Les chroniques de Le Banni (de Le Média), épisode 9

Résumé de l'épisode précédent : Bénévhôl, le guerrier de Kohop, a été banni de Lmédiâh par la triade Khakobb. 
Après avoir parcouru steppes arides et marécages boueux pour rassembler réprouvés et Sociôhs épars, il est de retour et trouve les portes du Fhôreuhm étrangement ouvertes. Mais l'endroit n'est plus que ruines sur lesquelles souffle un vent glacial, et de nombreuses voies restent scellées par un mystérieux maléfice et donc inaccessibles et même invisibles. 
Il est bien toujours LE BANNI. 

Nous n’avons pas peur des ruines

Je plagie ici le titre du dernier film du camarade anarchiste Yannis Youlountas, qui l’a lui-même emprunté à une célèbre phrase de Buenaventura Durruti en 1936. Le combattant espagnol ajoutait : “nous sommes capables de bâtir aussi… la bourgeoisie peut bien faire sauter et démolir son monde à elle avant de quitter la scène de l’Histoire, nous portons un monde nouveau dans nos cœurs.”

capture d’écran de la bande annonce du film de Yannis Youlountas

J’en tire une leçon éthique et politique : nous ne cherchons pas du tout à détruire, et nous ne sommes assurément pas les “malveillants” qu’on nous accuse d’être, mais nous ne nous laisserons pas abattre par la peur des destructions commises par ceux qui se sont enivrés de leur petit pouvoir (Durruti parlait de la bourgeoisie, mais c’est valable aussi pour toute bureaucratie qui s’accapare un projet émancipateur), et s’il le faut, nous saurons reconstruire.

Plus d’un mois a passé depuis la réouverture du forum du Média, ou plutôt du “faux-rum” comme l’a rebaptisé un camarade, ou encore du “forum Potemkine” , qui ressemble désormais plus à la place centrale de Pyong Yang qu’à l’espace de discussion des socios que nous avions connu.

La dictature, c’est “ferme ta gueule !”, la démocratie c’est “cause toujours !” dit l’adage. A ce titre, oui, le nouveau forum du Média est bien un outil “démocratique” : on peut certes y poser des questions à l’administrateur-directeur (du moins si on en n’est pas banni abusivement, comme c’est toujours le cas pour plusieurs sociétaires)… mais celui-ci répond à côté de la plaque, noyant le poisson dans des détails techniques sans intérêt, ou, le plus souvent, ne répond pas du tout. Je lui ai également envoyé plusieurs messages pour réclamer ma réintégration sur les supports d’où je suis toujours banni arbitrairement et sans raison, mais je n’ai obtenu aucune réponse à ce jour (je reviendrai dans un autre épisode sur les arguments qui ont fini par être envoyés aux camarades toujours banni·e·s du forum : ils sont LUNAIRES).

Sur le terrain du bénévolat, le Média est toujours également un champ de ruines, et là aussi, seul un silence méprisant répond aux propositions faites sur le forum pour relancer la dynamique des Volontaires. J’ai donc décidé de m’adresser au Conseil de surveillance, dont je rappelle que c’est lui qui a nommé les membres du Directoire du Média, et qu’il a aussi le pouvoir de contrôler leur action et même de les révoquer.

Voici copie de cette Lettre d’un socio inquiet :

Bonjour,


Sociétaire à jour de mon abonnement, je souhaite alerter le Conseil de surveillance du Média sur un dysfonctionnement persistant au sein de la structure.

