Opting out

« L’Union européenne n’est pas un super-État dont la volonté, inexorable, s’imposerait aux États membres. Elle n’est pas non plus un État fédéral, détenteur d’une souveraineté européenne. En réalité, elle est une organisation internationale : son existence est fondée sur des traités, au même titre que l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), par exemple. De fait, ses membres conservent leur souveraineté ; ils n’obéissent à ses règles que parce qu’ils y ont consenti en adoptant ses traités.

Désobéir est légal. Cela s’appelle une option de retrait. Par ce mécanisme, un État peut décider souverainement qu’il se soustrait à une partie des règles de l’Union européenne. Il peut négocier une option d’emblée — ainsi, lorsque les accords de Schengen devinrent partie intégrante des règles de l’Union à la suite du traité d’Amsterdam, le Royaume-Uni et l’Irlande obtinrent de ne pas les appliquer. Il peut aussi la négocier après coup : le Royaume-Uni avait par exemple obtenu de ne pas être justiciable de la charte sociale européenne en 1989 (il l’acceptera quelques années plus tard). Cette option de retrait peut également être décidée par un État membre sans négociation. En 2003, la Suède organisa un référendum national sur l’euro ; le « non » ayant récolté 56 % des voix, elle annonça à la Commission européenne qu’elle n’adopterait pas cette monnaie, ce qui constitue une option de retrait sans négociation. La riposte de la Commission fut foudroyante : elle en prit acte.

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Nasse

« La nasse ne constitue pas seulement une technique de guerre psychologique que le maintien de l’ordre français a tardivement importée d’Angleterre. La nasse est une image dialectique du pouvoir présent. C’est la figure d’un pouvoir méprisé, honni, et qui ne fait plus que retenir la population dans ses filets. C’est la figure d’un pouvoir qui ne promet plus rien, et n’a d’autre activité que de verrouiller toutes les issues. D’un pouvoir auquel plus personne n’adhère positivement, que chacun tente à sa manière de fuir, et qui n’a d’autre perspective panique que de maintenir dans son giron borné tout ce qui , incessamment, lui échappe. Dialectique, la figure de la nasse l’est en ceci que ce qu’elle a vocation à enfermer, elle le rassemble aussi. Des rencontres s’y produisent entre ceux qui tentent de déserter. Des chants inédits et plein d’ironie en naissent. Une expérience commune s’y fait. Le dispositif policier est inapte à contenir la sortie verticale qui s’y produit sous la forme de tags qui ne tardent pas à consteller chaque mur, chaque abribus, chaque commerce. Et qui témoignent de ce que l’esprit, lui, reste libre, même quand les corps sont retenus. »

Comité invisible, Maintenant, La Fabrique, p.31

Commentaires

« Ce monde n’est plus à commenter, à critiquer, à dénoncer. Nous vivons environnés d’un brouillard de commentaires et de commentaires sur les commentaires, de critiques et de critiques de critiques, de révélations qui ne déclenchent rien, sinon des révélations sur les révélations. Et ce brouillard nous ôte toute prise sur le monde. »

Comité invisible, Maintenant, La Fabrique, 2017, p.8

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Mode

« La bourgeoisie a toujours bon goût puisque le bon goût se définit par le fait que c’est le sien. Elle ne saurait déroger au dress code qu’elle fixe. Un prolo débarquant en sous-pull jaune dans une soirée commet une faute de goût, un bourgeois pareillement attifé vient de redéfinir le code. »

François Bégaudeau, Histoire de ta bêtise, Pauvert, 2019, p.124

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