Storytelling antimélenchoniste de trotskystes sourds comme LO

Contrairement au NPA, qui avait rejoint dignement (sur ses propres mots d’ordre) la marche citoyenne du 5 mai 2013 à Bastille, Lutte Ouvrière refuse systématiquement de militer aux côtés du Front de Gauche contre l’austérité et la dictature de la finance, pourtant imposées aux travailleurs (que LO prétend défendre) par la bourgeoisie (que LO prétend combattre). Au nom d’une stratégie présentée comme révolutionnaire (opposée au vilain réformisme), LO a donc choisi de rester en dehors de cet élan populaire de résistance inédit sous un gouvernement solférinien. C’est son droit, et fort heureusement, l’absence des forces militantes de LO n’a pas empêché la manifestation d’être un succès. Mais les attaques récurrentes du groupuscule trotskyste contre le Front de Gauche placent décidément les camarades de LO en position de tireurs dans le dos.

Nathalie Arthaud, la porte-parole de LO, a ainsi déclaré le 19 mai 2013, lors de la fête de son parti, que, une fois au gouvernement, « Jean-Luc Mélenchon serait une marionnette et un pantin comme les autres. Il ne pourrait rien faire face aux Mittal qui détiennent  le pouvoir… » Pourtant, le Front de Gauche avait exigé la nationalisation du site de Florange et Mélenchon n’avait pas eu de mots assez durs contre Mittal, affirmant qu’il n’était pas le bienvenu. Mais Nathalie Arthaud ne l’avait peut-être pas bien entendu. Un problème de surdité ? Il est vrai que pour LO, les mots de Mélenchon ne comptent pas, puisque « le mur de l’argent, la bourgeoisie et le grand patronat, ça ne se combat pas avec des mots ». Belle affirmation constituée de… 19 mots, 0 arme et 0 action concrète. Le 20 mars dernier, Jean-Luc Mélenchon était pourtant venu donner un coup de main aux grévistes de PSA à Aulnay. Il leur avait remis des chèques de soutien et avait pris la défense de Jean-Pierre Mercier, délégué CGT, attaqué par Montebourg pour son appartenance à LO. La camarade Arthaud n’a-t-elle pas discuté avec le camarade Mercier ? Ou bien est-elle vraiment sourde ?

Un autre membre de LO, qui n’est pas avare de « mots » sut Twitter sous le nom de @recriweb, expliquait aussi le 16 avril dernier sur son tumblr [edit : il ne faisait en fait que recopier une prose de LO dont il assure n’être pas lui-même l’auteur] :

« L’écœurement envers la politique de Hollande s’ajoute à la déception laissée par Mitterrand puis par Jospin. Tout cela contribue à la désorientation de la classe ouvrière et à la démoralisation de ses militants. »

Les manifestations de masse initiées par le Front de Gauche sont précisément de nature à enrayer cette « démoralisation », chaque démonstration de force réussie contribuant à remotiver les militants et à faire prendre conscience à la classe ouvrière de sa propre force. C’est en tout cas très clairement la stratégie prônée par Mélenchon. La marche du 5 mai, ainsi que les répliques à venir début juin, permettent aussi de réorienter l’écoeurement légitime envers la politique de Hollande vers un désir de résistance et de nouvelles revendications (comme celle d’une démocratie sociale dans le cadre d’une sixième République) plutôt que vers le désespoir et la démoralisation qui poussent à l’abstention ou au vote FN. Mais l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb ne voit rien de tout cela. Il s’en tient au storytelling véhiculé par les médias, nouveaux chiens de garde du capitalisme, brodant autour de l’histoire personnelle d’un Mélenchon qui serait le sombre héros d’une cynique guerre pour le pouvoir, digne des séries Dallas ou Game of thrones.

« Mélenchon avance de plus en plus un pied dans l’opposition, alors que le PCF, pensant à ses maires et à ses conseillers municipaux élus sur des listes d’union avec le PS, freine des deux pieds. »

Pour ceux qui n’auraient pas compris, le camarade @recriweb en remet une couche dans un autre article du 19 mai 2013 [edit : en fait, un copié/collé d’un article dont il affirme n’être pas non plus l’auteur] :

« La stratégie de Mélenchon est guidée par sa carrière. Il se pose en rival de Hollande et a intérêt à creuser, du haut de son verbe “cru et dru”, l’opposition avec la direction du PS. Le PCF, lui, tient à préserver les positions dans les niveaux intermédiaires de l’Etat (municipalités, conseils généraux, etc.) qu’il occupe, en général, en alliance avec le PS. La direction du PCF n’a pas envie de tirer les marrons du feu pour le seul Mélenchon. D’autant moins que ce sont ses militants qui font le gros du travail. »

L’auteur(e) du texte recopié par @recriweb, décidément adepte de la communication narrative, nous raconte là une histoire palpitante : celle d’une rivalité personnelle entre Hollande et Mélenchon. Je ne sais pas ce que notre camarade trotskyste penserait si ce procédé de storytelling était utilisé pour évoquer par exemple la « rivalité » entre Trotsky et Staline : apporterait-elle selon lui un éclairage suffisant pour analyser l’opposition idéologique entre ces deux personnages ? Le (ou la) camarade de LO est-il (ou elle) à ce point resté(e) sourd(e) à ce qui différencie politiquement Mélenchon de Hollande qu’il lui faille envisager celle-ci sous l’angle de la presse à sensations, avec un niveau d’analyse politique proche de zéro ? La vraie raison de leur opposition est que l’un, Hollande, défend de plus en plus ouvertement les intérêts des marchés, de la finance et de la bourgeoisie oligarchique, tandis que l’autre, Mélenchon, défend les intérêts du peuple, en s’appuyant sur les forces de la classe ouvrière conscientisée et de la petite bourgeoisie intellectuelle. Mais cette raison est inaudible pour l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb puisque, dans l’histoire qu’il (ou elle) nous raconte, Mélenchon s’est vu attribuer sans autre forme de procès le rôle de démagogue valet de la bourgeoisie.

Notre militant(e) de LO semble découvrir aussi que le PCF et le PG n’ont pas tout à fait le même passé, ni le même poids électoral, ni forcément les mêmes intérêts pour les prochaines élections municipales. Quel scoop ! Aurait-il (ou elle) un peu plus tendu l’oreille qu’il (ou elle) aurait entendu que le Front de Gauche n’est pas un parti ni une confédération mais un front composé de plusieurs partis et structures, ainsi d’ailleurs que d’électrons libres, rassemblés certes sur un programme et une stratégie, mais ayant aussi leurs propres intérêts.