Suite à la réunion du 31 janvier 2024 à laquelle j’avais participé avec le Directoire (à l’invitation du Conseil de surveillance), qui avait vu les membres du Directoire refuser toute sortie de crise par le haut et s’obstiner à instruire un surréaliste procès des Socios Engagé·e·s, il y a eu, certes, une avancée avec le retour du forum le 13 février et l’annulation du bannissement (totalement injustifié) de ce support qui m’avait été signifié « par erreur ». Mais force est de constater que d’autres sociétaires restent banni·e·s sous des prétextes fantaisistes, sur la base d’ajouts dans la charte du forum postérieurs aux faits incriminés, c’est-à-dire en vertu d’une règle de circonstance à effet rétroactif, ce qui est extrêmement choquant, car contraire à tous les principes du droit (les dernières lois rétroactives en France ayant été le fait, faut-il le rappeler, du régime de Vichy).  
En outre, cette nouvelle charte du forum, ainsi qu’une réorganisation faisant disparaître tout un pan des discussions (des plus anodines et conviviales jusqu’à des discussions de fond sur la SCIC) ont été imposées sans aucune concertation avec les usager·e·s, et l’administrateur reste sourd aux propositions faites par les sociétaires pour renouer avec la co-construction de cet espace.  
J’ajoute qu’à titre personnel, alors même que l’annulation de mon bannissement vaut reconnaissance de son caractère infondé, je reste interdit de commentaire sur la boucle Telegram et exclu des groupes Facebook du Média, en dépit de mes protestations réitérées, et sans que jamais ces exclusions arbitraires abusives n’aient été justifiées.

Cette dérive autoritaire se ressent aussi dans un domaine pourtant fondamental de la SCIC : le bénévolat. J’avais ainsi reçu le 14 novembre 2023 (ainsi qu’un autre camarade membre du collectif des Socios Engagé·e·s, un mail du Directoire m’informant de la rupture de mes deux conventions de bénévolat. Certes, le Directoire peut statutairement rompre à sa guise de telles conventions et a invoqué également l’article 6 de la convention de bénévolat qui lui donne ce pouvoir. J‘avais néanmoins aussitôt contesté cette rupture auprès du Directoire lui-même et du Conseil de surveillance car à mon sens, le Directoire n’avait lui-même pas respecté l’article 5 de cette convention de bénévolat (voir mon message du 14 novembre) et n’était donc pas en position d’en invoquer le contenu pour la rompre.
Je précise également que le Directoire ne m’a jamais donné aucune raison pour cette rupture de convention, et je tiens à rappeler que, jusqu’à celle-ci (et même après), j’ai été particulièrement actif dans les deux champs d’action de mon bénévolat :
— j’ai participé jusqu’à mon exclusion aux  activités du groupe de soutien coopératif aux bénévoles, remettant en novembre 2023 le dernier rapport en date de ce groupe ;
— j’ai participé comme Correspondant Citoyen à la couverture des manifestations pour les retraites et au relais des images d’autres CC sur Twitter jusqu’en juin 2023 ; après cela, l’actualité militante s’est ralentie et le référent des CC ne les a plus du tout sollicités pour aucun mouvement social, même durant l’automne 2023 (le référent n’a par exemple jamais sollicité les CC pour couvrir les manifs de soutien au peuple palestinien) ; j’ai néanmoins posté le 23 octobre 2023 sur la chaîne YouTube des Socios Engagé·e·s un montage de vidéos de CC depuis le début du Média et le 16 novembre un reportage d’un CC sur une grève des salarié·e·s de la production audiovisuelle à Bayonne (relayé aussi sur le compte Twitter des Correspondants Citoyens) et j’ai continué durant toute cette période à participer aux discussions sur la boucle Telegram des CC ou sur le serveur Discord des bénévoles ; malgré mon déconventionnement, j’ai encore couvert la manif des personnels de l’Education nationale du 1er février 2024 à Paris, et, n’ayant plus accès à la boucle Telegram des CC, j’ai tout de même pris la peine d’envoyer une interview de Manon Aubry à une journaliste du Média, preuve que j’étais toujours disponible pour donner un coup de main.


D’autres Correspondant·e·s Citoyen·ne·s qui n’ont fourni aucune image et n’ont guère participé aux discussions entre bénévoles n’ont subi aucune rupture de convention. Force est donc de conclure que l’exclusion du bénévolat des membres du collectif des Socios Engagé·e·s connus par le Directoire ne repose sur aucun manquement à leur mission de bénévolat et aucune prétendue inactivité. Ce sont bien au contraire les bénévoles les plus actifs qui ont été exclus, et ces exclusions constituent en fait des représailles contre des sociétaires qui ont émis des critiques précises et argumentées de certaines décisions prises par le Directoire, critiques que le Directoire n’a cessé durant des mois d’essayer de faire passer contre toute évidence pour du dénigrement de salarié·e·s et pour une hostilité envers la structure.

