Situation n°17 : “Ici ou ailleurs”

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA 
Extrait de l’albumNot Dead” (2011-2070)
Paroles & musique : Siegfried G
Musicien :
Siegfried G : voix, guitare, guitare à 12 cordes, claviers, programmation, mix
Paroles :

Est-ce l’ennui
Ou le manque d’appétit
Qui m’assomme
Et me vole
Mon énergie?

Est-ce la solitude
Fâcheuse habitude
Qui menace
De m’effa-
cer d’ici

A quoi bon être ici ou ailleurs
Si c’est toujours la même peur
Qui me tord
Les nerfs et qui me serre le coeur

Est-ce lassitude
Ou pure décrépitude
Que d’arriver à cet âge
Pour enrager davantage
Chaque jour

L’ironie du sort
Me donne tous les torts
Chaque soir je tourne autour
De l’abattoir et j’attends
Mon tour

A quoi bon être ici ou ailleurs
Si c’est toujours la même peur
Qui me tord
Les nerfs et qui me serre le coeur

Même la douleur qui m’envahit
Est fade sans saveur et sans vie
A l’heure où les plaisirs sont gris
Rien n’est plus précieux que l’oubli.

Nous sommes en 2023, mais aussi en 2022, mais aussi en 1997, ou peut-être 1996 voire 1995.

Nous sommes en 2023. Tu publies le titre “Ici ou ailleurs“, terminé en 2022 mais mis en attente de publication pour laisser couler “Le Titanic” qui ne fut terminé qu’en 2023, comme tu l’as raconté dans l’épisode 15 de ces “Situations”. Pour des raisons obscures, tu pensais en effet que “Le Titanic” devait être mis avant “Ici ou ailleurs” sur l’album évolutif “Not dead” qui rassemble depuis 2011 différents titres, le plus souvent inédits, conçus à l’origine pour le groupe Crème Brûlée (ou groupes antérieurs), d’où le sous-titre “Crème Brûlée hors-série n°3”. Tous les albums que tu as sortis en solo sous le nom de Siegfried G portent d’ailleurs la mention “Crème Brûlée hors-série”, sauf l’album “Particules” de 2005, qui, pourtant, comportait deux morceaux que tu jouais sur scène avec Crème Brûlée (“Du haut de la roche Tarpéienne” et “Jim“). Mais en 2005, Crème Brûlée n’existait plus et tu n’avais plus à présenter tes expérimentations solo comme une excroissance du groupe. En 2011, quand tu as commencé le projet “Not dead”, le groupe était bien mort, malgré une éphémère résurrection entre 2007 et 2010, mais y faire référence te permettait d’exorciser le sentiment d’inachevé que t’avait laissé l’expérience, et tu as conservé cette mention bien qu’il n’y ait plus vraiment de chances que le groupe se reconstitue un jour, tant les liens se sont distendus. Et si tu te décidais à appeler Stéphane ? Mais la dernière fois que tu lui as laissé un message, après plusieurs années sans se voir ni se donner de nouvelle, il ne t’a jamais rappelé, donc peut-être qu’il t’en veut de ne pas avoir appelé avant, ou peut-être que vous n’avez plus grand chose à vous dire, une fois sortis des anciennes beuveries et de l’atmosphère de chambrée virile qui te pesait parfois dans le groupe. On se complique la vie comme on peut.

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“Essonne”, vidéo de Siegfried G

Cris et chuchotements“, la série de vidéos enregistrées en live à la maison avec des lunettes de soleil (parce que c’est plus facile qu’avec des gants de boxe) ne présente pas seulement des reprises mais aussi des compos. Le titre “Essonne” a ainsi été publié pour la première fois en 2005, sur l’album “Particules“. En voici ici une version unplugged, avec une partie finale légèrement différente par rapport au morceau original.

Paroles & musique, voix & guitare folk : Siegfried G
Licence de diffusion : Creative Commons BY-NC-SA
Paroles :

Si les loyers sont trop chers
de Bastille à Voltaire,
partons en Essonne.
A deux pas du RER,
nous serons prospères,
en zone pavillonnaire.

J’aurai un garage et des outils,
je serai enfin un homme.
Le barbecue, le dimanche midi,
avant un petit somme,
en Essonne.

Malgré la crise immobilière,
soyons propriétaires
d’une bâtisse en Essonne.
Fi de la vie parisienne
et des Bourgeois Bohême.
Kirie Eleison !

J’aurai un garage et des outils,
je serai enfin un homme.
Le barbecue le dimanche midi
avant un petit somme,
en Essonne.