A propos de la stratégie spécifique au PCF pour les municipales de 2014, l’analyse de l’auteur(e) du texte recopié par @reciweb ne s’élève pas, là non plus, au-dessus du storytelling médiatique de bas étage, et passe donc à côté de l’essentiel : si localement, le PCF a effectivement besoin de maintenir l’alliance avec le PS pour espérer sauver quelques sièges de maires et de conseillers municipaux, les militants communistes sont dans leur grande majorité partisans d’une opposition radicale à la politique d’austérité menée par Hollande, laquelle se répercute bien évidemment à l’échelle locale. L’auteur(e) du texte recopié par @recriweb le saurait s’il (ou elle) militait aux côtés des militants du PCF comme nous, militants du PG, le faisons au sein du Front de Gauche. Cela lui éviterait aussi de dire que les militants du PCF « font le gros du travail » : ils font leur part, ce qui est certes admirable, essentiel et indispensable, mais les militants du PG, particulièrement actifs (parmi lesquels beaucoup de jeunes), ainsi que ceux des autres composantes du Front de Gauche, mais aussi les non-encartés, ne sont pas en reste. Beaucoup de militants et même de cadres du PCF sont partisans de la constitution de listes autonomes du Front de Gauche aux municipales, et ceux-là même qui sont tentés par une alliance de circonstance avec le PS pour sauver les meubles localement savent aussi que leurs alliés solfériniens leur feront défaut à la première occasion. Nos camarades du PCF se souviennent par exemple comment le PS leur a planté des couteaux dans le dos en Seine-Saint-Denis et dans toutes les anciennes banlieues rouges, faisant tomber les uns après les autres les bastions communistes dans les années 1990 et 2000. Dans certaines municipalités, le choix du PCF pour les municipales est donc cornélien : perdre dignement avec le Front de Gauche des positions indispensables à la survie — notamment financière — du parti, mais aussi à la défense sur le plan local des travailleurs, ou sauver quelques sièges par une alliance contre-nature avec un PS méprisant et plombé par la politique antisociale du gouvernement. Personne à gauche ne devrait se gausser du dilemme dans lequel se retrouve le PCF. Le ton des responsables communistes à l’égard du gouvernement est donc moins cru et moins dru que celui de Mélenchon car, bien évidemment, ils ont beaucoup plus à perdre que le PG dans un affrontement brutal avec les Solfériniens. Pourquoi s’en étonner ? La position du PCF restera délicate tant qu’il aura encore des bastions à sauver et tant que le Front de Gauche n’aura pas ravi au parti solférinien le leadership à gauche. Si la bascule s’opère par exemple à la faveur des prochaines élections européennes, alors le PCF aura enfin plus à gagner qu’à perdre dans une opposition claire et nette au PS. Pour dire les choses autrement, nous vivons à la fois la continuation inexorable de la décomposition de la puissance municipale du PCF et l’essor nouveau d’un Front de Gauche qui n’a pas encore réussi à traduire sa force de proposition en conquêtes électorales. Mais une chose est sûre : le PCF n’a aucune chance de survivre durablement ni d’imposer une politique favorable aux travailleurs en s’alliant nationalement avec le PS ou en mettant fin brusquement au Front de Gauche. Pas question non plus de cautionner la politique austéritaire et antisociale du gouvernement actuel. Cela, les communistes le savent, et ils le disent, avec leurs propres mots, à qui veut l’entendre. Mais l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb, sourd(e) comme LO, ne veut sans doute pas l’entendre. Il préfère raconter, à l’unisson des nouveaux chiens de garde du capital, la torride histoire d’un « je t’aime moi non plus » entre le PCF et Mélenchon, traquant dans les propos des responsables communistes la moindre nuance ou différence de ton, sur des questions aussi essentielles que par exemple celle du « coup de balai » : l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb, dont la surdité semble sélective, a bien entendu par exemple que Pierre Laurent et d’autres cadres du PCF avaient tiqué sur cette expression, mais il n’a pas vu les nombreux militants communistes venus le 5 mai munis de balais. Dans son article du 19 mai, le (ou la) militant(e) de LO voit aussi dans l’appel du PCF à « un vaste débat populaire qui convergera le 16 juin vers des assises nationales pour une refondation sociale et démocratique de la République » un moyen de faire de la marche du 5 mai initiée par Mélenchon une « simple étape ». Dans ce roman psychologique, le PCF, vexé, s’emploierait donc à minimiser l’appel de Mélenchon… en l’amplifiant et en le prolongeant ! L’histoire racontée par les médiacrates et par l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb devient décidément une farce. Et pendant ce temps, LO ne voit pas que PCF comme PG, avec le Front de Gauche, s’emploient à susciter et à entretenir l’élan populaire sans lequel aucune remise en cause de l’ordre établi n’est possible.

Maîtrisant décidément aussi bien le Mélenchon-bashing qu’un éditocrate de la presse bourgeoise, LO aborde aussi dans l’article recopié par @recriweb le 19 mai un point censé être rédhibitoire : Mélenchon, qualifié en passant de « démagogue », serait prêt à « postuler » au poste de 1er ministre à la tête de la majorité actuelle dont il condamne pourtant la politique. Voilà qui le placerait au même rang de soumission à la bourgeoisie que le PCF dont l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb avait pourtant essayé de nous démontrer qu’il n’était pas d’accord avec Mélenchon. Le scénario de ce storytelling commence à être un peu embrouillé, comme souvent dans les séries qui se sont attachées à une idée mais qui ne savent plus trop comment broder autour après l’avoir usée jusqu’à la corde pendant plusieurs saisons. L’idée est de montrer que Mélenchon le démagogue serait en train d’entourlouper son monde par une « escroquerie » à grands coups « d’illusions ». Mais l’exemple donné tombe à plat. L’auteur(e) du texte recopié par @recriweb essaie de faire croire que Mélenchon dissimulerait une volonté de gouverner avec le PS pour poursuivre la même politique que celle qu’il dénonce aujourd’hui. C’est d’autant plus idiot que Mélenchon ne fait absolument aucun mystère de sa stratégie (il faut juste ne pas être sourd comme LO pour l’entendre) : il veut provoquer une recomposition de la majorité élue en 2012 en poussant l’aile gauche du PS et EELV à basculer dans une opposition ouverte à la politique austéritaire et antisociale qui entretient et aggrave la crise. Alors une majorité alternative serait possible avec le Front de Gauche, et pourrait sans attendre 2017 rompre avec la politique libérale de Hollande, qui n’aurait du coup d’autre choix que de cohabiter avec la gauche anti-austéritaire ou de dissoudre l’Assemblée nationale. Le 5 mai, Eva Joly et quelques militants écologistes ont fait un premier pas. Aucun cadre du PS n’en a pour l’instant eu le courage, ce qui ne veut pas dire que tous acceptent de bon gré la politique actuelle. Il se trouve juste que beaucoup d’entre eux sont des bureaucrates que le parti solférinien fait vivre et que d’autres gardent l’espoir que leur parti, une fois la croissance revenue (ce qui n’arrivera pas) reprendra une politique de gauche (ce qui n’arrivera pas non plus). Mais l’aggravation de la situation sociale (annoncée de longue date par Mélenchon) et la dissipation des illusions à propos de Hollande pourraient malgré tout en pousser certains à basculer dans les mois qui viennent, surtout après une éventuelle déroute électorale du PS en 2014.

