Non, Conspiracy Watch, ce n’est pas la fin du Média !

Le 28 juillet dernier paraissait sur le site Conspiracy Watch un article signé Elie Guckert intitulé « Clap de fin pour le Média ? « 

Etant sociétaire du Média et engagé activement au sein de cette coopérative de presse je n’avais pas apprécié le contenu de l’article. J’y avais relevé quelques erreurs factuelles, comme le fait que Denis Robert y est présenté comme ayant été « remplacé à la rédaction en chef par Théophile Kouamouo ». C’est un peu anecdotique, mais en réalité, Théophile Kouamouo était déjà rédacteur en chef au Média quand Denis Robert y travaillait, lequel Denis Robert n’était pas rédacteur en chef mais directeur de la rédaction. C’est un détail qui a malgré tout son importance, car un lecteur non averti pourrait, en lisant l’article de Guckert, s’imaginer que Théophile Kouamouo aurait voulu prendre la place de Denis Robert alors que la rédaction a juste souhaité remplacer le poste de directeur de la rédaction par un comité éditorial. En tout cas, la remarque n’a pas dû plaire à Guckert car il m’a aussitôt bloqué sur Twitter (j’ai appris par la suite qu’il avait également bloqué d’autres socios et des salarié.e.s du Média), se privant ainsi de la possibilité de pouvoir recevoir des rectifications au contenu de son article.

M’étant fait récemment à nouveau exhiber cet article sur les réseaux antisociaux, je me décide aujourd’hui à en faire une analyse critique. Mieux vaut tard que jamais.

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Universalisme bourgeois

« Pour Marx, l’histoire est un processus de lutte, de lutte des classes, de lutte des êtres humains pour se libérer de l’exploitation. Si l’histoire n’est autre que l’histoire des conflits, des divisions et des luttes, il devient alors impossible d’analyser le processus historique du point de vue d’un sujet universel et unique. Pour le féminisme, cette perspective est très importante. Du point de vue féministe, il est fondamental de souligner que cette société se perpétue en générant des divisions, des divisions fondées sur le genre, sur la race, sur l’âge. Une vision universalisante de la société, du changement social, depuis un sujet unique, finit par reproduire la vision des classes dominantes. »

Silvia Federici, Le capitalisme patriarcal, La Fabrique éditions, 2019

Le droit au repos

« C’est le droit au repos qui est rogné. Au nom du travail, de la “valeur travail”, de “l’amour du travail”, il faudrait travailler sans cesse, sans répit. (…)

La dignité du travail, c’est aussi, c’est surtout le repos. Et c’est leur bataille, aujourd’hui, à nos dirigeants, au nom de la “valeur travail”, de l’attaquer par tous les bouts. C’est le dimanche qui, depuis Sarkozy et Macron, n’est plus chômé dans les supermarchés. C’est les heures sup à multiplier pour se maintenir la tête hors de l’eau. C’est la retraite, qu’ils reculent toujours. C’est, rebelote, une conquête que l’Europe suggérait, sur le congé parental, et que la France, par la voix de son président, a minée, vidée.

La bataille entre le Capital et le Travail, dans notre histoire, c’est sur les salaires qu’elle se joue, bien sûr. Mais c’est surtout sur le temps. Le congé maternité. Le samedi à l’anglaise. La semaine de 40 heures. Les congés payés. La retraite à 60 ans. Tout cela, c’est du temps libéré par les ouvriers. C’est le repos qui, jusqu’alors, appartenait à l’aristocratie, à la bourgeoisie, qui est entré dans la démocratie, pour tous, pour le peuple : le droit au repos. »

François Ruffin, Je vous écris du front de la Somme,
Les Liens Qui Libèrent, 2022

Le communiqué d’Adrien Quatennens qu’on aurait aimé lire

« Suite à la révélation par le Canard enchaîné d’une main courante déposée par mon épouse, je suis obligé de m’expliquer au sujet de violences conjugales que j’ai commises et qui sont en totale contradiction avec l’engagement féministe que j’affiche.

Oui, j’ai bien donné une gifle à ma compagne il y a plusieurs mois et je n’ai pas eu le courage à l’époque d’en parler publiquement ni d’en tirer les conséquences.

