« La destruction de la religion, comme bonheur illusoire du peuple, est une exigence de son bonheur réel. »
Karl Marx, La Sainte Famille. Critique de la critique critique, 1845
Blog de gauche
« Ceux qui admettent qu’il existe bien une colère de fond, une colère politique et populaire, considèrent qu’elle va dans le mauvais sens, celui du racisme, de l’antisémitisme, de la quête d’un pouvoir fort qui débarrassera le plancher de toute la racaille. On en donne pour preuve le considérable succès des vidéos de Soral et Dieudonné. La bourgeoisie culturelle reproche aux ouvriers de s’être mis à voter FN plutôt que PC, elle trouve que le peuple est décidément bien réactionnaire. En fait de progrès fulgurants du fascisme en France, ce qu’il y a, c’est l’exaspération de gens qui n’en peuvent plus des cadres politiques et idéologiques imposés, qui ruent dans les brancards, qui donnent dans toutes sortes de panneaux en l’absence de mouvements révolutionnaires qu’ils puissent entendre et rejoindre. Or, c’est précisément la bourgeoisie culturelle qui contribue à cette absence, qui travaille d’instinct à la démoralisation politique générale, tantôt par la calomnie, tantôt par le ricanement, souvent par le silence. Dès que la situation sortira de ses gonds, dès que “le mouvement réel qui abolit les conditions existantes” fera son apparition dans les rues, on verra se dissoudre les phénomènes fascistoïdes. Si l’on met à part les néonazis, les irrécupérables aux nuques rasées, croit-on vraiment que les prolétaires, qui votent à l’extrême-droite par haine d’un système qui les ignore, resteront devant leur télé ? Ne viendront-ils pas rejoindre leurs frères de classe ? Faisons-leur confiance. »
Eric Hazan, La dynamique de la révolte,
Sur des insurrections passées et d’autres à venir,
La Fabrique éditions, 2015.
« Les meilleurs projets du monde n’ont aucune portée s’ils ne sont pas sous-tendus par un enthousiasme populaire, s’ils ne s’indexent pas à des images de la société désirée, s’ils ne s’inscrivent pas dans une histoire collective. Le mouvement peut être l’occasion pour les responsables syndicaux de prendre conscience de cette responsabilité qui leur incombe et qui renvoie aux plus grandes heures du mouvement ouvrier – quand les propositions des organisations syndicales irriguaient le débat politique, du planisme cégétiste des années 1930 aux nationalisation et à la sécurité sociale à la Libération, jusqu’au socialisme autogestionnaire dans les années 1970. Alors que la gauche est atone et divisée, il serait possible que d’importante fractions du mouvement syndical servent de catalyseur à l’élaboration d’un véritable agenda de transformation sociale. Une élaboration qui ne résulte pas de “l’audition” des organisations syndicales par les dirigeants politiques, mais d’une dynamique autonome permettant aux syndicalistes de tisser des liens durables entre eux et avec tous ceux, citoyens, associations, mouvements sociaux qui ont contribué à nourrir la contestation des dernières semaines.
Un tel processus supposerait que se mettent en place des structures ad hoc, car bien évidemment le cadre de l’intersyndicale, dont l’intérêt n’est pas en cause, revêt une autre fonction. Entre une intersyndicale qui tient par la recherche du consensus et la guerre de tous contre tous que se livrent les organisations confrontées à la conquête de leur représentativité dans les entreprises, il existe un espace intermédiaire à occuper, celui d’une coopérative d’élaboration stratégique. »
Sophie Béroud et Karel Yon, « Automne 2010 : Anatomie d’un grand mouvement social« , Contretemps, 2010
« Ainsi, l’insurrection communaliste du 18 mars 1871 prend ses racines dans le long siège de Paris pendant l’hiver 1870-1871. Les républicains “jacobins”, les Internationaux, les blanquistes — dont le chef vient d’être mis en prison pour sa participation à la journée insurrectionnelle du 31 octobre 1870 —, la petite bourgeoisie révoltée par la trahison du gouvernement de “Défense nationale”, la bohème étudiante et artistique, tous ces individus et ces groupes souvent opposés pendant les dernières années de l’Empire vont conduire ensemble la journée du 18 mars, réussite totale, sans effusion de sang ou presque. C’est que pendant le siège, ils s’étaient trouvés dans les mêmes bataillons, ils avaient fait le coup de feu ensemble, ils s’étaient parlé, ils avaient formé le Comité central de la garde nationale où l’on trouvait aussi bien Varlin, ouvrier relieur, membre de l’Internationale, que Flourens, ex-professeur au collège de France. Encore une fois, c’est de l’action commune qu’émerge la véritable politique et non l’inverse. »
Eric Hazan, La dynamique de la révolte,
Sur des actions passées et d’autres à venir,
La Fabrique éditions, 2015.
