Extinction

“Ne croyez pas les écolos qui prétendent que nos ancêtres vivaient en harmonie avec la nature. Bien avant la Révolution industrielle, Homo sapiens dépassait tous les autres organismes pour avoir poussé le plus d’espèces animales et végétales à l’extinction. Nous avons le privilège douteux d’être l’espèce la plus meurtrière de toutes les annales de la biologie. Continuer la lecture de « Extinction »

Collectivement

“On conviendra sans trop de peine que seul l’Homo sapiens peut parler de choses qui n’existent pas vraiment et croire à six choses impossibles avant le petit déjeuner. Jamais vous ne convaincrez un singe de vous donner sa banane en lui promettant qu’elle lui sera rendue au centuple au ciel des singes. Mais pourquoi est-ce important ? Somme toute, la fiction peut dangereusement égarer ou distraire. Les gens qui vont dans la forêt en quête de fées ou de licornes sembleraient avoir moins de chance de survie que ceux qui cherchent des champignons ou des cerfs. Et si vous passez des heures à prier des esprits tutélaires inexistants, ne perdez-vous pas un temps précieux qui serait mieux employé à fourrager, vous battre ou forniquer ? Continuer la lecture de « Collectivement »

Euro catho

“Qu’il soit associé à la famille-souche ou non, le catholicisme zombie est au coeur de la zone euro. La carthographie semble même en faire son véritable fondement, puisqu’on trouve ses bastions dans presque tous les pays de la zone euro, la Finlande, l’Estonie et la Lettonie échappant seules à sa constellation. Nous ne faisons cependant que retrouver ici, par le biais de l’anthropologie historique, un lieu commun : l’importance de la démocratie-chrétienne, et donc de l’Eglise catholique, dans la genèse de la communauté européenne. Le principe de mémoire des lieux (…) nous permet d’accepter l’hypothèse d’une rémanence des valeurs religieuses, et leur transfiguration dans la conception et la défense d’une monnaie faite pour dominer les hommes plutôt que les servir. Continuer la lecture de « Euro catho »

Les sociétés qui admettent le mariage homosexuel se reproduisent mieux

“Au constat d’un rapport statistique positif entre statut élevé de la femme et fécondité fonctionnelle, il nous faut ajouter celui d’une corrélation entre acceptation de l’homosexualité et fécondité à peu près satisfaisante. Si l’on affecte la valeur 1 aux sociétés qui avaient institutionnalisé, au 1er janvier 2017, le mariage entre individus de même sexe, et la valeur 0 à celles qui ne l’avaient pas fait, nous obtenons un coefficient de corrélation positif de +0,50, très significatif donc, avec l’indicateur conjoncturel de fécondité. Plus simplement, nous pouvons calculer un indicateur moyen de 1,74 enfant par femme pour les pays acceptant le mariage homosexuel, mais de 1,46 seulement pour les autres. En d’autres termes, les sociétés qui admettent le mariage homosexuel se reproduisent mieux.”

Emmanuel Todd, Où en sommes-nous ?
Une esquisse de l’histoire humaine
, Seuil, 2017

Amérique

“Le vrai mystère de l’Amérique c’est que, si elle se présente à nous comme figurant l’avenir, elle porte en elle également notre passé. Elle nous offre simultanément l’espoir du progrès et le bonheur de la régression.”

Emmanuel Todd, Où en sommes-nous ?
Une esquisse de l’histoire humaine
, Seuil, 2017

Pas fute fute

“Moi je trouve qu’il [Macron] est pas bien fute fute comme mec. (…)
J’ai des arguments. Par exemple je suis persuadé qu’il ne comprend pas l’économie et que c’est lui, l’homme du passé. En fait, il dit des trucs… — enfin, moi j’étais aux premières loges pour voir la révolution néolibérale anglaise, puisque j’ai fait ma thèse à Cambridge, que mon fils est né et est resté en Angleterre, que j’ai des petits-fils britanniques, donc je suis — en fait, il parle comme les Anglais des années 1980.”

Emmanuel Todd, entretien au Média, 25 janvier 2017.

