Situation n°11 : Waiting for the man

Extrait de la Demo 1993 des Black Noddles
Paroles & musique : Lou Reed
Musiciens :
Siegfried G : voix
, piano, harmonica
Eric C : guitare, voix
Stéphane L “guitar hero” : guitare
Philippe T : basse
Philippe J : batterie
Silvia C : voix
Karine P : voix

Nous sommes en 1993. Le groupe que tu as formé avec Eric C deux ans auparavant commence à se stabiliser. Après différents noms (Catherine et les Raouls, les Globules, CWI), vous êtes désormais les Black Noddles. Tout le monde comprend “les nouilles noires”, mais ça veut plutôt dire “les caboches noires”. Et bien sûr, tu pensais aux “gueules noires” quand tu as proposé le nom. Avec Eric, vous vous êtes rencontrés en Khâgne : lui repiquait son année quand tu faisais ta première tentative. Il ambitionnait d’être géographe quand, de ton côté, tu ambitionnais surtout de ne rien ambitionner, prenant très au sérieux le mot d’ordre de Guy Debord : “Ne travaillez jamais”.

Si tu avais atterri en classe prépa, ce n’était pas franchement par envie de rejoindre l’élite, mais plutôt parce que cela retardait l’obligation de choisir un métier et aussi de faire cette saleté de service militaire obligatoire. Vous détonniez un peu par rapport au khâgneux moyen. Pendant les épreuves blanches qui duraient des heures, vous arriviez avec du pinard et du calendos. Eric avait une passion pour les fromages qui puent. Et bien sûr celui qu’il apportait durant les épreuves fouettait particulièrement. Les autres élèves vous jetaient des regards indignés, mais cela faisait plutôt marrer les profs. Bien sûr, vous n’avez pas réussi le concours de Normale sup, et tu as vivoté quelque temps entre la fac et les petits boulots, puis l’objection de conscience (plutôt crever que de faire l’armée ou même de simuler la folie pour se faire réformer).

Mais surtout, il y avait la musique. Le soir, tu trainais souvent dans le Quartier Latin : avec l’ami Stéphane P, vous alliez au Pot d’Etain, où il y avait un piano, ce qui permettait de se faire offrir des bières en enchainant les blues et les boogie à 4 mains ; mais tu retrouvais aussi une bande de musiciens du métro au Carabin, où ils venaient dépenser les pièces qu’ils avaient gagnées dans la journée (des fois, tu accompagnais Freddy, un guitariste, pour faire la manche dans le métro, et comme tu ne pouvais pas y emmener un piano, tu t’étais mis à l’harmonica). Et le week-end, vous vous retrouviez chez tes parents avec Eric, lui à la guitare, toi au piano ou à l’harmo. Le registre était plutôt jazzy blues, et c’est là que tu as composé des morceaux comme “Libidineux blues”, “Le blues du travelo”, “Les p’tits boulots“… Eric était un puits de science en matière de blues, et il avait aussi une passion pour Pink Floyd. Cela constituait un bon terrain d’entente, et c’est sur cette base que vous avez constitué un groupe avec des copains d’Eric (Philippe à la batterie, et Pierre à la guitare) ainsi que Catherine, une copine de Khâgne, à la basse (d’où le premier nom du groupe : Catherine et les Raouls, que vous avez gardé même après que Catherine a cessé de venir au bout de deux répèts au fin fond de l’Essonne, où Eric et ses potes avaient leurs quartiers). Passant une annonce pour trouver un bassiste, vous aviez vu bientôt débarquer Stéphane L, qui avait annoncé d’emblée qu’il aimait le blues, le rock et les Floyd. Il correspondait donc au profil, à ce détail près : il n’était pas du tout bassiste mais guitariste. Comme Pierre ne venait plus qu’occasionnellement, Steph fut aussitôt intégré comme deuxième guitariste et baptisé “guitar hero”. Un certain Sylvain vint tâter un peu de la basse avant d’être remplacé par un autre Philippe : Philippe & Philippe comme section rythmique, ça ne pouvait que fonctionner.

Dans la grange où vous répétiez après des métalleux velus qui vous chauffaient passablement la place, il n’y avait pas de piano, mais un vieux Farfisa, qui te servit pas mal avant de rendre l’âme et de t’obliger à investir (avec une bienvenue subvention familiale) dans un Roland JW 50 qui allait en voir des vertes et des pas mûres. Le répertoire du groupe était essentiellement constitué de standards blues et rhythm & blues (“Sweet Home Chicago”, “Stormy Monday”, “You don’t love me”, “Mary had a little lamb”, “What’d I say”, “In the midnight hour”, “Sitting on the dock of the bay”, “She caught the Katy”…), de Jimmy Hendrix (“Little Wing”), de Chuck Berry (“Johnny B. Goode”), des Rolling Stones (“Brown sugar”, “Sympathy for the devil”), de James Brown (“Sex Machine”) et de Pink Floyd (“Time”, “If”, “Echoes”, “Wish you were here”, sans compter les impros de trois plombes “à la manière de”).