Sur le site de la revue lundimatin (hebdomadaire qui publie régulièrement les pamphlets d’Eric Hazan et dont les Inrocks évoquent la proximité avec « Le Comité Invisible », qui fait publier par ailleurs ses oeuvres par les éditions « La Fabrique » du même Eric Hazan), un texte signé par des personnes se revendiquant comme « juives » et « antisionistes » (dont… Eric Hazan) s’attaque au « cas de Thomas Guénolé et de la gauche française de Jean-Luc Mélenchon » et prend la défense d’Houria Bouteldja, de son livre Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l’amour révolutionnaire (édité par le décidément incontournable Eric Hazan) et de son groupuscule, le Parti des Indigènes de la République, dont une des proches, Stella Magliani-Belkacem est employée comme secrétaire d’édition par nul autre qu’Eric Hazan lui-même.
On aura donc compris, non sans un certain amusement, qu’on a affaire à un plaidoyer pro domo.
Il ne s’agit pas ici d’épuiser les débats suscités par la mouvance « indigéniste » ou « décoloniale » du PIR. Nous nous contenterons de renvoyer vers l’article du chercheur Gaël Brustier pour qui :
« L’erreur du PIR, c’est de systématiser le lien entre la République coloniale et la période actuelle. Comme si le pouvoir était animé par des enjeux très exactement identiques. Cependant, le Parti des Indigènes de la République ne peut être l’alibi à l’absence de questionnement d’un racisme encore bien présent dans notre société. »
Ou vers les deux billets d’Olivier Tonneau : « Confessions d’un universaliste en cours de décolonisation » et « Dans l’ombre du doute : les Indigènes, non, mais… » qui critiquent à juste titre l’inféconde notion de « régression féconde » développée par le PIR.
Ou encore vers nos propres critiques de l’homophobie exprimée par la mouvance indigéniste dans notre billet « Homophobie partout, égalité nulle part. »
Précisons aussi d’emblée avant d’aller plus loin que nous soutenons l’appel « Combat laïque combat social » (à signer ici) qui s’oppose précisément à la fois à l’instrumentalisation de la laïcité pour stigmatiser des communautés, et à la régression indigéniste :
« Nous sommes dans une conjoncture particulière caractérisée par la régression sociale, politique et culturelle comme dispositif de pouvoir. Pour y résister, le combat social et le combat laïque doivent former un seul et même bloc. Combattre sur le front social sans lutter sur le front laïque, et vice versa, est voué à l’échec. La laïcité est notre outil pour fédérer les luttes sociales et lutter pour la justice sociale, la citoyenneté et la véritable égalité qui caractérisent la République sociale. Car les communautarismes se servent de l’appauvrissement des quartiers populaires et des discriminations qui y sont subies pour alimenter le fait politico-religieux, notamment islamiste, et détourner les citoyens du combat social, laïque et donc citoyen. En même temps, la laïcité doit aller de pair avec un antiracisme radical, ainsi qu’avec une lutte sans faiblesse contre l’antisémitisme. Enfin, le combat laïque doit également être un fer de lance contre le patriarcat soutenu, entre autres, par les communautaristes religieux, et de ce fait participer de façon centrale au combat féministe. »
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