Continuer la lecture de « Pas fute fute »

Coming out

“Ce qu’il [Emmanuel Macron] fait, c’est un peu le genre de politique de droite que faisaient les socialistes tout en se racontant qu’ils étaient socialistes et qu’ils étaient de gauche et qu’ils faisaient les choses, donc, un peu lentement. Donc il fait un peu plus que les socialistes des politiques de droite, mais je pense que ça lui est permis parce que la réalité du macronisme, pour moi, elle est dans l’électorat. Je ne m’intéresse pas beaucoup aux hommes politiques, je m’intéresse aux électorats. C’est une sorte… pour moi… c’est une sorte de coming out de droite d’un électorat socialiste qui voulait encore se raconter qu’il était de gauche. Et donc il y a une sorte de libération… donc une sorte de dérive à droite… et donc on voit dans les sondages, ça marche pas mal : la fusion des électorats de droite et ex-socialistes qui se sont retrouvés en Macron s’opère bien. (…) Continuer la lecture de « Coming out »

Colère

“Ceux qui admettent qu’il existe bien une colère de fond, une colère politique et populaire, considèrent qu’elle va dans le mauvais sens, celui du racisme, de l’antisémitisme, de la quête d’un pouvoir fort qui débarrassera le plancher de toute la racaille. On en donne pour preuve le considérable succès des vidéos de Soral et Dieudonné. La bourgeoisie culturelle reproche aux ouvriers de s’être mis à voter FN plutôt que PC, elle trouve que le peuple est décidément bien réactionnaire. En fait de progrès fulgurants du fascisme en France, ce qu’il y a, c’est l’exaspération de gens qui n’en peuvent plus des cadres politiques et idéologiques imposés, qui ruent dans les brancards, qui donnent dans toutes sortes de panneaux en l’absence de mouvements révolutionnaires qu’ils puissent entendre et rejoindre. Or, c’est précisément la bourgeoisie culturelle qui contribue à cette absence, qui travaille d’instinct à la démoralisation politique générale, tantôt par la calomnie, tantôt par le ricanement, souvent par le silence. Dès que la situation sortira de ses gonds, dès que “le mouvement réel qui abolit les conditions existantes” fera son apparition dans les rues, on verra se dissoudre les phénomènes fascistoïdes. Si l’on met à part les néonazis, les irrécupérables aux nuques rasées, croit-on vraiment que les prolétaires, qui votent à l’extrême-droite par haine d’un système qui les ignore, resteront devant leur télé ? Ne viendront-ils pas rejoindre leurs frères de classe ? Faisons-leur confiance.”

Eric Hazan, La dynamique de la révolte,
Sur des insurrections passées et d’autres à venir,
La Fabrique éditions, 2015.

Convergence des luttes

« Les meilleurs projets du monde n’ont aucune portée s’ils ne sont pas sous-tendus par un enthousiasme populaire, s’ils ne s’indexent pas à des images de la société désirée, s’ils ne s’inscrivent pas dans une histoire collective. Le mouvement peut être l’occasion pour les responsables syndicaux de prendre conscience de cette responsabilité qui leur incombe et qui renvoie aux plus grandes heures du mouvement ouvrier – quand les propositions des organisations syndicales irriguaient le débat politique, du planisme cégétiste des années 1930 aux nationalisation et à la sécurité sociale à la Libération, jusqu’au socialisme autogestionnaire dans les années 1970. Alors que la gauche est atone et divisée, il serait possible que d’importante fractions du mouvement syndical servent de catalyseur à l’élaboration d’un véritable agenda de transformation sociale. Une élaboration qui ne résulte pas de “l’audition” des organisations syndicales par les dirigeants politiques, mais d’une dynamique autonome permettant aux syndicalistes de tisser des liens durables entre eux et avec tous ceux, citoyens, associations, mouvements sociaux qui ont contribué à nourrir la contestation des dernières semaines.

Un tel processus supposerait que se mettent en place des structures ad hoc, car bien évidemment le cadre de l’intersyndicale, dont l’intérêt n’est pas en cause, revêt une autre fonction. Entre une intersyndicale qui tient par la recherche du consensus et la guerre de tous contre tous que se livrent les organisations confrontées à la conquête de leur représentativité dans les entreprises, il existe un espace intermédiaire à occuper, celui d’une coopérative d’élaboration stratégique. »

Sophie Béroud et Karel Yon, “Automne 2010 : Anatomie d’un grand mouvement social“, Contretemps, 2010