Dans l’article recopié le 16 avril par @recriweb, on pouvait lire aussi :

« En se plaçant de plus en plus dans l’opposition par rapport à Hollande et au gouvernement socialiste, Mélenchon espère profiter du discrédit du PS. Ce en quoi il se trompe probablement. Dans le contexte de recul réactionnaire de la vie politique, c’est le FN surtout qui tire profit de ce discrédit. Plus, en tout cas, que le Parti de gauche. »

On ne peut évidemment que constater (et déplorer) que le FN « profite » plus, électoralement, du discrédit du PS que le PG (et que LO aussi, soit dit en passant). C’est tout simplement que le FN existe depuis plus de 40 ans alors que le Parti de Gauche existe depuis à peine plus de 4 ans. En se contentant d’énoncer ce fait, l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb ne fait que relayer la célébration du « succès » du FN par les médias, ce qui participe à sa dédiabolisation (le storytelling jouant à plein aussi en faveur de Marine Lepen, présentée systématiquement comme moins extrémiste que son père et comme plus proche du peuple — ce qui n’est évidemment qu’une fiction — tandis que Mélenchon, lui, est systématiquement présenté comme un extrémiste « tonitruant »). L’extrême droitisation de la vie politique française a pourtant été analysée par Mélenchon depuis fort longtemps, et c’est donc en toute cohérence que le PG, avec l’ensemble du Front de Gauche, combat l’assignation médiatique de l’électorat populaire au vote FN. Si la progression du FN est restée modeste par rapport à son précédent pic de 2002, celle du Front de Gauche depuis sa création en 2009 est spectaculaire. L’auteur(e) du texte recopié par @recriweb, toujours sourd(e) comme LO, n’en a-t-il donc pas entendu parler ? Certes, cela n’a pas suffi à devancer le FN en 2012, mais le combat continue.

« Utiliser un langage pseudo-radical, en outre teinté de nationalisme antiallemand, ou brandir l’idée d’une sixième République, ne suffit pas pour lui attirer la sympathie des classes populaires. D’autant moins que Mélenchon comme le Front de gauche dans son ensemble, PCF compris, ont contribué à apporter du crédit à Hollande et ont participé à son élection. »

Je ne vois pas en quoi le langage de Mélenchon serait plus « pseudo-radical » que celui de LO qui prône textuellement la révolution sans jamais brandir les armes pour la faire mais qui ne s’associe même pas aux mouvements de masse sans lesquels une révolution ne peut commencer.

Je ne vois pas en quoi la critique de la politique de Merkel faite par Mélenchon serait « teintée de nationalisme antiallemand ». L’auteur(e) du texte recopié par @recriweb ne sait-il (ou elle) donc pas que le Parti de Gauche, qui est internationaliste, s’est inspiré lors de sa création du parti allemand Die Linke ? N’a-t-il pas entendu parler de la déclaration commune d’Oskar Lafontaine et de Jean-Luc Mélenchon le 20 novembre 2012 ? Sourd(e) comme LO, il (ou elle) sombre décidément dans le Mélenchon-bashing très en vogue dans les médias bourgeois et dans les cercles solfériniens. Si préférer Oskar Lafontaine à Angela Merkel est antiallemand, alors les Allemands de gauche sont antiallemands. Cette attaque est imbécile et ridicule.

Je ne vois pas en quoi les classes populaires n’auraient aucune « sympathie » pour l’idée de Sixième République. La réussite de la marche du 5 mai, qui a réuni plusieurs milliers de personnes (bien au-delà des 30000 bizarrement annoncées par la préfecture sur ordre de Valls, et bien au-delà aussi du nombre de participants à la fête de LO), y compris de nombreux syndicalistes en lutte (comme les Fralib), est la preuve cinglante du contraire. A moins que LO ne considère que ces derniers ne font pas partie de la classe ouvrière ? Bien sûr, ce n’est pas encore 1936 ou 1968, mais la mobilisation du 5 mai et l’accueil reçu par les militants du Front de Gauche lors des tractages durant les jours qui ont précédé montrent qu’il y a bel et bien un élan de sympathie pour cette idée pourtant compliquée (donc anti-démagogique) de Sixième République.

Enfin, je ne vois pas en quoi faire battre Sarkozy et obliger Hollande à gauchir son discours pour l’emporter de justesse en 2012 auraient contribué à apporter du « crédit » à ce dernier. Il avait la possibilité de s’appuyer sur les 4 millions de voix du Front de Gauche pour tenter une politique au moins sociale-démocrate. Au contraire, il perpétue délibérément la même politique que Sarkozy sans même pouvoir s’abriter derrière le prétexte d’un rapport de force défavorable. De son côté, les responsables du Front de Gauche, y compris du PCF, ont fait mentir le storytelling des médiacrates qui prévoyaient un ralliement au gouvernement solférinien et ont continué à en contester la politique antisociale.

« Ni Mélenchon ni le PCF n’ont cherché à éclairer l’électorat populaire. Ils n’ont pas voulu dire que c’est le grand patronat, les puissances de l’argent qui sont les maîtres de cette société et que les hommes politiques, si haut placés qu’ils soient, ne peuvent pas mener une autre politique que celle ordonnée par les maîtres. Ils n’ont pas voulu dissiper l’illusion qu’un changement à la tête de l’État, ou une autre majorité, pouvait changer le rapport de force entre le grand patronat et la classe ouvrière.

Mélenchon ne l’a pas dit, et ne pouvait pas le dire, parce que tout son jeu politique consiste à offrir ses services à la classe dominante avec comme argument de vente qu’il peut prendre le relais d’un Hollande discrédité pour continuer, avec plus d’efficacité, à entretenir les mêmes illusions. »

L’auteur(e) du texte recopié par @recriweb profère là un mensonge pur et simple, ne reculant devant aucune calomnie (Mélenchon accusé sans l’ombre d’un argument « d’offrir ses services à la classe dominante »). Le Front de Gauche n’a eu de cesse, depuis sa création, de former des assemblées citoyennes, de promouvoir l’éducation populaire. Pas un discours, pas un texte, qui ne dénonce l’oligarchie du grand patronat et des puissances de l’argent. Pour changer le rapport de force entre le grand patronat et la classe ouvrière, il faut une forte mobilisation des travailleurs et une vraie démocratie sociale, au sein même de l’entreprise, dans le cadre d’une Sixième République vraiment égalitaire. C’est ce que ne cessent de répéter les représentants du Front de Gauche. Il faut vraiment être sourd comme LO pour ne pas l’avoir entendu.

« Et ce n’est pas faire un procès d’intention à l’homme, bien que sa carrière politique d’ancien ministre témoigne de son véritable engagement. A-t-il pu changer ? Mais, même dans ses propos d’opposition les plus tonitruants, il ne met jamais en question le système capitaliste, il ne met jamais en cause l’ordre social basé sur l’exploitation. »

L’accusation de l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb sur la carrière d’ancien ministre de Mélenchon est grotesque. Celui-ci a été durant deux ans ministre de l’enseignement professionnel, de 2000 à 2002. Quelle mesure du ministre Mélenchon en faveur des lycées professionnels a-t-elle donc été contraire aux intérêts des travailleurs ? En évoquant des propos « tonitruants », l’auteur(e) du texte recopié par @recriweb répète encore comme un perroquet les éléments de langage de la presse capitaliste. C’est peut-être pourquoi il (ou elle) n’a jamais réussi à entendre Mélenchon remettre en question le système capitaliste ni l’ordre social basé sur l’exploitation. Il (ou elle) n’a donc pas entendu que Mélenchon, candidat soutenu notamment par la fraction du NPA appelée Gauche Anticapitaliste, avait prôné la planification écologique, la nationalisation de certains grands groupes, la reprise d’entreprises par les travailleurs sous forme de coopératives… Il (ou elle) n’a pas entendu non plus que la plateforme adoptée lors du dernier congrès du PG mentionnait que « le capitalisme porte en lui l’oligarchie, c’est-à-dire le pouvoir d’un petit nombre sur tous les autres », et que, face au capitalisme, « la bifurcation qu’il faut opérer avec le modèle de développement actuel implique un changement des normes dominantes de la société, une transformation des rapports de propriété, une refondation des institutions visant l’exercice effectif de la souveraineté par le peuple. Il s’agit donc d’une révolution ». Cela, non, le (ou la) camarade de LO n’a pas dû l’entendre.