Karine, une copine d’Eric, était ensuite venue compléter l’ensemble au sax et aux choeurs, et puis était arrivée Silvia, copine de la meuf de Stéphane “guitar hero”, aux choeurs. Aux choeurs oui, mais d’emblée, elle vous avait tous scotchés par sa puissance vocale, et sans oser le dire à Eric, tout le monde pensait qu’elle aurait dû prendre sa place au chant principal. Il faut dire qu’Eric est facilement à cran si le contrôle des opérations lui échappe. Tu as vite compris qu’il n’avait pas envie de jouer tes compos dans “son” groupe. Ce n’est qu’après avoir composé lui-même “Gamblin’ woman” qu’il acceptera que le groupe essaie une de tes compos, “I can’t’, puis plus tard “Le droit à la paresse”. Qu’à cela ne tienne, tu formes alors un autre groupe, Les Gniards, avec l’ami Stéphane P, pour jouer des compos… mais Eric s’y incruste au début, plus pour faire du sabotage qu’autre chose, finalement, avant de lâcher l’affaire. Pas simple.

Les Black Noddles, en 1993, aux Frigos du Quai de la gare.

Après une première démo pas très convaincante enregistrée en live dans un studio, vous remettez ça, toujours en live (vous n’avez pas les moyens de vous payer des enregistrements piste par piste). L’idée est de montrer ce que vous êtes capables de faire en concert, justement, afin de démarcher des salles. Comme Karine est la compagne du batteur des Silmarils, qui commencent à percer sur la scène fusion, vous espérez qu’elle réussira à vous dégotter quelque chose : enfin, autre chose que la fête de la musique, les rades de Montreuil ou les fêtes d’école de commerce, quoi.

Concert à Cergy, 1993.

Pour la démo, vous avez sélectionné des morceaux qui ont la pêche, plutôt dans la veine Blues Brothers : “What’d I say“, de Ray Charles, qu’emportés par votre élan, vous laissez tourner plus longtemps qu’il ne faudrait pour une démo (mais il faut dire que le morceau s’y prête), “Gamblin’ woman“, la compo d’Eric qui commence à être bien calée, “In the midnight hour“, de Wilson Pickett… et il vous faut un 4ème morceau, puisque vous comptez éditer une cassette avec deux faces comptant deux morceaux chacune. Vous choisissez un des morceaux qui fonctionnent le mieux en concert : “Waiting for the man”, reprise du Velvet Underground. Voilà qui jure un peu par rapport à la veine rhythm & blues. Il faut dire que si l’ensemble du groupe s’accorde sur le blues, la soul et Pink Floyd (même si Karine et Silvia se font chier sévère pendant les impros et les solos à rallonge), chacun tire aussi dans une autre direction : Eric penche vers le funk, Stéphane “guitar hero” vers le gros rock et Noir Désir, Silvia vers Janis Joplin… et toi vers les Beatles, le Velvet, le punk et les trucs déjantés, noisy, garage ou grunge (on est en pleine vague Pixies, Nirvana, Sonic Youth…). Au piano et à l’harmo, tu ronges un peu ton frein, d’ailleurs. C’est pour ça que tu commences à composer quelques morceaux à la guitare. Après avoir gratouillé sur une vieille folk sur laquelle il ne restait que trois cordes, tu t’es acheté pour même pas un mois de solde d’objecteur une Epiphone (très mauvaise) imitation de Gibson sur laquelle tu t’exerces en scred.

Le problème, c’est qu’Eric n’est pas chaud pour aller de ce côté là, encore moins pour chanter des trucs qu’il trouve trop dark… mais quand tu entames “Waiting for the man” en répèt, ou “Brand new cadillac”, rock de Vince Taylor que tu as découvert par la reprise de The Clash, Stéphane “guitar hero” et les deux Philippe embrayent aussitôt, et Eric, hésitant entre bouder et se laisser emporter par l’enthousiasme communicatif des autres, consent finalement à jouer, mais sans s’abaisser à chanter ça. Comme tu t’y es collé pour montrer les morceaux aux autres, tu restes finalement au micro, et puisque les deux morceaux fonctionnent, ils sont intégrés dans le répertoire.