Action commune

“Ainsi, l’insurrection communaliste du 18 mars 1871 prend ses racines dans le long siège de Paris pendant l’hiver 1870-1871. Les républicains “jacobins”, les Internationaux, les blanquistes — dont le chef vient d’être mis en prison pour sa participation à la journée insurrectionnelle du 31 octobre 1870 —, la petite bourgeoisie révoltée par la trahison du gouvernement de “Défense nationale”, la bohème étudiante et artistique, tous ces individus et ces groupes souvent opposés pendant les dernières années de l’Empire vont conduire ensemble la journée du 18 mars, réussite totale, sans effusion de sang ou presque. C’est que pendant le siège, ils s’étaient trouvés dans les mêmes bataillons, ils avaient fait le coup de feu ensemble, ils s’étaient parlé, ils avaient formé le Comité central de la garde nationale où l’on trouvait aussi bien Varlin, ouvrier relieur, membre de l’Internationale, que Flourens, ex-professeur au collège de France. Encore une fois, c’est de l’action commune qu’émerge la véritable politique et non l’inverse.”

Eric Hazan, La dynamique de la révolte,
Sur des actions passées et d’autres à venir,
La Fabrique éditions, 2015.

Postures et impostures antiracistes

Sur le site de la revue lundimatin (hebdomadaire qui publie régulièrement les pamphlets d’Eric Hazan et dont les Inrocks évoquent la proximité avec “Le Comité Invisible”, qui fait publier par ailleurs ses oeuvres par les éditions “La Fabrique” du même Eric Hazan), un texte signé par des personnes se revendiquant comme “juives” et “antisionistes” (dont… Eric Hazan) s’attaque au “cas de Thomas Guénolé et de la gauche française de Jean-Luc Mélenchon” et prend la défense d’Houria Bouteldja, de son livre Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l’amour révolutionnaire (édité par le décidément incontournable Eric Hazan) et de son groupuscule, le Parti des Indigènes de la République, dont une des proches, Stella Magliani-Belkacem est employée comme secrétaire d’édition par nul autre qu’Eric Hazan lui-même.

On aura donc compris, non sans un certain amusement, qu’on a affaire à un plaidoyer pro domo.

Il ne s’agit pas ici d’épuiser les débats suscités par la mouvance “indigéniste” ou “décoloniale” du PIR. Nous nous contenterons de renvoyer vers l’article du chercheur Gaël Brustier pour qui :

“L’erreur du PIR, c’est de systématiser le lien entre la République coloniale et la période actuelle. Comme si le pouvoir était animé par des enjeux très exactement identiques. Cependant, le Parti des Indigènes de la République ne peut être l’alibi à l’absence de questionnement d’un racisme encore bien présent dans notre société.”

Ou vers les deux billets d’Olivier Tonneau : “Confessions d’un universaliste en cours de décolonisation” et “Dans l’ombre du doute : les Indigènes, non, mais…” qui critiquent à juste titre l’inféconde notion de « régression féconde » développée par le PIR.

Ou encore vers nos propres critiques de l’homophobie exprimée par la mouvance indigéniste dans notre billet “Homophobie partout, égalité nulle part.

Précisons aussi d’emblée avant d’aller plus loin que nous soutenons l’appel “Combat laïque combat social” (à signer ici) qui s’oppose précisément à la fois à l’instrumentalisation de la laïcité pour stigmatiser des communautés, et à la régression indigéniste :

Nous sommes dans une conjoncture particulière caractérisée par la régression sociale, politique et culturelle comme dispositif de pouvoir. Pour y résister, le combat social et le combat laïque doivent former un seul et même bloc. Combattre sur le front social sans lutter sur le front laïque, et vice versa, est voué à l’échec. La laïcité est notre outil pour fédérer les luttes sociales et lutter pour la justice sociale, la citoyenneté et la véritable égalité qui caractérisent la République sociale. Car les communautarismes se servent de l’appauvrissement des quartiers populaires et des discriminations qui y sont subies pour alimenter le fait politico-religieux, notamment islamiste, et détourner les citoyens du combat social, laïque et donc citoyen. En même temps, la laïcité doit aller de pair avec un antiracisme radical, ainsi qu’avec une lutte sans faiblesse contre l’antisémitisme. Enfin, le combat laïque doit également être un fer de lance contre le patriarcat soutenu, entre autres, par les communautaristes religieux, et de ce fait participer de façon centrale au combat féministe.”

