Gerbe

« Monsieur le Président. Je vous gratte le cul, très fort, avec une fourchette. Je vous crache dans les yeux. Je mords jusqu’au sang vos mollets de coq. Je vous râpe le nez jusqu’à ce que vous ayez l’air d’un lépreux. Je vous pends par les couilles. Je dévore votre foie. Je vous gerbe à la gueule. Et je signe : Riri la crème, bien connue des services de police. »

Brigitte Fontaine, “Bon anniversaire monsieur le président” ,
Oui FM, 28 janvier 2010

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Symboles

“Un pouvoir ne signale pas seulement sa fragilité quand il fait donner ses nervis, depuis les préfets galonnés jusqu’aux troupiers bottés, mais aussi quand il commence à avoir peur des signes. Or, on notera que les points de fixation de cet acte 23 ont surtout à voir avec des signes : des mots (le fameux slogan anti-flic), des images, ou plutôt non : la simple possibilité d’images, accompagnée d’un doigt fourré. Plus que tout, ce pouvoir, entouré de ses laquais, redoute, non plus seulement d’être montré dans sa réalité, mais les atteintes symboliques dont il devient l’objet : il s’est enflammé au moment des parodies de guillotine, il s’enflamme quant sont décrochés les portraits du roitelet en mairie, de simples mots le dégondent. Ecorché nu, tout oripeau de légitimité envolé, la moindre atteinte de cette nature lui est insupportable. Alors, dans une fureur aveugle, qui dit son état de nerf, il poursuit tout ce qu’il peut poursuivre (et même ce qu’il ne peut pas) – on annonce que la justice est lâchée contre ceux qui ont crié le “suicidez-vous”. Evidemment ça n’est là qu’une course à l’abîme puisque, ce faisant, il ne cesse d’approfondir les causes qui alimentent son discrédit. Disons-le lui au cas où il ne le saurait pas : un pouvoir dans un tel état de retranchement, un pouvoir à ce degré d’écorchure symbolique, est un pouvoir perdu.”

Frédéric Lordon, “A PROPOS DES « VERMINES » (ET EN SOUTIEN À GASPARD GLANZ)”, lundimatin 188, 23 avril 2019

Violence

“L’enchaînement d’événements et de faits, de paroles et de trahisons qui ont composé le début du mandat de Macron ont donné naissance, en réaction, à un raisonnement non-discursif qui a amené à une violente réclamation d’approfondissement démocratique qu’aucun membre de notre “élite” n’a pourtant accueillie, se contentant de la renvoyer, contre toute évidence, à une recherche d’autoritarisme qu’ils étaient les seuls à alimenter. Alors que depuis des années les plateaux télévisés s’emplissaient de débats humiliants prenant pour cible des minorités instituées en boucs émissaires, tournée infinie sur autant de sujets dégradants chargés de distraire le peuple, les gilets jaunes se sont constitués dans la dignité. Les intellectuels et politiciens de gauche, satisfaits jusqu’alors de l’écrasement de la question sociale, se seront montrés frileux tout au mieux, inquiets le plus souvent, faisant planer une menace d’extrême-droite que seule nourrissait leur pusillanimité. Ceux de droite et les inconscients de la Macronie se seront réfugiés dans une pulsion d’ordre, propulsant de vaines tentatives qui de Place Publique à des listes de gilets jaunes en passant par des grands débats atrophiés, pures opérations de propagande visant à court-circuiter toute intermédiation démocratique afin d’écraser la contestation, permettraient d’intégrer la contestation, permettraient d’intégrer ce mouvement à l’existant. (…)

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Minorité de casseurs

“Christophe Castaner déclarait, le 7 décembre 2018, qu’“environ 10000 ‘gilets jaunes’ dans toute la France, ce n’est pas le peuple, ce n’est pas la France, c’est une petite minorité”. Le prenant au mot, nous lui répondons ceci : quelques milliers d’ultra-riches en “costard sombre” ce n’est pas le peuple, ce n’est pas la France, c’est une petite minorité. On ne peut pas les laisser, ces factieux à Rolex, ces casseurs en col blanc, continuer à piller nos vies.”