Oui, plus récemment, lorsqu’elle m’a fait part de son intention de divorcer, je lui ai pris le poignet et j’ai essayé de lui prendre de force son téléphone, à la suite de quoi elle est allée déposer une main courante. Certes, elle a émis le souhait qu’il n’y ait pas de suites judiciaires et a fait cette démarche pour poser un jalon dans le cadre d’un divorce conflictuel, mais je mesure à présent que cela ne change rien au problème de fond.

Je ne vais pas m’abriter derrière les circonstances de la dispute ni derrière mon dépit d’être quitté. Je comprends bien d’ailleurs que le fait de lui avoir un jour donné une gifle est en soi pour mon épouse une excellente raison de me quitter, quand bien-même je dois respecter son choix quelles que soient les raisons et quoi que j’en pense.

Je ne vais pas non plus dire : « je ne suis pas violent », « ce geste, ce n’est pas moi, c’était exceptionnel ». J’ai cru ne pas être violent parce que j’étais capable de ne pas coller de baffe à mes contradicteurs sur les plateaux télé, parce que je n’ai violé personne ni obligé personne à m’accorder ses faveurs en profitant de mon pouvoir d’élu, mais ne pas avoir été capable de retenir ma main contre ma compagne lors d’une dispute fait bien de moi un homme violent, reproduisant dans son foyer les schémas désormais bien connus de la masculinité toxique.

J’en prends conscience aujourd’hui et je m’engage à employer toutes mes forces à faire un travail sur moi-même, avec l’aide de professionnels, pour déconstruire les causes profondes de ce passage à l’acte et veiller à ce que plus jamais une femme n’ait à souffrir de ma violence. Je demande bien évidemment pardon à ma victime qui n’est en rien responsable des conséquences de cette affaire sur ma vie politique ni des éventuelles suites judiciaires.

Je comprends aussi qu’il me devient difficile d’être député et porte-parole d’un mouvement féministe sans avoir prouvé à toutes et tous ma prise de conscience et ma réelle volonté de changer, faute de quoi ce mouvement perdrait beaucoup en crédibilité. Inutile de chercher à faire diversion en glosant sur les fuites policières et la malveillance des médias et des réseaux sociaux. C’est à nous, militant.e.s de l’émancipation, de ne pas offrir de prise au régime injuste et patriarcal que nous combattons. Il n’a aucune raison de nous faire de cadeau. Nous ne lui en ferons pas non plus et je n’attendrai pas une décision de la justice bourgeoise pour faire ce qui est nécessaire. »

Malheureusement, c’est un autre communiqué que le camarade Quatennens a publié, et il n’est pas satisfaisant. Il n’est peut-être pas trop tard pour faire mieux ?

Impuissance masculine

« Voilà la plus grande méprise au sujet des hommes : parce qu’ils s’occupent de l’argent, parce qu’ils peuvent embaucher quelqu’un et le licencier ensuite, parce qu’eux seuls remplissent des assemblées et sont élus au Congrès, tout le monde croit qu’ils ont du pouvoir. Or, les embauches et les licenciements, les achats de terres et les contrats de coupe, le processus complexe pour faire adopter un amendement constitutionnel – tout ça n’est qu’un écran de fumée. Ce n’est qu’un voile pour masquer la véritable impuissance des hommes dans l’existence. Ils contrôlent les lois, mais à bien y réfléchir, ils sont incapables de se contrôler eux-mêmes. Ils ont échoué à faire une analyse pertinente de leur propre esprit, et ce faisant, ils sont à la merci de leurs passions versatiles ; les hommes, bien plus que les femmes, sont mus par de mesquines jalousies et le désir de mesquines revanches. Parce qu’ils se complaisent dans leur pouvoir immense mais superficiel, les hommes n’ont jamais tenté de se connaître, contrairement aux femmes qui, du fait de l’adversité et de l’asservissement apparent, ont été forcées de comprendre le fonctionnement de leur cerveau et de leurs émotions. »

Michael McDowell, Blackwater I : La crue, 1983,
éd. Monsieur Toussaint Louverture, 2022.

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