Guerre froide 2.0

« Depuis le début de la crise [ukrainienne], Américains et russes font de l’Europe le terrain de leur affrontement.

Dans la guerre froide historique opposant l’URSS et le “bloc occidental”, l’Europe se trouvait au coeur du choc, alors que les “conflits périphériques” se multipliaient en Asie ou en Afrique. Mais aujourd’hui (…), c’est bien l’Asie qui se retrouve au centre du jeu, tant au niveau économique que d’un point de vue géopolitique. Ce basculement a amené nombre d’experts à rester aveugles aux menaces croissantes qui visent le Vieux Continent. “Le vrai rival des Etats-Unis, c’est la Chine. C’est la nouvelle guerre froide. Là-dedans, Europe et Russie sont désormais des pions”, me confie un acteur de la défense en France. L’Europe est devenue, sans qu’elle s’en rende compte, la périphérie du monde.

Depuis le début de la crise, les Américains rappellent ainsi qu’ils ne souhaitent pas entrer directement dans un conflit en Ukraine. Leur préoccupation première reste la Chine, et ils veulent éviter d’avoir à s’impliquer dans ce qui pourrait devenir une guerre avec la Russie. Cela ne les empêche pas de souffler sur les braises. L’ancien patron de la CIA, Leon Panetta, a ainsi expliqué à l’agence de presse Bloomberg que les Etats-Unis étaient en fait engagés dans une guerre par proxy (procuration) contre la Russie en Ukraine, via les livraisons d’armes et l’action des services de renseignement. »

Marc Endeweld, Guerres cachées,
Les dessous du conflit russo ukrainien
, Seuil, 2022

Entre Macron et Poutine, Chevènement tenait la chandelle

« Le président français avait (…) tenu à faire du “dialogue avec la Russie” l’une de ses priorités diplomatiques au moment de son accession au pouvoir en 2017. Deux mois à peine après son élection, il avait fait tousser de nombreux diplomates du Quai d’Orsay en recevant Vladimir Poutine en grande pompe à Versailles. On se souvient aussi bien sûr de la visite du maître du Kremlin au fort de Brégançon en août 2019, à quelques jours du G7 de Biarritz.

Cet été-là, Emmanuel Macron va jusqu’à dénoncer l’existence d’un “Etat profond” au Quai d’Orsay lors de la traditionnelle conférence des ambassadeurs, devant un parterre de diplomates médusés. Il est clair à ses yeux que l’administration diplomatique l’entrave dans sa démarche de dialogue avec Poutine. Le président exhorte alors ses diplomates à “repenser […] notre relation avec la Russie” et à renforcer le dialogue avec celle-ci, car “pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique, parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres puissances comme la Chine, ce qui ne serait pas du tout notre intérêt”. Déjà, dans son livre Révolution, publié lors de la campagne présidentielle, il annonçait son intention de “travailler avec les Russes pour stabiliser leur relation avec l’Ukraine et permettre que soient levées progressivement les sanctions de part et d’autre”. Pour développer ce “dialogue”, le président français mise dès son arrivée à l’Elysée sur la constitution d’une relation personnelle avec son homologue russe. Il recourt à la même méthode avec Donald Trump, sans grand succès.

On doit en fait l’utilisation de cette formule de l’“Etat profond” visant le Quai d’Orsay — et surtout certains de ses diplomates considérés comme proaméricains et atlantistes — à Jean-Pierre Chevènement, proche conseiller du soir d’Emmanuel Macron et partisan d’un rapprochement avec la Russie. L’ancien ministre de Françaois Mitterrand et Lionel Jospin n’est pas le seul à avoir eu l’oreille du président sur ce dossier. l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine a aussi joué un rôle. Mais, en début de quinquennat, c’est Chevènement qui est envoyé à plusieurs reprises par le président faire passer des messages à Vladimir Poutine.