A dire vrai, tu ne te sens pas super à l’aise sur “Brand new cadillac”, que tu voudrais chanter comme Joe Strummer, sauf que tu n’as pas du tout la voix rauque tu chanteur de The Clash, et tu n’as pas trouvé quelque chose de très intéressant au piano à faire dessus (tu as l’impression de rejouer “Johnny B. Goode”), mais “Guitar hero” s’éclate, et les deux Philippe vont même avoir l’idée d’y ajouter un break un peu hardos, donc ça passe. En revanche, sur “Waiting for the man”, en concert, il y a vraiment des moments de grâce. Comme le faisait d’ailleurs Lou Reed à l’époque du Velvet, vous ne jouez jamais le morceau de la même manière. C’est l’avantage avec un morceau qui reste la plupart du temps sur deux accords, la voix servant de repère pour le 3ème accord. Le reste du temps, ça peut partir au feeling dans n’importe quelle direction. Vous avez en gros un arrangement cool et un autre plus speed, et des fois vous jouez les deux dans le même concert (la version speed en rappel, le plus souvent), mais il vous arrive aussi de mêler les deux en une seule, commençant cool et partant en vrille quand toi ou Philippe le batteur le sentent : vous vous jetez des coups d’oeil en jouant, et quand le regard de l’un commence à pétiller, l’autre attaque aussitôt.

Concert à Cergy, 1993

C’est donc bien “Waiting for the man” qui a été choisi malgré le peu d’enthousiasme d’Eric comme 4ème morceau de la démo, mais ce n’est pas facile de rendre compte de cette alchimie des live sur un enregistrement studio, sans public. A la voix, tu n’essaies pas du tout d’imiter Lou Reed. Tu y mets juste ce que tu ressens. Non que cette histoire de mec qui attend son dealer d’héroïne dans l’underground new yorkais te corresponde : tu fumes comme un pompier, certes, et tu ne rechignes pas sur la biture voire sur quelques drogues moins licites, mais tu n’as aucune intention de t’injecter de l’héro dans les veines. Pourtant, cette histoire d’attente glauque, puis de bref répit du shoot (“I’m feeling good, I’m feeling oh so fine, until tomorrow but that’s just some other time“), ça te parle, à l’heure où tu ne sais foutrement pas quoi foutre de ta vie après l’objection de conscience (20 mois à tirer), où chaque plaisir n’est qu’un répit jusqu’à un lendemain incertain dans un monde de merde auquel tu n’as aucune envie d’adhérer ni de te conformer. Tu viens de passer le concours de prof, pour la forme, mais tu ne t’attends pas à être reçu, et puis qu’espérer de beau dans la France moisie de Balladur et ce fichu XXe siècle qui n’en finit pas de finir ?

Concert à Cergy, 1993.

Au piano, tu hésites entre le trip monocorde de John Cale sur la version de l’album à la banane du Velvet et des petits riffs plus bluesy, en mineur. Ça dépend de l’humeur. Mais à la fin, tu finis toujours par labourer le clavier de dissonances, ce qui n’est pas sans risque pour ce brave Roland JW-50 plus fragile qu’un vrai piano et qui risque à tout moment de basculer quand tu t’acharnes dessus. Pour l’enregistrement, tu optes pour un labourage pas trop violent, même si tu as renoncé aux petits riffs bluesy. Sur le moment, tu te rends compte que Philippe et toi n’avez pas été super en phase : il a été surpris parfois par les breaks. tu t’es rendu compte aussi que, comme d’habitude, les choeurs ne sont pas toujours calés sur ton phrasé à certains endroits, et puis ton solo d’harmo ne casse pas des briques et ta voix n’est pas au top (cet horrible “h” aspiré que tu inventes au début de “I’m waiting for my man”, c’est n’importe quoi, et la répétition monocorde du dernier couplet dérape un peu par moments). Mais tu n’as rien trouvé à redire aux envolées de guitare de Steph, qui semblaient bien coller. Pourtant, quand vous écoutez le résultat, c’est la consternation : qu’est-ce que c’est que ce son de merde ? “Guitar hero” est dépité. En fait, l’ingé son qui doit avoir l’habitude d’enregistrer du jazz a branché l’ampli de Steph en line-out pour le rentrer dans la sono, au lieu de le repiquer par un micro. Cela donne un son métallique qui n’a rien à voir avec le vrai son de guitare disto de Steph. Toi, tu trouves ça marrant, finalement, parce ce son te rappelle celui de “Revolution” des Beatles, morceau que tu rêverais de reprendre (mais ça n’aurait aucun intérêt au piano : faudra vraiment que tu te mettes à la guitare, un jour). Mais Steph est outré.

