Back to Daptone

Connaissez-vous le label Daptone ? Sis à Brooklyn où les fondateurs, les musiciens Gabriel Roth et Neal Sugarman, avaient installé un studio d’enregistrement analogique dans un petit immeuble familial, il s’est spécialisé depuis 2001 dans la musique soul, avec des artistes comme les regretté·e·s Sharon Jones ou Charles Bradley, reprenant fièrement le flambeau des Stax et Motown des années 60-70, avec un son chaud et groovy garanti sans effets numériques ni ordinateurs, lorgnant aussi vers le funk ou l’afro-beat. Amy Winehouse avait d’ailleurs enregistré son fameux album Back to black avec les Dap-Kings, le groupe résident du label. 

Eh bien, la machine soul tourne toujours à plein régime en 2024, y compris avec des boutures de Daptone Records, comme les labels Penrose, Wick, Ever-soul, Dunham, comme en témoignent ces deux sorties récentes, “Illusions” de Jalen Ngonda, extrait de l’album “Come around and love me”, délicieusement seventies), et le superbe “Over and over” de The Altons, enregistré live dans les studios de Penrose Records :

Waiting (toujours) for the man

J’ai une vieille obsession pour ce titre du Velvet Underground, “Waiting for the man”, paru en 1967, dont les toutes premières versions audibles remontent même à 1965. J’ai l’ai moi-même repris avec les Black Noddles, les Vaches Folles, ou en solo, comme je l’ai raconté sans “Situation n°11“, “Situation n°12” et “Situation n°13“.

Le texte de Lou Reed (mort en 2013) raconte l’histoire d’un junkie qui attend désespérément son dealer d’héroïne… jusqu’à la délivrance du fix “until tomorrow but that’s just some other time“. Si fort heureusement tout le monde ne se shoote pas à l’héro, ce morceau a quelque chose d’universel par la force de l’image sisyphienne qu’il suscite et du manque qu’il nous fait brièvement partager. La musique y contribue aussi par sa simplicité : deux accords se succèdent de façon lancinante, avec un troisième juste une fois sur les refrains, ce qui laisse la possibilité de quantité de variations dans l’interprétation. Lou Reed a lui-même continué à jouer “Waiting for the man” avec des arrangements différents, mais les autres membres du Velvet, John Cale, Nico, ou même Moe Tucker ou Doug Yule l’ont repris aussi. Parmi d’autres versions notables, dénichables sur des bootlegs live, on citera aussi celles d’Iggy Pop ou David Bowie, ce dernier l’ayant même chantée pour son cinquantième anniversaire avec nul autre que ce brave Loulou (Reed). On jettera cependant un voile pudique sur la version de Vanessa Paradis.

Mais voici qu’il y a quelques jours sortait une nouvelle reprise de “Waiting…” par un certain Keith Richards, oui, l’homme-riff des Rolling Stones lui-même, 80 piges bien sonnées. Quand un gars ayant survécu miraculeusement à toutes les drogues rend hommage à un gars qui racontait en musique sa quête éperdue d’un dealer, on n’a plus qu’à écouter. Ça ne révolutionne rien, mais ça ne fait pas de mal par où ça passe, et c’est moins cher et moins toxique que la dope, après tout. 

Situation n°18 : “Now and then”

Paroles & musique : John Lennon / Paul McCartney
Musicien :