Sourd comme LO, décidément.

Bernard Maris, un éditorialiste nombriliste et anti-Mélenchon

Dans son éditorial de page 2 de Charlie Hebdo du 7 mai 2013, Bernard Maris s’interroge : « Déçu du hollandisme ou du mélenchonisme ? »

« Suis-je déçu de François Hollande ? Oui », révèle-t-il d’emblée. Et d’énumérer les raisons plus ou moins comico-farfelues de sa déception. Il eût notamment aimé :

« (…) qu’il [Hollande] dît à tous ces journalistes qui lui crachent dessus depuis un an : “ tas de blaireaux minables à la ramasse, dépassés par Internet, twitters grotesques, incultes du bonnet, renifleurs de bidet, fouille-poubelles à papier, mangeurs dans la main des puissants, jaloux du pouvoir, fricoteurs des dîners en ville qui ne savent même pas tenir une fourchette… ”, autrement dit qu’il fît du Mélenchon ».

La critique des médias faite par Mélenchon, pour acérée qu’elle soit, passe pourtant par des expressions nettement moins outrancières que celles employées ici par Maris qui fait proférer à un Hollande imaginairement mélenchonisé (de façon pour le moins caricaturale) les insultes céliniennes qu’il n’ose sans doute pas adresser à ses confrères de France-Inter, I-télé ou France 5 (où notre économiste a ses entrées). Rappelons aussi que si Mélenchon s’est laissé aller naguère à traiter par exemple David Pujadas de « salaud » ou de « larbin », c’était en relation avec la manière violente et insultante dont il avait interviewé le syndicaliste Xavier Matthieu (revoir la scène dans le film Fin de concessions de Pierre Carles). Les attaques de Mélenchon contre la presse ne sont pas gratuites. Elles répondent à des actes ou des faits précis et ne relèvent pas simplement du caractère particulier d’un homme, particulier en cela qu’il aurait l’audace de dire tout haut ce que Maris ou un Hollande fantasmé pensent tout bas.

Mais l’éditorialiste de Charlie Hebdo ne se contente pas de caricaturer hâtivement. Il attaque :

« Mélenchon parle avec une voix déguisée. Trop de violence. Trop d’indignation. Qui pouvait croire que le père François fût un socialiste à la Baboeuf, Guesde, Leroux ou Marx ? Tout ce que dit Méluche n’est pas faux, mais sa voix est imperceptiblement fausse. Il lui manque juste le demi-ton, le dièse ou le bémol qui rendrait juste la partition de sa colère contre Hollande, assimilé à Guy Mollet. »

Bernard Maris, dont les écrits — on vient d’en donner un exemple — ne répugnent pas à l’outrance, relaie donc à présent sans autre forme de procès les lieux communs des médiacrates sur la « violence » de Mélenchon, dont il ne faut jamais dire qu’il analyse, qu’il explique, qu’il propose, mais toujours qu’il « vocifère » et tient des propos « tonitruants », « populistes », et « extrêmes ». Maris qui a tant chié sur les économistes et sur les imbéciles politiques néolibérales a désormais des pudeurs qui, pour le coup, sonnent plutôt faux. Qui pouvait croire en effet qu’Hollande fût un vrai socialiste ? Bernard Maris, peut-être, mais certainement pas Mélenchon qui s’est opposé au sein même du PS à l’orientation libérale prônée par Hollande dès les années 80 et qui a fini par quitter le parti solférinien lorsqu’il a estimé qu’il n’était plus possible de le faire redevenir ne serait-ce qu’un peu socialiste. Lorsque Mélenchon a appelé à voter Hollande au second tour des élections présidentielles, c’était pour faire battre Sarkozy. Il n’a jamais laissé croire qu’Hollande appliquerait le programme du Front de Gauche (ce programme que Bernard Maris avait d’ailleurs reconnu en pleine campagne électorale n’avoir pas lu !*). Il n’a jamais fait mine de croire qu’Hollande serait autre chose qu’un « capitaine de pédalo » au milieu de la tempête. Mais il s’adresse aussi à un peuple de gauche qui a pu croire un instant que « le changement » c’était « maintenant », et qu’il s’agit désormais de ne pas laisser sombrer dans le désespoir et la résignation. Il rappelle également à chacune de ses interventions qu’Hollande n’a dû son élection qu’au bon report des 4 millions de voix qui s’étaient portées sur Mélenchon au 1er tour, ce qui aurait dû, dans une démocratie moins dégradée, obliger le vainqueur à quelques concessions. Déplorer qu’il n’en ait fait aucune est donc la moindre des choses.

Dans le même éditorial, Maris assène aussi :

« François Hollande n’a pas pris le chemin le plus facile. Parions qu’il suivra paisiblement sa normalité sociale-démocrate, ce que toute la presse feint d’ignorer, et ce que Mélenchon feint de découvrir. »

Ses confrères de la presse dépeignent systématiquement un Mélenchon « violent » ou « extrêmiste » quand ils ne vont pas, tel l’euro-béat Quatremer jusqu’à le traiter de stalinien, voire d’antisémite. Bernard Maris, pour ne pas rester en reste, n’a donc plus qu’à jeter le discrédit sur le discours de Mélenchon en l’accusant de « feindre » et de parler « faux ». En revanche, l’économiste de Charlie Hebdo, élu en 1995 « meilleur économiste de l’année » par Le Nouvel Economiste n’a pas consacré un seul éditorial au programme L’Humain d’abord ni au manifeste pour l’écosocialisme ni encore au contre-budget du Parti de Gauche défendus par Mélenchon. Aucune analyse. Pas même une critique. Aucune controverse non plus avec Jacques Généreux, aucune réplique à son livre Nous, on peut ! préfacé par Mélenchon. Aucune polémique non plus avec les économistes atterrés, ni avec Frédéric Lordon qui ont plusieurs fois soutenu les initiatives de Mélenchon (jusqu’au coup de balai du 5 mai dernier à la Bastille rejeté déjà par Maris dans un des précédents numéros de Charlie Hebdo*). Rien sur le fond. De l’écume. Discussion de comptoir pour commenter en surface, et au premier degré, la propagande de ce que feu le journal Le Plan B appelait le PPA (Parti de la Presse et de l’Argent).

Pourtant, Bernard Maris, chantre de l’écologie, de l’altermondialisme et de la décroissance, n’est pas le dernier à fustiger l’Europe austéritaire façon Merkel. Il signe par exemple dans le même numéro de Charlie Hebdo (sous son sobriquet d’Oncle Bernard) un autre édito titré « Harpagon tue l’Europe » dans lequel on peut lire :

« En fait, les créanciers, les riches essentiellement, bénéficient de la crise des dettes souveraines et des taux astronomiques demandés aux Etats et payés par les salariés. Qui a vraiment envie que ça s’arrête ? Pour que ça s’arrête, il faudrait mutualiser les dettes. Il faudrait donc que la BCE devienne une banque normale. Il faudrait aussi une politique industrielle (la constitution d’une communauté européenne de l’environnement, de l’énergie et de la recherche par exemple). Autrement dit, il faudrait sortir d’une économie de rente pour entrer dans une économie de production, et si possible de production de valeur d’usage ».