Cela dit, vous êtes contents d’avoir une démo qui sera même éditée sur cassette, avec votre nom dessus, et le contact de Karine pour laisser aux programmateurs de salles de concert. Une vraie cassette avec jaquette et tout, sans le souffle des enregistrements que tu fais parfois en répèt avec un vieux magnétophone que vous avez surnommé Roger et ses couteaux (Roger parce que c’est un beau nom pour un magnétophone, et les couteaux, c’est pour caler les touches record et play qui remontent toutes seules sans cela). Une vraie cassette avec un bon son, qu’on peut écouter sur chaine hi-fi ou auto-radio.

C’est quand-même cool, non ? Until tomorrow but that’s just some other time

Concert à Cergy, 1993.

Situation n°10 : Summertime

Enregistrement en répétition de w[n]e
Paroles : DuBose Heyward & Ira Gerschwin
Musique : George Gerschwin
Musiciens :

Pola K : voix
Loran : guitare
Siegfried G : basse, harmonica

? : batterie

Illustration : Siegfried G

Nous sommes en 2007. L’année précédente, tu as rencontré virtuellement Loran et Pola via le mouvement de la musique libre, qui a transposé à la musique les principes du logiciel libre. Dans les échanges sur les forums des plateformes Jamendo (qui a dévoyé le mouvement pour bâtir un honteux commerce de musique au rabais sur internet) et Dogmazic (plateforme de l’association “Musique Libre”), tu as d’emblée apprécié les interventions de Pola et Loran, mordantes, pertinentes et drôles à la fois. C’est ainsi que tu as découvert Mon Cul Prod, leur site collaboratif proposant notamment des “orgies sonores” auxquelles tu t’es empressé de participer, immédiatement séduit par le côté situationniste, potache et déconnant de la petite bande qui y sévit. Et puis vous vous êtes retrouvés un soir dans Paris pour papoter et improviser dans la rue. Tu avais juste apporté un harmonica, Loran une guitare et une basse acoustiques, et Pola, entre 2 impros bluesy, s’était mise à chanter quelques morceaux de leur composition. Loran t’avait proposé d’essayer la basse. Quelques minutes plus tard, il t’expliquait qu’ils avaient formé un groupe pour jouer leurs compos et quelques reprises, dont le célèbre Summertime de Gerschwin, et qu’ils cherchaient un bassiste.

— Ça te dit ?
— Mais, je suis pas bassiste, avais-tu répondu.
— C’est ça qui est bien.
— Ah.

Te voici donc préposé à la basse dans le groupe w[n]e. Apparemment, ça voudrait dire “warriah not experienced”, mais des fois ça change, et tu comprends pas trop le sens des crochets. Mais qu’importe ? Ne possédant pas de basse, et la basse acoustique de Loran et Pola se révélant inadaptée pour le concert qu’ils ont déjà prévu de faire à “La condition publique” à Roubaix dans quelques semaines, tu empruntes son instrument à Benoît, l’ancien bassiste des Vaches Folles et de Crème Brûlée, qui est flic et tâte désormais plus souvent de la matraque que du manche à 4 cordes. Pauvre monde.
Le génial Manu alias Solcarlus est aussi de la partie. Lui qui te mêle fingers in the nose influences jazzy et Satie ou Chopin au piano, et bidouille aussi de l’electro sur ordi, le voici à la batterie, et il se démerde pas mal. Dommage qu’il déclare vite forfait pour raisons personnelles. Qu’à cela ne tienne, Pola et Loran recrutent carrément un batteur pro qu’ils vont payer pour venir jouer au concert. Être payé pour jouer, quelle drôle d’idée !

Vous voici donc en répétition. Au début, tu te chopes des cloques sur les doigts de la main gauche, pas habitués à appuyer sur des cordes aussi grosses. Sur la plupart des morceaux, tu joues au médiator, parce que c’est comme ça que tu joues de la guitare et que tu n’as jamais appris la basse (remarque, tu n’as jamais pris un cours de guitare non plus, donc c’est pas un argument). Et puis, pour jouer à l’aise avec les doigts de la main droite, tu as l’impression qu’il faut porter la basse hyper haut, et ça pas question. Toi, tu veux jouer à la punk, avec la basse à hauteur de genoux comme Sid Vicious, Jean-Jacques Burnel, Paul Simonon ou Peter Hook. Ou Kim Deal, à la rigueur. Bon, en fait, tu n’as pas de sangle assez longue, donc tu joues juste avec la basse au même niveau qu’une guitare.

Concert à La Condition Publique, Roubaix, 2008. Photo de jackf.