Cette excuse de l’“Etat profond” est pourtant un peu facile. La posture hostile du président français peine à masquer ses erreurs stratégiques, lui qui a multiplié les positions contradictoires sur le dossier, usant d’un “en même temps” diplomatique aux maigres effets. »

Marc Endeweld, Guerres cachées,
Les dessous du conflit russo-ukrainien
, Seuil, 2022

Covid et capitalisme

« L’épidémie de Covid n’a évidemment pas été fabriquée pour réduire encore davantage les libertés publiques tout en favorisant l’emprise des Gafam, elle a été une opportunité de le faire. Dire que l’épidémie est fonctionnelle et nécessaire au capitalisme serait évidemment une erreur (…). »

Bernard Friot, in
Bernard Friot & Frédéric Lordon, En travail,
Conversations sur le communisme
, La dispute, 2021, p. 167

Grogne

« Mélenchon a raison de dire que certains fâchés ne sont pas fachos, en revanche 100% des fachos sont fâchés. J’ai compté.

La colère est peut-être l’affect-socle de l’extrême-droite. Le facho n’est pas seulement en colère contre la libération anticipée d’un violeur, il est en colère contre tout. La colère lui est un diapason réglé dès le matin, une disposition en attente d’un contenu. Il lui reste à pointer dans n’importe quel objet le truc qui fâche, et à toujours y revenir, et à sembler tirer de ce ressassement une joie mauvaise. (…)

L’extrême-droite, c’est peut-être ça : une mauvaise humeur qui se prend pour un projet politique. Et l’anar de droite ? Une pente contestataire que le passage aigre du temps dégrade en mauvais caractère.

La mauvaise humeur s’autoalimente. Plus elle m’envahit plus je l’exprime, plus je l’exprime plus elle m’envahit. »

François Bégaudeau, Notre joie, Pauvert, 2021

ON NE COMBAT PAS LE MAJORDOME DU CAPITAL EN VOTANT POUR LE CHIEN DE GARDE DU CAPITAL

La question du vote du second tour à l’élection présidentielle 2022 après l’élimination de justesse de la gauche va susciter sans doute des débats jusqu’au 24 avril. Ces débats sont douloureux et légitimes.

Mais il convient de rappeler que les organisations de gauche (au sens large) tiennent des positions qui vont du « barrage anti-Le Pen » (via un vote Macron) au slogan « ni Le Pen ni Macron » en passant par le choix entre abstention, vote blanc (ou nul) et vote Macron. Tous ces choix peuvent être discutés dans la situation terrible que nous vivons. Mais la position commune de toute la gauche est « pas une voix pour Le Pen ». Et soit dit en passant, non, on ne l’appelle pas « Marine », car cette familiarité ne fait qu’euphémiser insidieusement le fascisme. L’héritière Le Pen n’est pas notre copine. Ce n’est pas une sympathique mémère à chats. C’est la fille grande-bourgeoise d’un tortionnaire dont le parti d’extrême-droite a été fondé par d’anciens SS, d’anciens pétainistes, des intégristes cathos et des militants de l’OAS.

https://vimeo.com/189604726

Elle est toujours entourée de nazillons et malgré l’intense campagne médiatique de dédiabolisation, bien aidée par l’épouvantail Zemmour, qui aura contribué à l’humaniser, son programme est fait pour nous faire morfler, et ne propose qu’un libéralisme ethnicisé qui n’a rien d’un programme de gauche.

Mathieu Molard : « Si Marine Le Pen est élue, il y aura des violences dans les minutes qui suivent. »

Aux camarades tentés par la fuite en avant fasciste sous prétexte de « tout brûler » (enfin surtout les tentes des exilé.e.s, hein), que ça causerait une « révolution » (lubie que l’histoire a toujours démentie), que Le Pen n’aurait pas de majorité à l’assemblée (c’est mal connaître la 5e République), que ce ne serait pas pire que Macron (les ratonnades et la chasse aux « gauchiasses », les fafs s’y préparent de longue date et ils ne se contenteront pas de crever quelques yeux et d’arracher quelques mains comme sous Macron), que l’héritière Le Pen aurait un programme « social » (la blague), disons ceci :

ON NE COMBAT PAS LE MAJORDOME DU CAPITAL EN VOTANT POUR LE CHIEN DE GARDE DU CAPITAL.

Fraternellement,

No pasaran.

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