Etiolles, Brunoy, Corbeil, Marolles-en-Hurepoix, Draveil, Montgeron, Ris-Orangis, Verrières-le-Buisson, Fleury-Mérogis, Monthléry, Morsang, Vert-le-Petit, Vert-le-Grand, Mennecy, Igny, Juvisy, Evry, Yerres, Bondoufle, Echarcon, Estouches, Arpajon, Brières-les-Scelles, Chauffour-lès-Etrechy, Authon-la-Plaine, Lardy, Courances, Courcouronne, Courdimanche, Courson…

“Anarchy in the UK”, vidéo de Siegfried G

Dans la série “Cris et chuchotements” (vidéos enregistrées sur téléphone par Siegfried G en live à la maison avec des lunettes de soleil parce que c’est plus facile qu’avec des gants de boxe), voici une nouvelle reprise, “Anarchy in the Uk“, l’hymne punk des Sex Pistols craché pour la première fois à la face du monde en 1976, présenté ici en version pop sirupeuse à la guitare folk acoustique (parce que pourquoi pas).

Situation n°16 : Anniversaire

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA 
Extrait de l’albumParticules” (2005)
Paroles & musique : Siegfried G
Musicien :
Siegfried G : voix, guitare, harmonica, programmation
Paroles :

J’avais pris pour partir quelques précautions d’usage.
Des décoctions saphir devaient m’ouvrir le passage,
m’envoyer d’un seul tir au but suprême : les nuages.
J’avais pris pour finir plusieurs poignées sans bagages.
C’était assez pour m’irriter les mains sans ambages,
et m’éviter de dire que je frôlais le naufrage.

On m’avait vu pâlir sous les effets de la rage.
On m’avait vu souffrir de cette erreur d’arbitrage.
Nul n’aurait pu prédire quels en seraient les ravages.
On s’attendait au pire et de funestes présages
me vouaient au martyr inéluctable de l’âge :
condamné à croupir sur une vile voie de garage.

Nous sommes en 2005. Tu n’as plus de groupe depuis la séparation de Crème Brûlée en 2001. Quand tu y repenses, tu es partagé : les concerts te manquent, mais pas la galère du transport du matériel avec les bagnoles chargées de fûts de batterie et d’amplis, sans compter les joies de la location de sono (pourrie, forcément pourrie), les balances à faire dans des conditions parfois frustrantes (soit parce que vous devez les faire vous-mêmes, soit parce que l’ingé son s’occupe du groupe principal et que vous, première partie, n’êtes que des pièces rapportées qui devront se contenter de poser leur matos et de laisser la place aux vrais musiciens), le public parfois clairsemé, les patrons de bar acariâtres… Les répétitions aussi étaient devenues une corvée, dans les derniers temps : Jérôme, le bassiste, était de moins en moins disponible et de moins en moins motivé, Benoît, son prédécesseur, n’était plus disponible non plus ; à la batterie, Franck avait montré des qualités de jeu que tu jugeais avec le recul sous-estimées en leur temps, mais la construction laborieuse d’arrangements avec lui avaient fini par vous user, Stéphane et toi. Quant à la perspective de devoir auditionner à nouveau des bassistes et des batteurs, comme durant l’année terrible de 1997, vous n’en aviez plus le courage.
Et puis, après avoir passé la décennie précédente à regarder avec horreur les copains qui fondaient des familles avec enfants (les pauvres vous semblaient aussitôt perdus pour la société), vous en étiez venus vous-mêmes dans les années 2000 à découvrir les joies de la paternité, peu compatibles avec l’enchainement des répétitions et des concerts.

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Situation n°15 : Le Titanic

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA 
Extrait de l’albumNot Dead” (2011-2070)
Paroles & musique : Siegfried G
Musicien :
Siegfried G : voix, épinette picarde, guitares, guitare à 12 cordes, piano, programmation, mix

Illustration : Ellie-Rose G
Paroles :

Panique à bord du Titanic
Les enfants pleurent on coule à pic
Dites bonjour aux poissons
Qui nous verront
Sombrer

Le capitaine seul maître à bord
Voudrait nous voir tous crever d’abord
Admirez tous ces cons
Qui lui lèchent
Les pieds

Vous auriez dû
Vous méfier
Car nul n’ira
Vous regretter

Au fond du gouffre les poissons irradiés
Doivent ricaner de nous voir trépasser
Ils sont peut-être
Devenus
Carnassiers