Ce qu’il « faudrait » faire, en somme, selon Oncle Bernard, c’est finalement appliquer la politique préconisée par Mélenchon : mettre en place la planification écologique et oser résister à l’Allemagne (« pays de vieux rentiers qui ne voient que le bout de leur magot »), notamment pour changer le statut de la BCE. Mais lorsque c’est Mélenchon qui le propose en expliquant comment faire, c’est « trop violent » et « déguisé », alors qu’assené sur le mode « faut qu’on, y a qu’à » par Oncle Bernard dans un journal satirique, c’est sans doute bien plus pertinent.

Il faut dire que ce brave Oncle Bernard souffre visiblement d’un syndrome fort répandu chez ses confrères journalistes : le nombrilisme. Il a compris, lui, que l’austérité menait l’Europe à sa perte, et cela lui permet par exemple d’animer le spectacle radiophonique sur France Inter en donnant courtoisement la réplique au très libéral Dominique Seux, par ailleurs rédacteur en chef des Echos. Mais qu’un Mélenchon fasse le même constat et en tire des conséquences politiques concrètes, voilà qui dépasse l’entendement du médiacrate contemplatif qu’est décidément devenu Bernard Maris. Triste destin pour un soixante-huitard grand lecteur de Guy Debord ! Dans sa charge anti-Mélenchon, il ne manque d’ailleurs pas — quelle ironie ! — de citer aussi Baudrillard : « Et ceci est la fatalité du politique actuel, que partout celui qui mise sur le spectacle périra par le spectacle », et de conclure : « Gaffe au spectacle, Jean-Luc, gaffe… » Mais qui donc, cher Oncle Nanard, mise vraiment sur le spectacle : le médiacrate qui travaille au spectacle de la fin du monde ou le politique qui travaille à la fin du monde du spectacle ?

Bernard Maris n’est malheureusement pas le premier gauchiste à finir en contestataire professionnel au service du spectacle, et il ne sera pas le dernier. On peut même admettre que son rôle d’économiste antilibéral de service sur les plateaux télé et radio puisse contribuer à apporter tout de même un autre son de cloche là où la doxa néolibérale règne habituellement sans partage. Mais hélas Bernard Maris va plus loin et dévoile ses vraies batteries lorsqu’à propos de Hollande, il écrit :

« Que lui demander de plus qu’un cheminement social-démocrate et une récupération lente, patiente du pouvoir sur la finance ? (…) Ayant choisi d’être normal pour une fonction anormale dans un pays d’anormaux, François Hollande n’a pas pris le chemin le plus facile. (…) François Hollande parle son propre langage, et c’est tant mieux. »

Et aussi :

« Lutter contre la finance par le Grand Soir ? Nuit du 4 août des créanciers, nos modernes aristos ? Quelle serait la marge de manoeuvre du Premier ministre Mélenchon, à part faire une politique généreuse de la mer — et c’est déjà beaucoup ? Sur quel pétrole s’appuirait-il pour mener une politique autonome, à la Chavez ? Langue au chat. »

Ainsi donc Bernard Maris, qui n’a sans doute toujours pas lu le programme du Front de Gauche, fait comme si Mélenchon n’avait jamais expliqué comment il comptait justement dégager des « marges de manoeuvre ». Tout cela est trop loin de son nombril pour avoir à ses yeux une quelconque réalité. Mais surtout il fait l’aveu de son propre renoncement et de son ralliement — malgré son image d’économiste keynésien de gauche — au credo néolibéral : TINA (There Is No Alternative). Pas d’alternative, pas de « marges de manoeuvre » pour faire une autre politique que celle que mène ce brave François Hollande en bon « social-démocrate » qu’il n’est d’ailleurs même plus (d’où le terme plus adéquat de « solférinien » employé désormais par le Parti de Gauche) : une « récupération lente, patiente du pouvoir sur la finance », tellement lente et patiente qu’elle passe par une soumission totale (sans aucune renégociation) au pouvoir de la finance, par une mise au pas du parlement au service du Medef, par une renonciation à presque toutes les mesures de gauche symboliques pourtant rares que le candidat Hollande avait promises (droit de vote des étrangers, amnistie sociale…). « Ne jamais parler avec une voix déguisée », a le culot de recommander Bernard Maris, conseiller général de la Banque de France (depuis sa nomination par le président solférinien du sénat le 21 décembre 2011), pas tant déçu que ça du hollandisme, avec la voix d’Oncle Bernard, virulent anarcho-écologiste pro-situ, déçu du mélenchonisme (dont il n’a entendu parler peut-être que par son compère de France Inter Dominique Seux ?). Parole de ventriloque assis qui n’a pas dû donner de la voix (même déguisée) dans une manif depuis belle lurette.

* Charlie Hebdo n’archivant pas l’intégralité de ses anciens articles sur internet, et l’auteur de ce billet ne conservant pas les quelques exemplaires papier qui lui passent sous la main (et n’ayant pas le loisir d’aller retrouver ses sources ailleurs que dans sa mémoire), le lecteur scrupuleux ou méfiant est invité à faire lui-même les vérifications d’usage en allant consulter les éditoriaux de Bernard Maris d’avril 2013 et des premiers mois de l’année 2012 et à nous transmettre le résultat de ses recherches.

Le Canard enchaîné caquette avec les chiens de garde

Le week-end dernier, lors du congrès du Parti de Gauche, François Delapierre et Jean-Luc Mélenchon ont déclenché les foudres de l’ex-presse et du Parti Solférinien pour avoir osé affirmer que le ministre Pierre Moscovici, ne pensant plus « en français » mais « dans la langue de la finance internationale » faisait partie des « 17 salopards » qui se sont donnés pour mission de rançonner le peuple chypriote. Sous prétexte d’une mauvaise retranscription de l’AFP qui avait oublié le « en » de « en français », les chiens de garde du PPA (Parti de la Presse et de l’Argent) comme Jean Quatremer ou Jean-Michel Apathie ont aussitôt aboyé, suivis par le gratin du Parti Solférinien (Désir, Attali…), relayés ensuite par les réseaux antisociaux et les prospectus publicitaires qui portent encore étrangement le nom de journaux (Libération, Le Point, etc.). De « relents des années 30 » en « propos dignes de Gringoire », tout ce beau monde tenait désormais de quoi salir Mélenchon de l’accusation suprême : celle d’antisémitisme.