Siegfried G : voix, piano

Nous sommes en 2024. A l’approche de la fin de l’année 2023, tu t’étais promis de publier un billet de critique musicale pour faire le bilan des nouveautés de l’année. Tu avais dans l’idée d’évoquer avec un relatif dédain l’album Songs of surrender de U2, oubliable remake des titres phare du groupe en version épurée et en moins bien (même constat pour Before and after de Neil Young ou Dark side of the moon redux de Roger Waters ou pour l’affreux The Versions de Neneh Cherry), le déplorable C’est la vie de Madness, le sympathique mais sans plus Relentless des Pretenders, le très inutile For that beautiful feeling des Chemical Brothers (réutiliser exactement les mêmes sons qu’il y a 30 ans pour pondre des tracks moins percutants, était-ce vraiment nécessaire ?), le pas désagréable mais pompeux But here we are des Foo Fighters, le surprenant mais lassant sur la durée Los Angeles de Lol Tolhurst, Budgie et Jacknife Lee (respectivement ancien batteur puis claviériste de The Cure, ancien batteur de Siouxsie & the Banshees et des Creatures, et ancien producteur de REM, U2, etc.), le bien nommé End Of World de Public Image Limited (de l’ancien chanteur des Sex Pistols devenu trumpiste et candidat à l’Eurovision : oui, c’est parfois moche de vieillir), l’ennuyeux Seven Psalms de Paul Simon, les fonds de tiroir sans grand intérêt du pourtant très talentueux Andy Bell dans l’album Strange loops & outer psych (qui ne suffira pas à te faire patienter jusqu’à la sortie du prochain album de Ride), le rigolo mais un poil rugueux à l’oreille All the Kids Are Super Bummed Out de Luke Haines (tête pensante de The Auteurs et Black Box Recorder) & Peter Buck (guitariste de REM) dont on aurait pu attendre mieux (ce dernier joue d’ailleurs également sur le plaisant Grand Salami Time ! de The Baseball Project), le peu réjouissant In between sad de The Warlocks, le déjà vu Boom boom de Pascal Comelade & The Limiñanas (Lionel Limiñana étant plus convainquant sur Thatcher’s not dead, puissant hommage à la classe ouvrière britannique réalisé avec David Menke, Oliver Howlett et les autres Limiñanas), le Can We Do Tomorrow Another Day ? (dont tu regrettes de dire qu’il apporte une réponse plutôt négative à la question posée) de Galen & Paul (Paul n’étant autre que Paul Simonon, l’ancien bassiste de The Clash), le très décevant Council skies de Noel Gallagher’s High Flying Birds (l’autre frangin terrible d’Oasis, Liam Gallagher, semble s’en tirer beaucoup mieux avec ce que tu as déjà pu entendre de l’album à venir qu’il a réalisé avec John Squire, le guitariste des Stone Roses, dont on peut d’ailleurs déjà reconnaître les riffs sur la version de Champagne Supernova présente sur l’album live que le même Liam Gallagher a sorti aussi en 2023), l’inaudible Mercy de John Cale, le peu inspiré This stupid world des pourtant très inspirants Yo la tengo, le routinier Darkadelic de The Damned, le même jugement convenant tout à fait aussi à The future is your past de Brian Jonestown Massacre ou à Memento mori de Depeche Mode, ou encore les 3 ou 4 albums annuels de Guided By Voices auxquels tu pardonnes tout sans attendre la même mansuétude de la part de tes lecteurs ou lectrices, pour peu qu’il y en ait, sait-on jamais…

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“Sirène”, nouveau titre de Siegfried G

Sirène de New Quay, Pays de Galles. Photo de Serge Victor G

Après “Le poivrot“, publié en 2022, puis “Le Titanic” et “Ici ou ailleurs” (dont la genèse a été racontée dans “Situations“) publiés en 2023, nous terminons l’année avec un nouveau morceau de l’album “Not dead” de Siegfried G. “Sirène“, dont la piste instrumentale de piano Wurlitzer avait déjà été publiée en 2007, est un morceau écrit et composé dans les années 1990. La perte des pistes instrumentales jouées sur séquenceur Roland JW-50 est racontée dans Situation n°6. Mais cet arrangement orchestral a pu être récupéré en 2022, et la partie vocale enfin être enregistrée, avec ajout d’une guitare et mix final. Voici une occasion d’entendre un cinquantenaire essayer de chanter aujourd’hui comme Charlotte Gainsbourg en 1986. Bonne écoute.

Paroles

Te souviens-tu petite sirène
De ces nuits sous la lune
Quand tu courais à perdre haleine
Perdue dans la brume ?
Je te cherchais parmi les pierres
Et j’en perdais le nord
Au milieu des stèles funéraires
Sans respect pour les morts.