Continuer la lecture de « Postures et impostures antiracistes »

Ambitions

“Nos ambitions sont nettement mégalomanes, mais peut-être pas mesurables aux critères dominants de la réussite. Je crois que tous mes amis se satisferaient de travailler anonymement au ministère des Loisirs d’un gouvernement qui se préoccupera enfin de changer la vie, avec des salaires d’ouvriers qualifiés.”

Guy Debord, “Encore un effort si vous voulez être situationnistes. L’I.S. dans et contre la décomposition”,
Potlatch n° 29, 5 novembre 1957.

Manifestations

« Contrairement à ce que dit la presse de droite, le fait que la France manifeste est un signe de bonne santé et de démocratie. Ce sont les pays qui ne manifestent pas qui sont imbéciles, qui se laissent faire, peut-être parce que leur goût de la liberté est émoussé. »

Bernard Maris, « René et les duellistes », Charlie Hebdo n°959, 3 novembre 2010.

Démocratie ou propriété individuelle

« Le 8 juillet 2011, Suzanne Berger, professeur au MIT (Massachusetts Institute of Technology) […] prend la parole en revenant sur le débat très ancien libéralisme-démocratie. Elle va tenir des propos éclairants :

— Les fondateurs de la République américaine étaient profondément préoccupés de la question de savoir s’il était possible d’avoir en même temps un gouvernement démocratique et un système économique fondé sur la propriété individuelle. Comme James Madison l’expliquait, le plus grand danger pour une démocratie est que les citoyens s’organisent, se mobilisent, “s’instituent en factions” pour promouvoir la demande majoritaire de redistribution par rapport au droit à la propriété¹.

Suzanne Berger n’invente rien. James Madison, dont elle a prononcé le nom, n’est pas n’importe qui. Co-auteur de la Constitution américaine, il fut le quatrième président des Etats-Unis. Pour Madison, “le gouvernement représentatif n’était pas une modalité de la démocratie, c’était une forme de gouvernement essentiellement différente et, de surcroît, préférable”. Il considérait que démocratie et économie de marché n’allaient pas de pair. “Les démocraties, écrivait-il, ont toujours été des spectacles de turbulences et de contestations […] incompatibles avec la sécurité personnelle et le droit à la propriété².” »

1. Suzanne Berger, Liberalism vs democracy, a turning point, intervention aux rencontres économiques d’Aix-en-Provence, juillet 2011.

2. Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Calmann-Lévy, 1995.

Christophe Deloire et Christophe Dubois, Circus politicus, Albin Michel, Paris, 2012.

Conscience de classe

« Le peuple ne se voit plus comme tel, la société se croit une collection indistincte d’individus […]. L’oligarchie, elle, a une conscience de classe aiguisée, une cohérence idéologique sans faille, un comportement sociologique parfaitement solidaire. »

Hervé Kempf, L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie, éditions du Seuil, Paris, 2011.

En-dehors

« Nous allions voir de jeunes végétariens engager des luttes sans issue contre la société entière. D’autres conclurent : “Soyons des en-dehors, il n’y a de place pour nous qu’en marge de la société”, sans se douter que la société n’a pas de marge, qu’on y est toujours, y fût-on au fond des geôles, et que leur “égoïsme conscient” rejoignait par le bas, parmi les vaincus, l’individualisme bourgeois le plus féroce. D’autres enfin, dont j’étais, tentèrent de mener de pair la transformation individuelle et l’action révolutionnaire (…). »

Victor Serge, Mémoires d’un révolutionnaire (1905-1945), Lux Editeur, Montréal, 2010.

Spectacle

« Tout ce que l’économie t’enlève de vie et d’humanité, elle te le remplace en images et en représentations ; tout ce que tu ne peux pas faire, tu peux en être le spectateur. »

Baudouin de Bodinat, La vie sur terre
(Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes)
,
éditions de l’Encyclopédie des nuisances, 1996.

La fraternité

“La fraternité, cette fraternité des classes opposées dont l’une exploite l’autre, cette fraternité proclamée en février [1848], écrite en majuscules, sur le front de Paris, sur chaque prison, sur chaque caserne – son expression véritable, authentique, prosaïque, c’est la guerre civile, la guerre civile sous sa forme la plus effroyable, la guerre du travail et du capital.”

Karl Marx, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, 1852.

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