Cela pose un problème de fond : dans une coopérative, qui plus est dotée d’un manifeste comme celui du Média, une instance dirigeante (qui affirme par ailleurs n’être constituée que de salarié·e·s exerçant bénévolement un mandat et n’assume pas d’être une direction) doit accepter de rendre des comptes aux sociétaires qui l’ont mandatée, de débattre, et d’être soumise à des critiques. Se draper dans une attitude de majesté outragée, attendre des bénévoles une allégeance de type féodal ou une confiance aveugle envers l’autorité, et traiter les critiques émanant de sociétaires comme un dénigrement sacrilège n’est pas conforme à ce qu’on peut attendre d’une telle structure coopérative.  
En outre, concernant le bénévolat, cela porte un préjudice certain au Média. En effet, les ruptures on non-renouvellements de conventions de bénévolat des Volontaires parmi les plus engagé·e·s ont laissé un vide très visible : depuis notre éviction, plus aucune vidéo de bénévoles n’a été diffusée sur le compte Twitter des CC (le retweet du thread que j’avais publié lors de la manif du 1er février 2024 a même été supprimé par le référent alors que c’était la seule couverture de leur lutte que les manifestants pouvaient trouver en ce jour de la part du Média ou de ses bénévoles), plus aucune image de bénévoles n’a alimenté les programmes du Média, plus aucune modération bénévole n’est effectuée sur le forum (voyant cela, j’ai proposé mon aide, proposition restée comme tant d’autres sans aucune réponse), et le groupe des Volontaires affiché sur le forum ne comporte toujours à ce jour qu’un unique membre : le salarié référent administrateur membre du directoire, ce qui est tout un symbole.

Priver le Média de ses bénévoles actifs est une grave erreur : l’activité bénévole est un des piliers de la SCIC (qui comporte statutairement un collège des bénévoles et ne pourra légalement fonctionner avec moins de trois collèges), et l’engagement bénévole visible peut créer une dynamique, fidéliser une communauté, la faire grossir, remplir des tâches utiles au développement du Média et à sa pérennité. Toujours fragile, le Média n’a vraiment pas le luxe de se passer de telles bonnes volontés.
En faisant passer des rancunes personnelles avant le bien de la structure, le Directoire fait preuve d’un manque inquiétant de professionnalisme. Mais nul n’est obligé de s’obstiner dans une voie sans issue et il n’est pas trop tard pour sortir par le haut de cette situation de blocage et relancer la dynamique du bénévolat qui avait donné de beaux résultats durant le premier semestre 2023. Je demande donc au Conseil de surveillance de rappeler le Directoire à ses devoirs, ce qui inclut de travailler avec les socios volontaires à la relance du bénévolat.

Coopérativement,

S.V.

A l’heure où le Média lance une nouvelle campagne d’abonnements, se priver de Volontaires bénévoles cause en effet un véritable préjudice à la structure.

capture d’écran d’un tweet du Média

Par exemple, nous avions commencé il y a plusieurs mois à travailler sur la constitution d’un réseau des socios, pour faciliter les initiatives locales, comme les cafés des socios, les impressions locales de tracts, puis tractages ou collages pour faire la promotion du Média. Tout cela a été traité par le mépris. Le fil de discussion du forum où avait commencé ce travail reste censuré, les bénévoles qui étaient prêts à se consacrer à cette mise en réseau ont été déconventionné·e·s. La fuite en avant autoritaire a donc tout détruit, et pendant ce temps-là, il faut croire que la fausse coopérative de Denis Robert, bien que tout aussi autoritaire, se montre plus maligne que le Directoire du Média. Voici en effet ce que j’ai vu par chez moi sur un poteau :

photo prise le 31 mars 2024

Le Média, lui, reste très fragile, et pour redresser la barre, il faudra un peu plus qu’un nouveau clip d’auto-promo et quelques coups de téléphone aux abonné·e·s dont la carte bleue est arrivée à expiration. Il faudra reconstruire une vraie communauté. Et pour cela, la petite équipe de salarié·e·s du Média, si elle veut garantir les emplois, doit pouvoir s’appuyer sur l’énergie des Volontaires bénévoles et non les ostraciser.

N’ayons pas peur des ruines.

Île du Platais, février 2024

A suivre…

Autres épisodes :

Auteur/autrice : Serge Victor

Militant de gauche, écosocialiste, féministe, autogestionnaire

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