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,
Le président des ultra-riches,
Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron
,
La Découverte, 2019

Risque

“Richard Ferrand, président du groupe En marche ! à l’Assemblée nationale, eut un jour une formule involontairement prophétique : “Emmanuel Macron, déclarait-il en octobre 2017, n’est pas le président des riches, c’est le président du risque.” Ce qu’il voulait dire par là, en bonne novlangue néolibérale, c’est qu’il était le président des actionnaires — ces rentiers irresponsables que l’on nous dépeint depuis les années 1980 comme des investisseurs intrépides. Mais l’expression prend à présent un autre sens. Du fait du rejet massif que sa politique oligarchique, trop voyante, trop arrogante, a réussi à concentrer sur sa personne, Macron représente désormais un risque politique pour la classe sociale dont il a voulu trop agressivement — trop “intelligemment”, diront certains — défendre les intérêts.”

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,
Le président des ultra-riches,
Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron
,
La Découverte, 2019

Intellectuel

“Emmanuel est le roi du karaoké. Il a une connaissance encyclopédique de la chanson française. Et il n’est pas le dernier à déconner.”

Mathias Vicherat, Paris Match, 11 mai 2007

“Avec Manu, on faisait la bringue ensemble. […] Il connaissait par coeur Stone et Charden, Gérard Lenorman aussi.”

Mathias Vicherat, Libération, 8 mai 2007

in Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,
Le président des ultra-riches,
Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron,
La Découverte, 2019

Cynisme

“Christophe Barbier, l’“éditocrate” de L’Express, s’est fendu d’une analyse censée mieux éclairer la stratégie du président (…). Question du présentateur, le 27 août 2018 sur BFM TV : “Des retraités en colère, est-ce que ça peut être dangereux pour Macron ?” Réponse : “A long terme je ne crois pas. Pour plusieurs raisons. D’ici la fin du quinquennat il y aura peut-être l’occasion de donner un petit peu aux retraités. […] Ensuite, […] sans tomber dans le cynisme, il y a beaucoup des plus âgés de ce pays qui ne seront plus électeurs en 2022 parce qu’ils seront morts. Et voilà !” Sans tomber dans le cynisme, donc. Toutefois, la colère des “gilets jaunes” a fait reculer Emmanuel Macron, qui a annoncé le 10 décembre 2018 que la hausse de la CSG ne concernerait au final que les retraités touchant plus de 2000 euros.”

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,
Le président des ultra-riches,
Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron,
La Découverte, 2019

Sale petit con

“Une employée de ce centre tennistique, situé à 400 mètres de la villa Monéjean, que nous avons rencontrée dans la navette qui relie la gare de la ville très populaire d’Etaples au Touquet, regrette le surtravail qu’exige la présence du président de la République sur les courts de tennis car “tout doit être nickel !”. La repartie de son voisin, dans le bus, est cinglante : “sale petit con !”

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,
Le président des ultra-riches,
Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron,
La Découverte, 2019

Police

“Cela ressemble à une loi physique. Plus l’ordre social perd de son crédit, plus il arme sa police. Plus les institutions se rétractent, plus elles avancent de vigiles. Moins les autorités inspirent de respect, plus elles cherchent à nous tenir en respect par la force. Et c’est un cercle vicieux parce qu’à la croissante débauche de force répond une efficacité toujours moindre de celle-ci. Le maintien de l’ordre est l’activité principale d’un ordre déjà failli.”

Comité invisible, Maintenant, La Fabrique, 2019, p.109

Violence

“C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense.”

Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, 1996

Ennemi intérieur

C’est donc gagné pour les black blocs, leur démonstration est faite. Leur stratégie de toujours est de démontrer, en organisant l’affrontement systématique avec les forces de l’ordre, que la nature profonde de tout État capitaliste est autoritaire ou dictatoriale. Nous y sommes, l’État mobilise la troupe pour endiguer et mieux réprimer un mouvement social désormais considéré comme « un ennemi intérieur », seul motif d’engagement de l’armée sur le territoire national, comme l’ont rappelé les successifs livres blancs sur la défense.”

François Bonnet, “Emmanuel Macron, le vertige autoritaire”,
Médiapart, 21 mars 2019

Scénario

“Les traités actuels et tous les précédents ne peuvent être modifiés qu’à l’unanimité des Etats membres ou ne prévoient pas de procédure de révision. Mais il est faux d’en déduire l’impossibilité de réformer l’Union. L’expérience le prouve : au lieu d’utiliser la procédure de révision à l’unanimité, les Etats membres ont contourné cette difficulté en empilant les traités.

