabes sont trop nombreux ». Invoquant même Spinoza, il accuse les tenants de l’appellation “gros cons” (dont nous sommes) de privilégier par fatigue intellectuelle la catégorisation morale sur la compréhension des causes. Ce faisant, il nous somme finalement de choisir entre l’affect et l’intellect. Mais cette distinction n’est-elle pas abusive et artificielle ? En effet, on peut fort bien poser une injonction morale dans le cadre d’une stratégie politique en expliquant aux électeurs que voter pour le FN les range sans appel dans la catégorie des “gros cons” (ce qui n’a aucun caractère définitif), mais aussi, dans le même temps, chercher à comprendre les causes de ce vote et proposer les mesures politiques, sociales et économiques susceptibles de les éradiquer. Citons ici les propos de Mélenchon au micro d’Europe 1 le 2 mai 2012 :

“La souffrance ne justifie pas ni la délinquance ni la stupidité. Et par conséquent je n’irai pas dire “je vous comprends parce que vous souffrez”. Il n’y a pas plus de problèmes aujourd’hui avec les Musulmans et les Arabes qu’il n’y en avait avec les Juifs avant-guerre. Et ça n’a aucun sens de faire preuve de compréhension. Je dis donc les yeux dans les yeux aux gens qui votent Front National : “vous faites du mal à votre pays et vous nous emmenez nulle part. Mme Lepen ne fait rien qu’à distiller du poison dans notre pays”.”

Si Mélenchon ne disait que cela aux “gros cons”, effectivement ce serait peut-être un peu court. Mais il se trouve que lui (avec l’ensemble des forces du Front de Gauche) propose très clairement de rompre avec la soumission à la mondialisation néo-libérale et de remédier aux causes de la souffrance sociale. S’il refuse de faire preuve du type de “compréhension” prôné par ceux qui cherchent à capter les voix du FN, il ne renonce pas pour autant à analyser les causes objectives de l’extrémisation de la droite.

On peut aussi objecter à Lordon que l’analyse du phénomène et une action sur les causes, bien qu’évidemment nécessaires, ne sont pas forcément suffisantes. A ce titre, l’analogie qu’il fait lui-même avec la délinquance peut lui être retournée. S’il est bien vrai que la droite répressive se montre parfaitement crétine, voire criminelle, en refusant aux délinquants toute “excuse sociologique”, il serait bien naïf d’imaginer qu’une meilleure justice sociale et un accent mis sur la prévention des causes de la délinquance permettraient à la société de faire l’économie de la sanction mais aussi de la catégorisation morale de la délinquance. Désigner l’électeur du Front National comme gros con, beauf ou facho, c’est lui signifier clairement — au cas pas si improbable où il ne le saurait pas déjà — qu’il est un délinquant de l’idéal humaniste républicain. Après la dédiabolisation médiatique du FN réussie par l’héritière du vieux tortionnaire, la stigmatisation systématique de l’électorat du FN est nécessaire pour rétablir au moins en partie ce que nous avions nommé un “surmoi civique” dans notre précédent article. Paradoxalement, Frédéric Lordon lui-même a d’ailleurs bien remarqué que :

“(…) la présence pérenne du FN a eu le temps de produire ces pires effets d’incrustation, aussi bien, dans les classes populaires, la conversion partielle des colères sociales en haines xénophobes, que, dans les classes bourgeoises (petites, et parfois grandes), la libération d’un racisme longtemps tenu à l’isolement par les conventions sociales et la menace de l’indignité, mais jouissant de nouvelles licences quand 15 % à 20 % de la population rejoignent ouvertement l’extrême droite — et qu’il est désormais permis de vivre sa “foi” à l’air libre.”

Pour que le peuple décidément allergique à la dictature des marchés et à la mondialisation néo-libérale se tourne vers la “vraie gauche” — celle qui sert vraiment les intérêts du peuple — plutôt que vers la droite et l’extrême-droite décomplexées, il faut justement que les gros cons de fachos ne puissent plus vivre leur sinistre foi à l’air libre. Nous n’en voudrons pas plus que cela à Frédéric Lordon d’avoir quelque répugnance à se salir les mains. Tout en reconnaissant lui-même que Mélenchon et le Front de Gauche donnaient une consistance nouvelle à la gauche (la “vraie”, selon ses propres critères), il n’est pas allé jusqu’à prendre parti, au sens littéral, et garde donc une position d’observateur engagé qui n’est pas une position de militant. Quant à nous, nous lirons encore avec profit les thèses de Lordon, bien sûr, mais dans l’action présente, nous avons choisi d’agir aux côtés de Mélenchon, et nous ne nous priverons pas d’appeler un chat un chat : oui, un facho est un gros con.

 

Ne cédez pas à la peur de Lepen !

