Président

“Je ne vous veux plus comme président, c’est évident. Mais je ne veux plus de président, tout court, plus de président-soleil, astre autour duquel la vie tourne, avec sa cour et ses députés-toutous, président qui concentre en lui (presque) tous les pouvoirs, plus intelligent que soixante millions d’habitants, et qui se prend tantôt pour “la figure du roi absent”, tantôt pour “quelque chose de napoléonien”, le président-despote, comme Montesquieu définissait le despotisme : ce “régime où un seul entraîne tout par sa volonté et par ses caprices”. Un président pour les 14 juillet et les 11 novembre, ça, je veux bien, un président pour les flonflons et les inaugurations. Mais c’est une folie, sinon, le mesurez-vous ?

Je me suis retrouvé, moi aussi, pris dans ce délire : j’étais à peine élu, et dès septembre 2017, les journalistes m’interrogeaient déjà sur 2022 ! Cinq annnées à l’avance ! La démocratie réduite à une date, à un homme, à un rendez-vous. Cette élection pervertit tout, et je le sens jusqu’en moi-même : ça vous effleure, ça grossit en vous comme une tumeur, ce “pourquoi pas moi ?”. Les médias, les sondages, les collègues vous farcissent d’une ambition qui n’est pas la vôtre. Il faut y résister, alors, à la présidentielle, sans quoi on glisse dedans comme sur un toboggan, saisi par un tourbillon. Être fidèle à soi-même, s’inventer un rôle personnel, “feu follet de la République”, ranimant la flamme du peuple.”

François Ruffin, Ce pays que tu ne connais pas, Les arènes, 2019, p.176

Auteur/autrice : Serge Victor

Militant de gauche, écosocialiste, féministe, autogestionnaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

css.php