Notre stratégie d’insoumission est une stratégie diplomatique, avec pour vis-à-vis des gouvernements des autres Etats membres, qui seront tantôt des alliés, tantôt des adversaires. En d’autres termes, nous engagerons un processus de négociation fondé simultanément sur un rapport de forces et sur des jeux d’alliances évolutifs. Nos interlocuteurs ne seront pas des statues de sel, muettes, et le résultat final sera le fruit de nos interactions. Cette stratégie doit donc, pour couvrir les cas de figure prévisibles, prendre la forme d’un scénario à tiroirs. (…)

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Droit

“L’un des aspects les plus remarquables du processus de fragmentation en cours est qu’il touche cela même qui jusque-là devait assurer le maintien de l’unité sociale : le Droit. Législations antiterroristes d’exception, mise en pièces du droit du travail, spécialisation croissante des juridictions et des parquets, le Droit n’existe plus. (…) L’objet des grands projets de loi des dernières années en France se résume quasiment à l’abolition des lois en vigueur, au démantèlement progressif de toute garantie juridique. Si bien que le Droit, qui prétendait protéger les hommes et les choses devant les aléas du monde, est plutôt devenu ce qui ajoute à leur précarité.”

Comité invisible, Maintenant, La Fabrique, 2017, p. 33-35

Opting out

“L’Union européenne n’est pas un super-État dont la volonté, inexorable, s’imposerait aux États membres. Elle n’est pas non plus un État fédéral, détenteur d’une souveraineté européenne. En réalité, elle est une organisation internationale : son existence est fondée sur des traités, au même titre que l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), par exemple. De fait, ses membres conservent leur souveraineté ; ils n’obéissent à ses règles que parce qu’ils y ont consenti en adoptant ses traités.

Désobéir est légal. Cela s’appelle une option de retrait. Par ce mécanisme, un État peut décider souverainement qu’il se soustrait à une partie des règles de l’Union européenne. Il peut négocier une option d’emblée — ainsi, lorsque les accords de Schengen devinrent partie intégrante des règles de l’Union à la suite du traité d’Amsterdam, le Royaume-Uni et l’Irlande obtinrent de ne pas les appliquer. Il peut aussi la négocier après coup : le Royaume-Uni avait par exemple obtenu de ne pas être justiciable de la charte sociale européenne en 1989 (il l’acceptera quelques années plus tard). Cette option de retrait peut également être décidée par un État membre sans négociation. En 2003, la Suède organisa un référendum national sur l’euro ; le « non » ayant récolté 56 % des voix, elle annonça à la Commission européenne qu’elle n’adopterait pas cette monnaie, ce qui constitue une option de retrait sans négociation. La riposte de la Commission fut foudroyante : elle en prit acte.

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Nasse

“La nasse ne constitue pas seulement une technique de guerre psychologique que le maintien de l’ordre français a tardivement importée d’Angleterre. La nasse est une image dialectique du pouvoir présent. C’est la figure d’un pouvoir méprisé, honni, et qui ne fait plus que retenir la population dans ses filets. C’est la figure d’un pouvoir qui ne promet plus rien, et n’a d’autre activité que de verrouiller toutes les issues. D’un pouvoir auquel plus personne n’adhère positivement, que chacun tente à sa manière de fuir, et qui n’a d’autre perspective panique que de maintenir dans son giron borné tout ce qui , incessamment, lui échappe. Dialectique, la figure de la nasse l’est en ceci que ce qu’elle a vocation à enfermer, elle le rassemble aussi. Des rencontres s’y produisent entre ceux qui tentent de déserter. Des chants inédits et plein d’ironie en naissent. Une expérience commune s’y fait. Le dispositif policier est inapte à contenir la sortie verticale qui s’y produit sous la forme de tags qui ne tardent pas à consteller chaque mur, chaque abribus, chaque commerce. Et qui témoignent de ce que l’esprit, lui, reste libre, même quand les corps sont retenus.”

Comité invisible, Maintenant, La Fabrique, p.31

Commentaires

“Ce monde n’est plus à commenter, à critiquer, à dénoncer. Nous vivons environnés d’un brouillard de commentaires et de commentaires sur les commentaires, de critiques et de critiques de critiques, de révélations qui ne déclenchent rien, sinon des révélations sur les révélations. Et ce brouillard nous ôte toute prise sur le monde.”

Comité invisible, Maintenant, La Fabrique, 2017, p.8

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Mode

“La bourgeoisie a toujours bon goût puisque le bon goût se définit par le fait que c’est le sien. Elle ne saurait déroger au dress code qu’elle fixe. Un prolo débarquant en sous-pull jaune dans une soirée commet une faute de goût, un bourgeois pareillement attifé vient de redéfinir le code.”

François Bégaudeau, Histoire de ta bêtise, Pauvert, 2019, p.124

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