Quelle ne fut pas ma surprise de constater pas plus tard qu’hier qu’un célèbre « journal satirique paraissant le mercredi » faisait lui aussi partie de la meute. En première page du numéro du 27 mars 2013, dans un article signé J.-M. Th., soit Jean-Michel Thénard, Le Canard enchaîné aboit en effet comme un vulgaire Quatremer :

« Non, Jean-Luc Mélenchon n’est pas antisémite. La preuve, il ne savait pas que Pierre Moscovici était juif. Ce n’est pas parce qu’il a fréquenté pendant trente ans les dirigeants du PS qu’il est tenu de connaître la religion de tous ses membres, nom de Dieu ! »

Les lecteurs habitués aux antiphrases du Canard auront compris que Thénard ne croit pas du tout que Mélenchon ait pu ignorer que Moscovici fût juif, et qu’il n’y a donc finalement pour lui pas de preuve que Méluche ne soit pas antisémite. CQFD. Sous l’humour pas drôle, la diffamation de bas étage. Monsieur Thénard serait-il le genre de mec qui passe son temps à se demander quelle est la religion ou l’origine communautaire de chacun de ses collègues ? De même qu’Harlem Désir a fait tout seul l’amalgame entre « juif » et « finance internationale » pour pouvoir calomnier Mélenchon, Thénard ne fait que projeter sur les autres ses propres obsessions. Pour ma part, si on m’avait posé la question, je crois que j’aurais répondu bêtement sans réfléchir que Moscovici était peut-être corse, ou d’origine italienne. Et je dois avouer que parmi mes camarades de comité du PG, je sais juste que l’un est catholique et deux autres musulmans (encore que je ne sache pas s’ils sont vraiment pratiquants), mais que je ne sais pas du tout si les autres sont juifs, athées, bouddhistes, protestants, agnostiques… Car tout simplement, dans un parti politique de gauche et laïque, la religion en tant que pratique personnelle privée, n’est pas un sujet fréquent de conversation. Pour tout dire, on s’en fout, de la religion des uns et des autres.

J.-M. Th. compare ensuite la version tronquée de l’AFP et la vraie phrase de Mélenchon pour ironiser sur la « nuance » :

« Dans un cas, ça frise l’antisémitisme. Dans l’autre c’est politiquement correct. »

La suite de l’article laisse entendre qu’en fait, ça friserait plutôt dans tous les cas l’antisémitisme :

« C’est le paradoxe, avec le patron [sic] du Front de gauche : plus il cannonne les socialistes, plus il faut peser au millimètre ses propos. Une préposition oubliée dans une de ses phrases et voilà l’ancien ministre de Jospin qui passe de l’extrême gauche à l’extrême droite. Plus il est simpliste, moins les choses sont simples. C’est dire s’il faut le prendre désormais avec des pincettes. »

Harlem Désir lui-même n’aurait pas rêvé plus fielleuse insinuation. Pourtant, n’importe quel esprit sensé peut voir que même sans la préposition « en », la phrase de Mélenchon n’avait rien d’antisémite : un Moscovici « qui ne pense pas français, qui pense finance internationale », cela aurait simplement désigné le fait que Moscovici ne défend pas les intérêts du peuple français mais ceux de la finance internationale, ce qui est objectivement le cas dès lors que sa politique est dictée par les marchés, et on peut en dire assurément autant d’un Cahuzac ou d’un Cazeneuve qui ne sont peut-être pas juifs, eux (je l’espère pour ma démonstration — sinon, remplacez par un autre Solférinien parpaillot ou catho certifié). Contrairement à ce qu’assène Thénard, Mélenchon, qui n’est déjà pas d’extrême gauche (pour la vraie extrême gauche, il n’est qu’un vil réformiste), ne passe donc en rien à l’extrême droite par simple oubli d’une préposition. Son discours n’est pas « simpliste » : il est clair. Et s’il faut prendre quelque chose « avec des pincettes », désormais, ce n’est certainement pas Mélenchon mais bien plutôt Le Canard enchaîné thénardié.

« Le paradoxe est révélateur de cette dérive qui amène le Franc-Comtois à jouer sur les marges avec un vocabulaire qui emprunte de moins en moins à la gauche. Et de plus en plus ailleurs. Il braconne, Mélenchon. Et il déconne. »

Et voilà comment le palmipède qui nargua naguère de Gaulle et fit bouffer ses diamants à Giscard devient un organe de la propagande solférinienne, qui n’a eu de cesse depuis la candidature de Mélenchon à la présidentielle de le comparer à Lepen. Si critiquer la finance internationale est emprunter au vocabulaire de l’extrême droite, alors il n’y a tout simplement plus de gauche. Ou être de gauche, c’est être d’extrême-droite, donc soyons centristes libéraux. C’est sans doute ce que veut montrer notre canard de garde.

Plus loin, Thénard en remet une couche contre Delapierre, cette fois, accusé lui aussi de déconner avec sa phrase sur les « 17 salopards ». Il faut croire que Thénard, ancien de Libé et ami de Carla Bruni, selon le blog Lucky, n’est pas cinéphile, ou bien qu’il aime rançonner les Chypriotes. Lui qui accuse Mélenchon de « parler con » peut désormais être rangé dans la catégorie des connards enchaînés.

 

Homophobie partout, égalité nulle part

Mardi 12 février 2013, l’Assemblée Nationale votait à une large majorité le texte relatif au « mariage pour tous », qui devrait autoriser les personnes de même sexe à se marier. A moins d’un coup de théâtre au sénat ou au conseil constitutionnel, l’affaire est donc classée. Encore que… Malgré la détermination, la dignité et l’éloquence de Christiane Taubira, les hésitations de François Hollande ainsi que les cafouillages gouvernementaux auront permis au débat de s’éterniser, laissant la droite réactionnaire la plus bête du monde tenir le haut du pavé. Du coup, l’accès à la PMA pour tous et l’encadrement de la GPA sont repoussés sine die, malgré le courage de la députée Marie-George Buffet qui s’est retrouvée bien isolée, même au sein de son propre groupe. La réelle avancée en terme d’égalité des droits que constitue le mariage pour tous reste donc bien limitée. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que ces trop longs mois de débat auront permis à l’homophobie la plus ignoble de s’exprimer ouvertement, y compris dans les rangs de la gauche, sous prétexte notamment que le mariage « homo » n’intéresserait pas le peuple et ne serait qu’une « diversion » pour faire oublier les « vraies » questions, c’est-à-dire les questions sociales. S’il est vrai qu’on peut suspecter à bon droit le gouvernement PS de préférer mettre l’accent sur les questions sociétales qui ne coûtent rien plutôt que sur sa trop évidente reddition à l’ordre austéritaire, force est de constater que ce gouvernement aura été très timoré même sur le terrain des moeurs, et que ce débat-là n’aura en rien masqué l’ampleur du désastre social dans lequel la soumission aux marchés plonge le pays. D’ailleurs, le jour-même de l’adoption de la loi sur le mariage pour tous par l’Assemblée nationale, les écoles étaient bloquées par une grève massive, et nombre d’ouvriers étaient en lutte contre les plans sociaux (Goodyear, Florange, Sanofi), preuve s’il en était besoin qu’une mobilisation ne se fait jamais au détriment d’une autre, mais qu’au contraire la lutte pour l’égalité ne peut que se renforcer d’être menée de front sur tous les aspects. Mais certains ne veulent décidément pas le comprendre…

L’homophobie tendance trostkarde

Un exemple révélateur est Ilan Simon. Militant trotskyste de l’ARS-combat (qui l’a désavoué par la suite, mais qui avait déjà procédé à des amalgames foireux entre adoption, PMA, et marchandisation), il est allé jusqu’à envoyer une lettre de soutien à l’extrémiste de droite Frigide Barjot. Sous couvert de références à Freud, Marx, Lénine et Trotsky, il s’y montre parfaitement réactionnaire, citant par exemple sans rire le texte confus de son groupuscule :