Mais sur Summertime, qui commence en douceur, un coup de médiator claquerait trop, donc tu y vas quand-même avec les doigts, d’autant que le médiator t’embarrasserait quand tu dois choper l’harmonica. Parce que oui, le temps de quelques mesures, tu lâches le manche pour balancer un solo d’harmo. C’est venu comme ça en répèt : tu avais l’harmo dans la poche, Pola avait laissé le couplet partir en instru, Loran restait calé sur sa rythmique de gratte et ne tentait pas de solo, alors tu avais sorti subrepticement la tuyauterie, et l’idée avait été validée. C’est ta seule dérogation au rôle de bassiste discipliné qui fait ce qu’on lui dit de faire, ce qui est somme toute assez plaisant : débarrassé de la responsabilité de chanter et d’assurer des parties de guitare, tu te satisfais pleinement du plaisir plus physique de la basse sur les autres morceaux où ça bourrine davantage. L’instrument est plus massif et plus lourd qu’une guitare. Ça te campe au sol. Les graves vrombissent en provenance de l’ampli derrière toi et les vibrations te remontent dans le corps par les pieds. Ton manque de technique t’interdit les fioritures et tu joues essentiellement sur les deux cordes les plus graves, les plus grosses, les plus vrombissantes, avec pour toute fantaisie un petit coup de flanger sur un morceau. Pas vraiment Jaco Pastorius, quoi.

Concert à La Condition Publique, Roubaix, 2008. Photo de jackf.

Tu garderas longtemps le goût de cet instrument… bien que l’expérience s’interrompe brutalement quand Loran et Pola quitteront Paris juste après le concert à Roubaix. Finalement, tu avais juste été enrôlé le temps d’un concert, comme le batteur, à la différence que lui avait été payé. Être payé pour jouer, quelle drôle d’idée !

Concert à La Condition Publique, Roubaix, 2008. Photo de Mr. Ersatz.

Situation n°9 : Ellie’s song

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Paroles & Musique  : Siegfried G
Groupe : Family G

Ellie-Rose G : voix, kazoo,
Lisa G : voix
Siegfried G : piano jouet, piano, cithare jouet, basse, guitares, ukulele, harmonicas, percussions, choeurs, sifflement

Illustration : Lisa G & Siegfried G
Paroles

I am Ellie
I want to be
A very big girl
I am a rose
I follow my nose
In the big big world

Where you tell me not to go
I go anyway
I do what I want to do
And I don't care what you say

You are Ellie
You want to be
A very big girl
You are a rose
You follow your nose
In the big big world

Where I tell you not to go
You go anyway
You do what you want to do
And you don't care what we say

Nous sommes en 2019. Ta plus jeune fille, Ellie-Rose, a déjà 5 ans. Elle te voit parfois faire de la musique et adore taper sur la batterie électronique ou brailler dans le micro, mais marque moins d’intérêt pour ses propres instruments d’enfant : un cithare africain offert par tes parents, un tambourin, un antique toy-piano Michelsonne que tu as déniché d’occasion et qui te rappelait celui que tu avais toi-même enfant, bien avant que Yann Thiersen en fasse son fétiche… Effet madeleine de Proust garanti lorsque s’ouvre le petit clavier avec son vacarme si caractéristique de tiges métalliques. Mais la gamine n’en a jamais eu grand chose à faire. Elle préfère décidément hurler dans le micro, c’est plus rigolo.

“Et si on te faisait enregistrer un vrai morceau fait exprès pour toi ?” lui proposes-tu. Elle acquiesce avec enthousiasme. Te revient alors en mémoire une ligne de piano toute simple qui te court par les doigts depuis des années mais dont tu n’as jamais rien fait. Son petit côté ragtime se prêterait en effet plus à la bande son d’un film muet qu’aux morceaux que tu enregistres en groupe ou en solo. Mais le côté léger, voire sautillant, te semble adapté à la gamine. Autant le jouer sur le vieux toy-piano Michelsonne, du coup, pour accentuer le côté enfantin. En voyant jouer la petite, les paroles te viennent naturellement dans la langue de Shakespeare avec laquelle elle est familière par sa mère. Et c’est parti pour l’enregistrement d’Ellie’s song… du moins tant qu’elle le veut bien. Parce qu’il n’y aura pas plusieurs prises. Mademoiselle a en effet décidé que cela suffisait et le dit clairement. Ce n’est pas négociable. Tout au plus consentira-t-elle à souffler dans le kazoo, ça quand-même, c’est assez marrant, d’accord, mais pas plus. Te voilà donc avec un couplet et un refrain enregistrés. Un peu court, tout de même. Heureusement, la mère de l’enfant acceptera de chanter un deuxième couplet. Il ne restera plus alors qu’à compléter l’arrangement avec quelques parties instrumentales et à filmer quelques scènes de promenade avec l’asticot au cas où tu te déciderais à diffuser le morceau sous forme vidéo. Se promener au soleil en soufflant dans un kazoo, ça, ça va, on peut le refaire. Et le refaire encore. Et même aller jusqu’au manège. Et à la pêche aux canards. Et manger une glace. Et…

Comme le résultat dénote un peu par rapport à tes productions habituelles, c’est l’occasion d’imaginer un nouveau groupe : Family G, ce qui te permettra de réquisitionner aussi ton autre fille pour d’autres aventures. Family business, quoi, même s’il n’y a là absolument aucun business.