Les culs-bénits font leur prière
Ils supplient encore dieu le père
Mais rien n’les empêchera
De couler
Comme des pierres

Vous auriez dû
Vous méfier
Car nul n’ira
Vous regretter

La mer est calme j’avais dû rêver
Tout compte fait il n’est rien arrivé
Tant pis j’ai tout mon temps
Je ne n’suis pas
Pressé

J’ai tout mon temps je n’suis pas pressé
Oui il ne s’est jamais rien passé
Mais j’aurais bien aimé
Les voir tous
Crever

Oh ! j’aurais dû
Me méfier
J’ai tant de choses
A regretter
Oh ! j’aurais dû
Me méfier
Car nul n’ira
Me regretter

Nous sommes en 2023. Mais aussi un peu en 1993, en 1995, voire en 2000, 2002, 2003, 2004, 2022 (si l’on regarde les différentes dates de sauvegarde de tes sessions de travail sur “Le Titanic”). En effet, c’est sans doute vers 1993 que tu as commencé à faire tourner la ligne de guitare minimaliste (tu ne savais jouer à peu près que les accords de la majeur et mi majeur) de ce qui allait devenir “le Titanic”. Tu te souviens notamment d’une longue après-midi d’impros chez Stéphane P, avec Eric C qui avait essayé par-dessus ta grille rythmique une gamme orientalisante qui sortait de son style habituel. Il reste peut-être trace de cela sur une des multiples cassettes que tu enregistrais à l’époque sur un vieux magnétophone. Par la suite, tu avais imaginé des paroles sur le thème du Titanic, métaphore d’une fin du monde que tu prophétisais à l’époque plus par névrose que par conscience aiguë de l’urgence climatique. Le fait d’être né pendant la guerre froide avait peut-être aussi planté dans ton esprit des images d’apocalypse nucléaire. Tu te doutais néanmoins que la métaphore pourrait s’appliquer à de nombreuses situations de naufrage prévisible. La fin du texte cultivait d’ailleurs l’ambiguïté, le passage à la première personne pouvant désigner le point de vue du narrateur embarqué ou du capitaine du paquebot lui-même.

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Situation n°5 : En-dessous de la mandragore

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Paroles : Siegfried G
Musique : Maya de Luna

Arrangement : Siegfried G
Musicien.ne.s :
Maya de Luna : chant
Siegfried G : clavecin, guitare, basse, programmation

Chris Thomas : programmation

Illustration : Siegfried G
Paroles : 

En dessous de la
Mandragore
Gît une pauvre âme
Dont le tort
Fut de ne pas croire au dieu
Terrible de ses aïeux,
Reniant leur confiteor.
Ainsi périt l’hérétique
Qui n’eut en guise de viatique
Que le baiser de la mort.

Pas la moindre larme
Pour le sort
De cette pauvre âme
Dont le tort
Fut de ne pas mortifier
Sa chair et de préférer
A l’esprit les joies du corps.
Ainsi périt l’hérétique
Il n’en reste que relique
Juste sous la Mandragore.

Nous sommes en 2007. Tu viens de collaborer à l’album ASAP de Mankind Concept, alias Chris, toulousain rencontré virtuellement sur les réseaux de musique libre (BnFlower, Jamendo, Dogmazic, Mon Cul Prod), et qui t’avait invité à chanter sur quelques morceaux de son album, en compagnie de la chanteuse lyonnaise Christine alias Maya de Luna. Le travail s’était réalisé à distance par échanges de fichiers : Chris vous envoyait son arrangement instrumental et les textes, puis Christine et toi ajoutiez votre partie vocale, à charge pour Chris de trier dans les prises et de mixer. De fil en aiguille, la collaboration s’était intensifiée, puisque sur les deux derniers morceaux d’ASAP, tu avais arrangé et mixé un titre (“Mariage improbable“), et fourni un morceau instrumental de ton crû que Chris avait retrituré et sur lequel il avait posé des paroles (“Esther Gaïa“). De là était née l’idée de constituer un trio virtuel, à l’image du groupe américain Tryad (qui avait eu un certain écho dans le petit monde de la musique libre) et de commencer à travailler sur un nouvel album réalisé cette fois en tant que groupe. Pour initier cette nouvelle coopération, vous aviez décidé de partir de quelques demos de Christine, constituées d’une ligne de piano et de vocalises ou de “yaourt”. Tu as ainsi jeté ton dévolu sur l’une d’elle, dotée d’une structure ternaire un peu boiteuse avec un potentiel mélodique certain.