Comme Mélenchon l’avait prédit lui-même après le succès de ses meetings à la Bastille, à Toulouse et à Marseille, les médiacrates, passés du mépris à l’amusement, puis de l’amusement à la peur (voir notre précédent article), l’ont trouvé décidément trop dangerous et se sont déchaînés contre lui, surtout durant cette dernière semaine de campagne. Coups-bas, rumeurs et boules puantes, tout a été utilisé pour le discréditer et faire douter les électeurs qui, intéressés par ses idées et son programme, pouvaient avoir encore quelques réserves sur l’homme, sa personnalité, son style, son parcours politique. Comble de l’ignominie, alors que se faisait le black out médiatique sur son dernier meeting parisien le 19 avril 2012 (qui a pourtant réuni plus de 60000 personnes en plein milieu de semaine, ce qu’aucun autre candidat n’a jamais été en mesure de faire), une campagne était menée au profit de Lepen pour la faire repasser devant Mélenchon dans les sondages. Aucun media n’a d’ailleurs souligné que le dernier meeting parisien de “l’héritière de son père milliardaire par un détournement de succession” (ce même Lepen admirateur du collabo Brasillac, plus que jamais obsédé par Nuremberg et le nazisme) avait réuni 10 fois moins de personnes que celui de Mélenchon !

L’offensive avait commencé dès le 9 avril avec la diffusion par Le Monde d’un sondage bidon sous le titre : “Marine Le Pen pourrait arriver en tête chez les jeunes“. Ce n’est que le 17 avril que Mikael Garnier-Lavalley révélait que ce sondage avait été effectué sur un échantillon de moins de 200 personnes en trichant même sur les tranches d’âge. Seul Le Monde, en fin de compte, a été obligé de rectifier. Mais l’opération aura laissé le temps à la peur de faire son chemin auprès de l’électorat, permettant aux deux candidats favoris des médiacrates d’en appeler une fois de plus au “vote utile”.

Le 19 avril, c’était au tour du journal Libération de se distinguer par une Une élégante :

Libé attise la peur

Notons que ce choix éditorial, le jour même où Mélenchon faisait son dernier meeting géant à Paris, n’était pas inéluctable. Voici par exemple la Une qu’un journal de gauche aurait pu (aurait dû) légitimement faire, à condition de ne pas être prêt à instrumentaliser le F-Haine dans le but d’assurer à tout prix la victoire de Hollande (peut-être plus certaine au 2ème tour contre Sarkozy ou même Lepen que contre Mélenchon ?) :

Libé aurait pu favoriser l'espoir plutôt que la peur

Plutôt Lepen que le Front de Gauche, en somme : voilà qui fait écho au fameux “plutôt Hitler que le Front Populaire” de triste mémoire.

En ce dernier jour de la campagne officielle, les sondages font donc à nouveau passer Lepen devant Mélenchon. Et nombreux seront peut-être les électeurs de gauche qui céderont à la peur et voteront Hollande au premier tour non pas par adhésion à son programme, non pas par refus de celui de Mélenchon, mais par crainte d’une répétition du scénario catastrophe de 2002, qui reste un traumatisme profondément ancré dans la mémoire du peuple de gauche. Ce réflexe est humain, mais j’espère vous avoir montré, camarades, citoyens, amis, qui par hasard lirez peut-être ces lignes, que cette peur bien légitime est le produit d’une honteuse mise en scène.

Mais allons plus loin dans la réflexion. Cette peur est suscitée par les sondages, qui placent Marine Lepen en 3ème position. Pourtant, les mêmes sondages placent tous désormais Hollande en tête, à plus de 10 points au moins devant Lepen, donc au-dessus de la marge d’erreur que les sondeurs s’accordent à eux-mêmes. Ainsi, si l’on se réfère à ces données, le seul vrai moyen aujourd’hui de limiter l’influence de Lepen, c’est de placer devant elle le candidat qui se situe dans la même fourchette qu’elle dans les sondages, c’est-à-dire Mélenchon. Les électeurs de centre gauche qui pensent que l’on peut adoucir la dictature des marchés voteront de toutes façons pour Hollande, ainsi que de nombreux électeurs de centre-droit qui ne supportent plus Sarkozy et souhaitent sa défaite. En votant pour le seul candidat qui ose défier les marchés, les électeurs de gauche peuvent donc par la même occasion redonner dignité et honneur à notre pays en faisant retomber l’extrême-droite dans une marginalité dont elle n’aurait jamais dû sortir. Cela constituerait aussi un exemple pour toute l’Europe, où l’extrême-droite, partout, tire déjà profit du discrédit des partis de droite ou de gauche soumis au marché, et attend de cueillir les fruits de la crise. Cela empêcherait aussi après l’élection une réorganisation de la droite autour de Lepen après l’implosion de l’UMP que ne manquera pas d’entrainer la défaite de Sarkozy.

Depuis le début de cette campagne, Mélenchon a instauré un rapport de forces et une dynamique favorables aux idées de gauche. Pour pouvoir peser dans le débat alors même que les marchés financiers s’apprêtent à attaquer, il faut briser l’étau de la peur et placer le Front de Gauche loin devant le Front National.

Pour cela, camarades, citoyens, amis, je vous en conjure, ne cédez pas à la peur irraisonnée distillée par les médias. L’Europe et le monde nous regardent avec espoir. Lisez ou relisez le programme “l’humain d’abord”, écoutez ou réécoutez les discours de campagne, et dimanche 22 avril, votez sans crainte et fièrement pour Jean-Luc Mélenchon.

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