Situation n°8 : Paranoïa

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Extrait de la Demo 1996 des Vaches Folles
Paroles & musique : Stéphane P
Musiciens :

Stéphane P : voix, guitare
Siegfried G : batterie, piano, voix

Stéphane L : guitare
Benoît D : basse
Illustration : Siegfried G
Paroles :

Ma paranoïa
Rôde autour de moi
Prête à bondir sur sa proie
Elle rôde autour de moi
Je sais que l’univers cherche à me nuire
Même les oiseaux sur leur fil c’est sûr conspirent

Je sens les regards
Arrimés à mon corps
Rivés sur mes avatars
A l’affût de mes torts
Est-ce là l’effet de l’imaginaire ?
Mais les fellows ont des airs de porte de frigo

Ma paranoïa
Rôde autour de moi
Prête à bondir sur sa proie
Elle rôde autour de moi
Je sais que l’univers cherche à me nuire
Même les oiseaux sur leur fil c’est sûr conspirent

C’est l’hypocrisie
L’apparat simili
Qui fait que je me méfie
Même de toi Léonie
Derrière les sourires et les mots agréables
Se cachent des pensées obscures c’est intolérable.

Nous sommes en 1996. Avec les deux Stéphane et Benoît, tu débarques aux Frigos du 91 quai de la gare à Paris. Tu y as déjà répété quelques années avec les Black Noddles ou Les Gniards, dans les studios du Luna Rossa, qui a vu défiler depuis les années 80 des groupes comme Bérurier Noir, Ludwig von 88, Molodoï… C’est toujours impressionnant de parcourir ce quartier de friche industrielle, près de la toute nouvelle bibliothèque François Mitterrand, et de la fameuse rue Watt naguère chantée par Philippe Clay sur un texte de Boris Vian :

“C’est une rue couverte

C’est une rue ouverte

C’est une rue déserte

Qui remonte aux deux bouts

Des chats décolorés

Filent en prise directe

Sans jamais s’arrêter

Parce qu’il y pleut jamais

Le jour c’est moins joli

Alors on va la nuit

Pour traîner ses savates

Le long de la rue Watt”

Boris Vian

Les frigos sont un grand squatt officialisé, bardé de graffiti, où les musiciens venus répéter croisent des artistes résidant dans les étages de béton délabré. Le Luna Rossa est en train de déménager rue du Chevaleret, à quelques centaines de mètres de là, dans un ancien entrepôt, mais il reste encore un studio d’enregistrement aux Frigos.

Vue générale du site des Frigos en 2003, photo de Pierre Laugier, CC BY-SA 3.0

“C’est nous qu’on est les Vaches Folles”, proclamez-vous à l’ingénieur du son qui vous ouvre son studio aménagé dans un des anciens frigos du lieu. Tronche du gars, qui vous a vu quelques jours plus tôt, Stéphane P et toi, venir enregistrer avec deux autres musiciens (Pierre et Erwan) sous le nom de Crème Brûlée. Le gars ne s’attendait pas à revoir vos pommes quelques jours plus tard. Il ne sait pas qu’il s’en est fallu de peu, d’ailleurs, pour que tu reviennes avec deux autres groupes, les Black Noddles et Nonante What, qui viennent juste de splitter. Il faut dire que travaillant à Tours depuis septembre 1995, les répèts à Paname avec 4 groupes, ça devenait tendax, même si tu rentrais tous les week-ends. Et puis tu as beau avoir un salaire de prof, à présent, payer des séances d’enregistrement en rafale, c’est au-dessus de tes moyens. Déjà, deux de suite, tu le sens passer…

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Situation n°7 : Aurélie sait

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Extrait de la Demo 1999 de Crème Brûlée
Paroles : Stéphane P
Musique : Siegfried G, Stéphane P
Musiciens :

Stéphane P : voix, guitare
Siegfried G :
guitare, voix, mastering
Jérôme V : basse
Franck C : batterie
Stéphane L : prise de son, mixage
Paroles :

Aurélie sait
Que je ne lui veux que mon bien.
Quand elle essaie
Sur moi son regard de satin,
Mon sang fait des bulles,
Mon sang fait des bulles.