« (…) Il faut affirmer, face aux furies d’un égalitarisme caricatural et borné, que ce n’est pas être homophobe que de poser la question, à notre tour, de l’impact psychologique et affectif sur l’enfant élevé par un couple homosexuel. Car si la famille a toujours évolué, il n’y a jamais eu à notre connaissance de familles constituées de membres d’un seul et même sexe. D’autre part, nous ne pouvons ignorer les nombreuses études qui ont démontré l’impact négatif de l’absence du père sur le développement de l’enfant. »

Pourtant, poser cette « question » est bel et bien homophobe. Car quoi que puissent en penser Ilan Simon et l’ARS-Combat, les enfants de couples homosexuels existent déjà. Pourquoi Ilan Simon et son parti ne se posent-ils pas plutôt la question de « l’impact psychologique » que peut avoir sur des enfants élevés par un couple homosexuel le fait qu’un de ses parents ne puisse être reconnu comme tel ? La posture révolutionnaire masque ici bien mal le paternalisme et l’homophobie.

C’est arrivé près de chez nous

Plus inquiétant encore, ce livre de Stella Magliani-Belkacem et Félix Boggio Ewanjé-Epée : Les féministes blanches et l’empire (voir le texte intégral du chapitre V diffusé par Rue 89). Inquiétant par la thèse qu’il véhicule, mais aussi et surtout parce que publié aux éditions La Fabrique d’Eric Hazan (qu’on a connu mieux inspiré), dont Stella Magliani-Belkacem est secrétaire d’édition (elle était même intervenue à l’université d’été du Front de Gauche en 2012 pour s’exprimer sur « l’anti-racisme et le mutliculturalisme »). Dans une interview donnée à Robin d’Angelo pour Street Press et reprise sur Rue 89, les deux auteurs s’opposent selon l’interviewer à « un discours d’inscription des droits sexuels qui institutionnalise l’homosexualité telle qu’elle est définie en Occident », dénonçant « la tentative de faire de l’homosexualité une identité universelle qui serait partagée par tous les peuples et toutes les populations ». Le livre est dédicacé à Houria Bouteldja, du Parti des Indigènes de la République (PIR), et même si Stella Magliani-Belkacem a cru bon ensuite de préciser qu’elle avait été mal lue et qu’elle n’était pas membre de ce mouvement, la convergence d’idées est notable, particulièrement dans la tentative commune (et s’appuyant sur les mêmes références, par exemple à Joseph Massad) d’opposer « identité homosexuelle » occidentale et pratiques homo-érotiques dans le monde arabo-musulman précolonial. Soit dit en passant, cela donne surtout envie de leur répondre : « ah ouais, et alors ? »

Extrait du livre :

« Comme dans le cas du féminisme, la réaction contemporaine n’a eu de cesse ces dernières années de faire des non-Blancs la première menace contre les « homosexuels ». Du « jeune de banlieue » viriliste et macho jusqu’aux musulmans « intégristes », les hommes noirs et arabes, mais aussi les cultures non occidentales – en particulier islamique – sont représentés comme une force majeure de la domination hétérosexiste contemporaine. Comme on l’a souvent rappelé, cette manœuvre n’est là que pour dédouaner la France blanche de son homophobie, de sa lesbophobie et de sa transphobie structurelles, inscrites dans la législation, les dispositifs scolaires et médicaux ou encore les politiques d’accès aux soins. »

Il y a là (comme souvent chez les Indigènes de la République) une forme de pensée paranoïaque qui ne veut comprendre le monde que par l’unique prisme de l’impérialisme, du colonialisme, du racisme ou de l’islamophobie. La revendication d’étendre le droit au mariage aux couples homosexuels, pourtant, pointait bien une discrimination inscrite dans la législation française et non dans des moeurs orientales ou exotiques en vigueur outre-périphérique. Les organisations et les partis qui ont porté cette revendication et ont obtenu son inscription dans la loi par l’Assemblée nationale dépassent de loin le cadre du seul mouvement LGBT, et cette revendication ne nuit décidément en rien au monde arabo-musulman ni aux pratiques qui s’y dérouleraient de préférence en secret. S’il est vrai que la lutte contre l’homophobie en banlieue ou dans certains pays musulmans peut très bien être récupérée par des islamophobes patentés (FN, « identitaires »… prêts à récupérer jusqu’à l’idée de laïcité), cela ne signifie pas que toute dénonciation de l’homophobie en banlieue ou en terre d’Islam soit condamnée à prendre un caractère islamophobe. L’homophobie et la misogynie sont de tristes réalités de certains quartiers (qui n’en ont pas non plus le monopole) : la femme non-voilée se promenant seule ou l’homme soupçonnable d’être un pédé y reçoivent aisément insultes ou crachats, si ce n’est pire. Ce n’est pas parce qu’un jeune « non-blanc » de banlieue est victime de racisme qu’il est immunisé lui-même contre cette autre forme de racisme qu’est la haine des homosexuels (ou des femmes). Ce racisme-là, même émanant d’une victime, n’est pas plus acceptable qu’un autre. Etre soi-même méprisé comme « non-blanc » peut pousser à mépriser d’autres victimes, à commencer par le « pédé », fût-il lui même « non-blanc ». Et le cas échéant, on peut toujours trouver plus efféminé que soi. Au pire, il reste toujours les Roms, les clodos ou les putes. La réalité du racisme n’excuse pas l’homophobie qu’il peut amplifier. Il faut lutter contre les deux. L’esprit du capitalisme a-t-il à ce point contaminé les consciences que les défenseurs d’une cause aient forcément à la situer en concurrence avec toute autre ? Dénoncer des pratiques homophobes à tel endroit (par exemple dans les « quartiers ») ne revient pourtant pas à les accepter ailleurs (par exemple dans les campagnes bien franchouillardes) ni à minimiser les autres formes de violence sociale, religieuse ou raciale, en France ou dans le monde. Il faut lutter contre toutes les formes de racisme et de domination sociale, chaque lutte enrichissant l’autre, aucune ne se faisant au détriment des autres, toutes étant constitutives de l’émancipation humaine.

