Situation n°5 : “En-dessous de la mandragore”

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Paroles : Siegfried G
Musique : Maya de Luna

Arrangement : Siegfried G
Musicien.ne.s :
Maya de Luna : chant
Siegfried G : clavecin, guitare, basse, programmation

Chris Thomas : programmation

Illustration : Siegfried G
Paroles : 

En dessous de la
Mandragore
Gît une pauvre âme
Dont le tort
Fut de ne pas croire au dieu
Terrible de ses aïeux,
Reniant leur confiteor.
Ainsi périt l’hérétique
Qui n’eut en guise de viatique
Que le baiser de la mort.

Pas la moindre larme
Pour le sort
De cette pauvre âme
Dont le tort
Fut de ne pas mortifier
Sa chair et de préférer
A l’esprit les joies du corps.
Ainsi périt l’hérétique
Il n’en reste que relique
Juste sous la Mandragore.

Nous sommes en 2007. Tu viens de collaborer à l’album ASAP de Mankind Concept, alias Chris, toulousain rencontré virtuellement sur les réseaux de musique libre (BnFlower, Jamendo, Dogmazic, Mon Cul Prod), et qui t’avait invité à chanter sur quelques morceaux de son album, en compagnie de la chanteuse lyonnaise Christine alias Maya de Luna. Le travail s’était réalisé à distance par échanges de fichiers : Chris vous envoyait son arrangement instrumental et les textes, puis Christine et toi ajoutiez votre partie vocale, à charge pour Chris de trier dans les prises et de mixer. De fil en aiguille, la collaboration s’était intensifiée, puisque sur les deux derniers morceaux d’ASAP, tu avais arrangé et mixé un titre (“Mariage improbable“), et fourni un morceau instrumental de ton crû que Chris avait retrituré et sur lequel il avait posé des paroles (“Esther Gaïa“). De là était née l’idée de constituer un trio virtuel, à l’image du groupe américain Tryad (qui avait eu un certain écho dans le petit monde de la musique libre) et de commencer à travailler sur un nouvel album réalisé cette fois en tant que groupe. Pour initier cette nouvelle coopération, vous aviez décidé de partir de quelques demos de Christine, constituées d’une ligne de piano et de vocalises ou de “yaourt”. Tu as ainsi jeté ton dévolu sur l’une d’elle, dotée d’une structure ternaire un peu boiteuse avec un potentiel mélodique certain.

Te voici donc bidouillant sur cette matière première. Entre la voix cristalline de Christine et les références new wave de Chris qui avaient donné le ton de l’album ASAP, tu choisis de creuser la piste gothique, en écrivant un texte d’inspiration moyen-âgeuse, qui fait suite à “Au-dessus de la mandragore“, morceau que tu avais composé pour le groupe Crème Brûlée une dizaine d’années plus tôt, et qui était déjà empreint de réminiscences du “Verger du roi Louis” de Brassens et Théodore de Banville, de la Ballade des pendus de François Villon (dont tu ne découvriras que bien plus tard l’excellente version de Serge Reggiani) ou du “Strange fruit” de Billie Holliday. Une fois le texte terminé, tu penses même que le thème de la mandragore pourrait être le fil conducteur du futur album. Tu souris en pensant qu’après “En-dessous de la mandragore” et peut-être une version ré-arrangée de “Au-dessus de la mandragore”, il pourrait y avoir bientôt “A côté de la mandragore”, “Par-delà la mandragore”, “Ne marchez pas sur la mandragore”, “Cherchez la mandragore”, “Autant en emporte la mandragore”, “Le retour de la mandragore”, “La mandragore contre-attaque”, “Les mandragores font du ski”, “Maman, j’ai encore raté la mandragore”…

L’avantage du travail de groupe, c’est que les autres peuvent te calmer dans tes délires, des fois.


Tu rejoues la ligne de piano de Christine avec un son de clavecin, ajoutes une ligne de basse, quelques riffs de guitare qui feront hésiter la rythmique entre valse et reggae, tu programmes quelques boucles de batterie, ajoutes au synthé une mélodie de choeurs masculins donnant une atmosphère grégorienne… Les harmonies vocales de Christine s’intégreront bien à l’ensemble, avec quelques passages de guitare enregistrés à l’envers pour le côté psychédélique (sur bande magnétique, il suffisait de retourner celle-ci ; sur ordinateur, tu fais un mix de l’arrangement de base, tu lui appliques l’effet “reverse”, tu joues par-dessus, puis tu fais un “reverse” de ce que tu as joué et tu le réintègres dans l’arrangement normal, ce qui donne ce drôle de son aspiré très prisé dans les années 60-70, notamment sur certains morceaux de l’album Revolver des Beatles ou d’Electric Ladyland de Jimi Hendrix). Tu sépares les deux couplets par un pont de ton cru à la guitare folk que Chris enrichira de quelques bruitages et tu ajoutes une touche orientalisante avec quelques arpèges de violon joués au synthé.

Au final, Chris aura peu contribué au morceau, la structure peu conventionnelle le laissant à court d’idées, mais lui et Christine semblent contents du résultat et tu ne doutes pas que Chris aura l’occasion de prendre en main d’autres morceaux de l’album…

Celui-ci ne verra pourtant jamais le jour. Christine sera tellement satisfaite du morceau qu’elle décidera de le sortir sur l’album Coup de coeur de Maya de Luna & Cie et de le publier sur la plateforme Jamendo que Chris et toi aviez pourtant décidé de boycotter lorsque vous vous étiez rendus compte que cette start-up ne diffusait de la musique libre que dans le but de vendre de la musique au mètre à des enseignes commerciales, pratiquant ainsi un dumping social sans scrupule vis à vis des musiciens professionnels de l’illustration sonore. Après quelques explications de texte, Christine acceptera de retirer “En-dessous de la mandragore” de Jamendo, mais c’en sera fait de votre collaboration, et le trio initialement prévu se réduira à un duo que tu formeras avec Chris : DIY-AD(d).

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