Nous sommes en 1999. Tu joues de la guitare dans le groupe Crème Brûlée. Cela a pris du temps, mais vous tenez enfin une formation solide, dans la veine noisy pop (le nom “Crème Brûlée” a été inspiré par le titre d’un morceau de Sonic Youth) ou power pop. Après avoir usé deux batteurs et deux bassistes, vous obtenez enfin des résultats satisfaisants et, semble-t-il, durables, avec Jérôme à la basse, qui ne manque pas de feeling ni de culture rock, et Franck à la batterie. Avec Franck, cela n’a pas été simple, car il écoute surtout du reggae et du Zappa, et il a une fâcheuse tendance à repartir à contretemps après un roulement hasardeux. Les répétitions ont souvent été laborieuses et les incompréhensions pesantes. Et pourtant, alors que tu travailles sur ordinateur au mastering de la demo que vous venez d’enregistrer, tu mesures tout l’apport de Franck : son jeu à la fois tout en finesse et puissant, technique mais sans esbroufe et non dénué de groove même sur des rythmes binaires, te fait un peu penser à celui de Topper Headon, le fameux batteur de The Clash. Tu te rends même compte que l’empreinte de vos premiers batteurs, Alessandro ou Erwan, au style plus stoner rock (coucou Dave Grohl), vous a peut-être poussés à ne pas apprécier à sa juste valeur l’apport de Franck. Cela te saute aux yeux, ou plutôt aux oreilles, alors que tu tentes des réglages de compresseur et de limiteur sur le mix que t’a remis Stéphane L (surnommé “guitar hero”), que tu as connu comme guitariste dans les groupes Black Noddles et Les Vaches Folles, et qui, étant devenu ingénieur du son, vous a pris comme cobayes pour se faire la main sur les 3 titres que vous avez choisi d’enregistrer dans son studio : “Aurélie sait“, “On s’est marré” et “Le goût de la fuite” (vous avez aussi enregistré sur ton 4 pistes Tascam trois autres morceaux dans un studio de répétition, mais le résultat lo-fi est bien moins exploitable).

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Situation n°6 : Sirène

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Musique  : Siegfried G
Musicien :
Siegfried G : piano Wurlitzer

Illustration : Ellie-Rose G

Nous sommes en 2022. Plus précisément le 14 mai. Une date à marquer d’une pierre blanche car aujourd’hui, tu as décidé de COURIR. Mens sana in corpore sano, qu’ils disaient. Sauf que mens ça va, mais corpore salaud. Pour conjurer ce mortel ennui que tu sens déjà poindre, tu t’es muni d’écouteurs. Si vraiment il faut courir, autant le faire en musique. Tu as même prévu une playlist spéciale pour te donner du coeur, que tu as intitulée “Yogging”, parce que tu te connais, tout de même : tu auras beau tenter le jogging, ta vitesse de croisière risque d’être plus proche de celle d’un yogi en position du lotus que d’Usein Bolt. Pourtant, tu as veillé à mettre des musiques pour le moins pêchues : Highway to hell d’ACDC, Sabotage des Beastie Boys, Hey boy hey girl des Chemical Brothers, Police on my back de Clash, Crosstown traffic de Jimi Hendrix, Indios de Barcelona de Mano Negra, Stay away de Nirvana, Fucking in the bushes d’Oasis, Black Nite Crasch de Ride, Helter skelter des Beatles, Give me it de The Cure, Lust for life d’Iggy Pop, tous les Sex Pistols (bien sûr), et autres Ramones, Buzzcocks… etc. etc. Avec tout ça, ça devrait le faire… sauf qu’au moment où tu trouves tout de même que les autres joggers te doublent tous vachement vite, tu entends soudain “Sirène”, un morceau que tu avais composé dans les années 1990, et qui n’est pas vraiment dans le même style que la playlist. Sans doute une fausse manip. Tu es tenté de zapper, mais finalement tu te plonges dans l’écoute et te laisses emporter par la douceur monotone du morceau, qui s’accorde bien avec l’atmosphère paisible du canal le long duquel tu cours. Tu en profites d’ailleurs pour faire une photo, pendant que des joggers passent à côté de toi en haletant.

Les souvenirs remontent pendant qu’une femme enceinte te double. Cette piste de piano n’était pas seule, à l’origine. Tu l’avais jouée sur un séquenceur midi Roland JW-50, avec un son de piano, et y avais ajouté tout un arrangement de contrebasse, batterie, et cordes. Il y avait même des paroles que tu as en grande partie oubliées. Il faut dire qu’elles étaient très oubliables. C’est peut-être pourquoi tu avais laissé le morceau dormir pendant des années, le rangeant tout de même dans une compil “Rebuts et déchets” dont tu avais même imaginé l’illustration à partir d’un collage.