L’homophobie justifiée par « l’impérialisme gay »

Les auteurs du livre Les féministes blanches et l’empire posent que « la binarité homosexuel/hétérosexuel » serait une invention de l’occident imposée par la colonisation au monde arabe. En cela, ils rejoignent tout à fait la pensée de celle à qui ils ont dédicacé leur ouvrage, même s’ils ne se revendiquent pas de son parti (le PIR). Houria Bouteldja ne s’y est d’ailleurs pas trompée, puisqu’elle a cru bon, suite à la polémique déclenchée par l’article de Robin d’Angelo, de revenir le 12 février 2013 sur ce sujet et sur les propos qu’elle avait tenus le 6 novembre 2012 sur France 3.  Selon elle, la question du « mariage gay » ne concerne pas les populations des « quartiers », que par un raccourci assez osé, elle assimile à des « non-blancs » (il n’y aurait donc pas de prolétariat blanc dans les « quartiers » ?) :

« Ça ne signifie pas qu’il n’y a pas de pratiques homosexuelles dans les quartiers, ça signifie qu’elle n’est pas prioritaire et qu’on a d’autres choses beaucoup plus importantes et urgentes. »

A ce compte, les homosexuels blancs qui ne constituent pas le fond de commerce d’Houria Bouteldja pourraient parfaitement lui rétorquer que pour eux, la question de l’égalité dans l’accès au logement ou à l’emploi pour les « non-blancs » hétérosexuels des quartiers populaires n’est pas une priorité, quand bien même ces populations auraient très secrètement des pratiques homo-érotiques. Ils seraient alors accusés à juste titre de racisme et d’hétérophobie. Qu’on parle de droit au mariage ou de droit à l’emploi et au logement, il s’agit bien d’un seul et même problème absolument prioritaire : celui de l’égalité des droits. Il est certes terrible que le frileux gouvernement PS ne s’attaque pas à toutes les discriminations, mais Houria Bouteldja devrait comprendre que ce n’est pas le « mariage gay » qui empêche les Arabes d’accéder aux emplois, et que ce n’est pas en critiquant le « mariage gay » (ou en disant à la télé, en plein débat sur ce sujet : « là où je suis, parce que je n’ai pas un avis universel, là où je suis, je dis, cette question ne me concerne pas ») qu’elle fera avancer la cause des « indigènes » discriminés.

Et Houria Bouteldja d’ajouter :

« La seconde chose, c’est que je ne crois pas à l’universalité de l’identité politique homosexuelle. C’est-à-dire que je fais la distinction entre le fait qu’il peut y avoir des pratiques homosexuelles effectivement dans les quartiers ou ailleurs mais que ça ne se manifeste pas par une revendication identitaire politique. Celle-ci n’est pas universelle. Et moi je fais un peu ce reproche là au débat politique français, il considère, dans les milieux homosexuels, majoritairement, et c’est ce qu’on appelle homonationalisme et que je préfère appeler homoracialisme qui consiste à considérer que lorsqu’on est homosexuel, on doit faire son coming out et les revendications qui vont avec. »

Inversion tout à fait spécieuse du problème évoqué par Johan Cadirot, administrateur du Refuge – « une association qui loge les victimes d’homophobie » – qui affirmait qu’il n’y a pas « moins d’homos » dans les cités, mais qu’ils « sont plus cachés et dans le déni. » Avec une grande malhonnêteté intellectuelle, Houria Bouteldja tente d’en conclure que « l’enjeu est donc bien de convaincre des non-Blancs qu’ils doivent s’identifier comme homosexuels », et que « c’est un choix qui s’inscrit dans le militantisme homosexuel hégémonique : c’est le choix entre la fierté et la honte, le placard ou le coming out. » En réalité, Johan Cadirot dénonçait à juste le titre le fait que des homosexuels sont obligés de se cacher ou de se mentir à eux-mêmes sous peine de se faire exclure ou casser la gueule (voire pire). Il ne disait en rien que tous les homosexuels ou les adeptes de pratiques homo-érotiques devraient faire obligatoirement un quelconque coming out. C’est un faux procès qui vise à faire passer un défenseur des opprimés pour un oppresseur, et par là-même les victimes pour des bourreaux. Il existe peut-être des intégristes gays qui veulent imposer un mode de vie gay à tout homosexuel (ou à tout adepte de pratiques homo-érotiques), de même qu’il existe des intégristes religieux qui veulent imposer leur lecture de la religion à tout être humain. Mais ce n’est absolument pas ce qui est en jeu avec le mariage pour tous, puisqu’il s’agit — mais Houria Bouteldja fait mine de ne pas le comprendre — d’un droit et non d’une obligation. Le mariage pour tous n’impose aucune norme aux homosexuels, ni aux hétérosexuels, ni aux hétérosexuels adeptes de pratiques homo-érotiques, ni mêmes aux personnes arabo-musulmanes décolonisées ne se reconnaissant pas ou plus dans la dichotomie hétéro/homo imposée par l’impérialisme occidental petit-bourgeois. Le mariage pour tous permet juste aux couples homosexuels qui le souhaitent de bénéficier des mêmes droits que les couples hétérosexuels. Il supprime une discrimination. Il n’impose aucun usage. Il ne fonde aucune « identité politique homosexuelle » universelle. Il élargit juste le champ d’application du principe universel d’égalité des droits. C’est bien le même principe universel qui doit bénéficier aux « indigènes ». Car, comme le dit un flic dans l’excellent film « La parade » de Srđan Dragojević : « si on donne les droits de l’homme aux pédés, faudra les donner à tout le monde ».

 

Comme enivrée de sa propre phraséologie, Houria Bouteldja assène plus loin :

« La promotion de l’homosexualité comme identité politique produit des dégâts tant sur le vécu des homosexuels dont la vie peut-être mise en danger que sur les rapports sociaux surtout quand la protection due aux minorités sexuelles devient une exigence politique et éthique internationale à l’aune de laquelle se mesure la maturité civilisationnelle des nations néo-colonisées. Il serait temps, une bonne fois pour toute, de comprendre que l’impérialisme – sous toutes ses formes – ensauvage l’indigène : à l’internationale gay, les sociétés du sud répondent par une sécrétion de haine contre les homosexuels là où elle n’existait pas ou par un regain d’homophobie là où elle existait déjà, au féminisme impérialiste, elles répondent par un durcissement du patriarcat et par une recrudescence des violences faites aux femmes, à l’humanisme blanc et droit de l’hommiste, elles répondent par un rejet de l’universalisme blanc, à toutes les formes d’ingérence commises par l’Occident et qu’il serait fastidieux d’énumérer ici, elles répondent par une hostilité grandissante. (…)

C’est pourquoi, de façon analogue, les quartiers populaires répondent à l’homoracialisme par un virilisme identitaire et…toujours plus d’homophobie. »

De façon proprement délirante, Houria Bouteldja aura donc assimilé la simple revendication de l’égalité des droits pour les homosexuels à la promotion de l’homosexualité comme identité politique, laquelle serait par nature impérialiste (puisqu’occidentale) et donc logiquement rejetée par les « indigènes », conduits par là même à l’homophobie. Dans cette fausse logique, le responsable de l’homophobie n’est donc pas l’homophobe mais l’homosexuel. A ce jeu, on peut aller loin : le responsable des violences conjugales, ce n’est pas le mari violent mais la femme, le responsable de l’antisémitisme, ce n’est pas l’antisémite mais le juif, le responsable du colonialisme, ce n’est pas le colon mais l’indigène… quoique cette dernière proposition risque tout de même de déplaire un peu aux « Indigènes de la République ». En nommant « homoracialisme » la volonté des homosexuels de jouir des mêmes droits que les hétérosexuels, elle ne fait que projeter sur une autre communauté que la sienne (et aussi peu définie que la sienne) le racialisme qu’elle promeut elle-même dans son combat pour les « indigènes ». Houria Bouteldja a choisi par calcul politique de soutenir l’homophobie dans son camp plutôt que l’égalité des droits, quitte à heurter les « blancs » de gauche. Se faisant, elle se place en dehors de la gauche républicaine et enferme les siens dans un racialisme qui n’est que le reflet de celui du colonialisme qu’elle prétend combattre, les condamnant finalement à ne jamais se décoloniser vraiment, à rester à tout jamais des « indigènes ». C’est stupide et dangereux.

 

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