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Situation n°4 : Biture à Bénarès

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Musique : Geoffroy, Siegfried G
Musiciens :
Geoffroy : sitar
Siegfried G : épinette, guitare, programmation basse batterie & percussions

Nous sommes en 2006. Tu publies ta première contribution à une « orgie sonore » de MCP (c’est-à-dire Mon Cul Prod, mais aussi Ma Courge Prolifique, Monstrueux Cerveaux Polymorphes, Mange Ces Pissenlits, Mon Caniche Propre, ou encore Mega Caca Popo…) : « Bollywood Chewing-gum », produit à partir de « Shankar : Biture à Bénarès » de Geoffroy, qui donnera lieu notamment à deux dérivations : 

— « String Bouddha », par maniaxmemori 

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Paroles : extraites par Maniaxmemori de “Brooklyn Movements”
par Da Bush Babees (Jamahl Hana, Acklins Dillon, Harold Lee, Salaam Remi)
Musique : Geoffroy, Siegfried G, Maniaxmemori, Da Bush Babees (Jamahl Hana, Acklins Dillon, Harold Lee, Salaam Remi)
Musiciens :
Geoffroy : sitar
Siegfried G : épinette, guitare programmation basse batterie percussions
maniaxmemori : programmation hip hop

— « Ravi Shankar en Ecosse », par Solcarlus 

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA
Musique : Geoffroy, Siegfried G, Solcarlus
Musiciens :
Geoffroy : sitar
Siegfried G : épinette, guitare, programmation basse batterie & percussions
Solcarlus : piano, programmation cornemuse
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Situation n°3 : Aucune trace

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA 
Paroles et musique : Siegfried G
Siegfried G : voix, guitare, harmonica, piano, tambourin
Paroles :

J’ai longtemps aimé
Regarder les trains bondés passer
Les trains passer
J’aurais peut-être dû
Y monter
… mais j’n’ai jamais osé

J’ai vu tant de visages
Des jeunes, des vieux, des pervers, des sages
Des sages
J’aurais bien voulu leur parler
Mais les vitres
… étaient toujours fermées

Assis sur mon banc
Je me demandais souvent si les gens
Les gens
Savent réellement où ils vont
Quand ils
… défilent comme des moutons

Tous ces visages… fugaces
N’ont laissé… aucune trace
Ils n’ont fait que passer
Sans savoir
… que je les regardais

J’ai fini par monter
Au hasard dans un de ces trains bondés
Bondés
Mais depuis lors je ne fais
Que regarder
… les gens sur le quai

Tous ces visages… fugaces
N’ont laissé… aucune trace
Ils n’ont fait que passer
Sans savoir
… que je les regardais

Nous sommes en 1995. Ce mitan de décennie est marqué pour toi par la mélancolie. Comme aurait dit Gramsci, « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Tu ne distingues pas encore bien les monstres. Tu redoutes même qu’en guise de monstres il n’y ait que le vide. Mais tu vois tout à fait ce qui, du vieux monde, se meurt, ou est déjà mort :

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Situation n°1 : Du haut de la roche Tarpéienne

Morceau diffusé sous licence Creative Commons BY-NC-SA 
Extrait de l’album “Particules” (2005)
Paroles et musique : Siegfried G
Benoît D : basse
Sébastien G : guitare
Stéphane P : guitare
Nathalie R : choeurs
Siegfried G : voix, guitare, clavier, programmation, mix
Paroles : 

Faut-il pour être honnête
S'envoler par la fenêtre
Pour s'envoyer en l'air
Boycotter
Les escaliers
Les pieds en bandoulière
Le pinceau, l'échelle au vestiaire ? 

Braver la gravité
C'est con mais qui accuser
Quand la vie quotidienne
A le défaut D'être au niveau zéro
Vue du troisième A l'approche de la trentaine

Comme du haut de la roche Tarpéienne
Comme du haut de la roche Tarpéienne...

Nous sommes en 2001. Tu es entre deux mondes : celui d’une grosse décennie d’excès, d’autodestruction (créatrice, dirait ce farceur de Schumpeter), de névroses, de chagrins, dont tu peines encore à te dépêtrer ; et celui de la décennie suivante, plus apaisée, plus responsable (il faut dire que ce petit être hurlant qui te prendra le petit doigt pour le téter, avant même de rencontrer le sein de sa mère, te ramènera vite sur terre, mais il te reste encore deux ans pour accomplir cette mue). Ton lieu de vie porte encore les stigmates de la décennie précédente. C’est pas Las Vegas Parano, mais c’est pas loin.

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