Entre Macron et Poutine, Chevènement tenait la chandelle

“Le président français avait (…) tenu à faire du “dialogue avec la Russie” l’une de ses priorités diplomatiques au moment de son accession au pouvoir en 2017. Deux mois à peine après son élection, il avait fait tousser de nombreux diplomates du Quai d’Orsay en recevant Vladimir Poutine en grande pompe à Versailles. On se souvient aussi bien sûr de la visite du maître du Kremlin au fort de Brégançon en août 2019, à quelques jours du G7 de Biarritz.

Cet été-là, Emmanuel Macron va jusqu’à dénoncer l’existence d’un “Etat profond” au Quai d’Orsay lors de la traditionnelle conférence des ambassadeurs, devant un parterre de diplomates médusés. Il est clair à ses yeux que l’administration diplomatique l’entrave dans sa démarche de dialogue avec Poutine. Le président exhorte alors ses diplomates à “repenser […] notre relation avec la Russie” et à renforcer le dialogue avec celle-ci, car “pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique, parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres puissances comme la Chine, ce qui ne serait pas du tout notre intérêt”. Déjà, dans son livre Révolution, publié lors de la campagne présidentielle, il annonçait son intention de “travailler avec les Russes pour stabiliser leur relation avec l’Ukraine et permettre que soient levées progressivement les sanctions de part et d’autre”. Pour développer ce “dialogue”, le président français mise dès son arrivée à l’Elysée sur la constitution d’une relation personnelle avec son homologue russe. Il recourt à la même méthode avec Donald Trump, sans grand succès.

On doit en fait l’utilisation de cette formule de l’“Etat profond” visant le Quai d’Orsay — et surtout certains de ses diplomates considérés comme proaméricains et atlantistes — à Jean-Pierre Chevènement, proche conseiller du soir d’Emmanuel Macron et partisan d’un rapprochement avec la Russie. L’ancien ministre de Françaois Mitterrand et Lionel Jospin n’est pas le seul à avoir eu l’oreille du président sur ce dossier. l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine a aussi joué un rôle. Mais, en début de quinquennat, c’est Chevènement qui est envoyé à plusieurs reprises par le président faire passer des messages à Vladimir Poutine.

Cette excuse de l’“Etat profond” est pourtant un peu facile. La posture hostile du président français peine à masquer ses erreurs stratégiques, lui qui a multiplié les positions contradictoires sur le dossier, usant d’un “en même temps” diplomatique aux maigres effets.”

Marc Endeweld, Guerres cachées,
Les dessous du conflit russo-ukrainien
, Seuil, 2022

Auteur/autrice : Serge Victor

Militant de gauche, écosocialiste, féministe, autogestionnaire

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