Le droit à la paresse

Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion furibonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu et de sa progéniture.

Paul Lafargue, Le droit à la paresse, 1883

Le camarade François Ruffin, père de 2 enfants, non seulement député très actif, mais aussi toujours directeur du journal Fakir, vient de sortir un livre (Cette France que tu ne connais pas) — dont je recommande la lecture — et écume les salles de cinéma pour présenter en avant-première son nouveau film, J’veux du soleil. Il semble aussi être un grand lecteur et est également un passionné de foot.

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Fonctionnaire

« Nous autres fonctionnaires pervers refusions de rallier la sphère privée. Nous travaillerions puisque telle était la règle d’airain, mais autant que possible sans intégrer le marché du travail. Cette prévention contre la marchandisation de nos neurones n’était pas morale mais vitale. Je voulais qu’une partie de moi s’adonne indéfiniment à la joie gratuite de s’écouter penser.

J’ai volontiers laissé mon corps conditionné s’orienter d’instinct vers la fonction publique. J’avais besoin de la sécurité de l’emploi et d’une rémunération constante découplée de mes performances. Tu nous soupçonnes de paresse, tu as raison et tort : nous sommes des employés traîne-savates et des bosseurs fous. Je voulais lambiner au turbin pour turbiner du cerveau. Je voulais m’acheter des heures d’esprit libre, libre de calculs de valorisation de ma force de travail. Je voulais ménager, dans mon quotidien, des espaces de disponibilité non lucrative à l’art. Et à la pensée. »

François Bégaudeau, Histoire de ta bêtise, Pauvert, 2019, p.150

Idéologie

« La fin des idéologies dont tu rebats mes oreilles depuis la maternité, c’est la fin du communisme. Qui se fête, et tu ne t’en es pas privé, car, les idéologies finissant, les gouvernants-managers peuvent enfin régir le pays en toute rationalité, sanzidéologie. La fin des idéologies c’est le début de toi, capable de diagnostics non faussés par les biais cognitifs du dogme. Toi tu es pragmatique, tu administres sans a priori, butinant à droite et à gauche des solutions qui marchent en concertation avec des collaborateurs qui n’ont de religion que celle du résultat. Toi tu fais de l’économie, pas de l’idéologie.

Tout ce prêche étant délivré dans l’ignorance plus ou moins feinte qu’il n’y a pas opinion plus ajustée à une position de classe, la tienne, que celle qui professe la fin des opinions ; qu’il n’y a pas de chant plus idéologique que celui de la fin des idéologies.

L’idéologie c’est toi. Marx a inventé le concept pour toi. »

François Bégaudeau, Histoire de ta bêtise, Pauvert, 2019, p.76

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