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Situation n°3 : Aucune trace

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA 
Paroles et musique : Siegfried G
Siegfried G : voix, guitare, harmonica, piano, tambourin
Paroles :

J’ai longtemps aimé
Regarder les trains bondés passer
Les trains passer
J’aurais peut-être dû
Y monter
… mais j’n’ai jamais osé

J’ai vu tant de visages
Des jeunes, des vieux, des pervers, des sages
Des sages
J’aurais bien voulu leur parler
Mais les vitres
… étaient toujours fermées

Assis sur mon banc
Je me demandais souvent si les gens
Les gens
Savent réellement où ils vont
Quand ils
… défilent comme des moutons

Tous ces visages… fugaces
N’ont laissé… aucune trace
Ils n’ont fait que passer
Sans savoir
… que je les regardais

J’ai fini par monter
Au hasard dans un de ces trains bondés
Bondés
Mais depuis lors je ne fais
Que regarder
… les gens sur le quai

Tous ces visages… fugaces
N’ont laissé… aucune trace
Ils n’ont fait que passer
Sans savoir
… que je les regardais

Nous sommes en 1995. Ce mitan de décennie est marqué pour toi par la mélancolie. Comme aurait dit Gramsci, « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Tu ne distingues pas encore bien les monstres. Tu redoutes même qu’en guise de monstres il n’y ait que le vide. Mais tu vois tout à fait ce qui, du vieux monde, se meurt, ou est déjà mort :

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Situation n°1 : Du haut de la roche Tarpéienne

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA 
Extrait de l’album “Particules” (2005)
Paroles et musique : Siegfried G
Benoît D : basse
Sébastien G : guitare
Stéphane P : guitare
Nathalie R : choeurs
Siegfried G : voix, guitare, clavier, programmation, mix
Paroles : 

Faut-il pour être honnête
S'envoler par la fenêtre
Pour s'envoyer en l'air
Boycotter
Les escaliers
Les pieds en bandoulière
Le pinceau, l'échelle au vestiaire ? 

Braver la gravité
C'est con mais qui accuser
Quand la vie quotidienne
A le défaut D'être au niveau zéro
Vue du troisième A l'approche de la trentaine

Comme du haut de la roche Tarpéienne
Comme du haut de la roche Tarpéienne...

Nous sommes en 2001. Tu es entre deux mondes : celui d’une grosse décennie d’excès, d’autodestruction (créatrice, dirait ce farceur de Schumpeter), de névroses, de chagrins, dont tu peines encore à te dépêtrer ; et celui de la décennie suivante, plus apaisée, plus responsable (il faut dire que ce petit être hurlant qui te prendra le petit doigt pour le téter, avant même de rencontrer le sein de sa mère, te ramènera vite sur terre, mais il te reste encore deux ans pour accomplir cette mue). Ton lieu de vie porte encore les stigmates de la décennie précédente. C’est pas Las Vegas Parano, mais c’est pas loin.

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Situations

Dans les années 50 et 60, les Lettristes et les Situationnistes pratiquaient « la dérive » dans le cadre de ce qu’ils nommaient « psychogéographie ». Il y a quelques années, j’avais eu l’idée de détourner le concept en substituant à la dérive urbaine qu’ils pratiquaient une dérive virtuelle le long de mon propre parcours « artisanal » (mot que je préfère à « artistique ») plutôt que dans un espace urbain. Au lieu de présenter mes productions au public uniquement de façon habituelle par date de diffusion ou regroupement thématique, je prévoyais de les présenter aussi sur un blog de façon aléatoire, invitant l’internaute à se mettre dans ma peau dans différentes situations, à travers des œuvres et la description de mon état d’esprit au moment de leur création, chaque nouvelle connexion ou nouveau clic sur « situation suivante » devant générer l’apparition aléatoire d’une nouvelle situation. Je comptais utiliser aussi les liens hypertextes à l’intérieur des posts pour tirer partie de la sérendipité et accentuer les possibilités de dérive à l’intérieur de ce qui serait devenu, au fil des publications, un vaste labyrinthe recelant toujours quelque chose d’inédit.

Le projet pouvait paraître narcissique mais avoir l’audace de présenter au public ce qu’on a fait l’est forcément un peu, de toutes façons. Et le côté « vis ma vie », pouvant aussi être pris pour un ironique pastiche de télé-réalité, me semblait ludique. C’était sans compter le temps que nécessite pour un profane la construction d’un site internet avec beaucoup de contenu, site au demeurant visité exclusivement par ma mère et un ou deux potes, je pense (celles ou ceux qui ont réussi à mémoriser le nom à coucher dehors du label ne courent pas les rues). Mais l’architecture de blog WordPress me permet tout de même à présent d’approcher un peu de l’idée originelle.

Bonne dérive, donc, à celles ou ceux qui voudront s’aventurer dans ce labyrinthe… (on en part quand on veut et on peut y revenir à tout moment). Si tout le blabla vous gave, écouter simplement la musique reste aussi une option.

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