Quand je te retrouvais dans l’ombre
Tu n’avais pas l’air si déçu.
Nous nous allongions sur la tombe
D’un soldat inconnu.

Tous ces morts ont-ils de la peine ?
Ils n’entendent plus ta voix.
Nos jeux leur semblaient-ils obscènes
Du fond de leur trépas
Peut-être attendent-ils la nuit
Où tu les rejoindras
Pour mettre fin à leur oubli
Peut-être même y es-tu déjà ?

Si un jour dégoûté du monde
Je constate que je n’en peux plus
Je m’allongerai sur la tombe
De ce soldat inconnu.

Te souviens-tu petite sirène
Quand tu courais à perdre haleine ?
Je te cherchais parmi les pierres
Au milieu des stèles funéraires…

Si un jour dégoûté du monde
Je constate que je n’en peux plus
Je m’allongerai sur la tombe
De ce soldat inconnu.

Licence de diffusion

Paroles & musique : Siegfried G
Siegfried G : voix, guitare, claviers, programmation

Extrait de l’album de Siegfried G : “Not Dead (Crème Brûlée hors-série n°3)

Photo : Serge Victor

“Loneliness” par Siegfried G

Nouvelle vidéo en live de la série “Cris et chuchotements“.

Siegfried G interprète ici au piano un Andantino parfois titré « Loneliness » sur certaines partitions (“Yvan sings” sur d’autres), extrait des « Aventures d’Yvan » du compositeur arménien soviétique Aram Khachaturian (ou Khatchatourian). Ce morceau avait notamment été repris par Serge Gainsbourg pour sa fille sur le titre “Charlotte Forever”, avec un arrangement années 80 oubliable qui nous fait préférer nettement le morceau original (Gainsbourg, il faut le reconnaître, avait fait bien mieux en matière d’adaptation pop du répertoire classique).

Pour l’anecdote, Khachaturian fut en 1941 lauréat du prix Staline et fit longtemps figure de compositeur officiel de l’URSS.

L’occasion d’avoir une pensée pour les bureaucrates enfermés dans leur solitude après avoir épuré leur organisation. Il en reste encore, hélas, aujourd’hui.

“Essonne”, vidéo de Siegfried G

Cris et chuchotements“, la série de vidéos enregistrées en live à la maison avec des lunettes de soleil (parce que c’est plus facile qu’avec des gants de boxe) ne présente pas seulement des reprises mais aussi des compos. Le titre “Essonne” a ainsi été publié pour la première fois en 2005, sur l’album “Particules“. En voici ici une version unplugged, avec une partie finale légèrement différente par rapport au morceau original.

Paroles & musique, voix & guitare folk : Siegfried G
Licence de diffusion : Creative Commons BY-NC-SA
Paroles :

Si les loyers sont trop chers
de Bastille à Voltaire,
partons en Essonne.
A deux pas du RER,
nous serons prospères,
en zone pavillonnaire.

J’aurai un garage et des outils,
je serai enfin un homme.
Le barbecue, le dimanche midi,
avant un petit somme,
en Essonne.

Malgré la crise immobilière,
soyons propriétaires
d’une bâtisse en Essonne.
Fi de la vie parisienne
et des Bourgeois Bohême.
Kirie Eleison !

J’aurai un garage et des outils,
je serai enfin un homme.
Le barbecue le dimanche midi
avant un petit somme,
en Essonne.

Etiolles, Brunoy, Corbeil, Marolles-en-Hurepoix, Draveil, Montgeron, Ris-Orangis, Verrières-le-Buisson, Fleury-Mérogis, Monthléry, Morsang, Vert-le-Petit, Vert-le-Grand, Mennecy, Igny, Juvisy, Evry, Yerres, Bondoufle, Echarcon, Estouches, Arpajon, Brières-les-Scelles, Chauffour-lès-Etrechy, Authon-la-Plaine, Lardy, Courances, Courcouronne, Courdimanche, Courson…

“Anarchy in the UK”, vidéo de Siegfried G

Dans la série “Cris et chuchotements” (vidéos enregistrées sur téléphone par Siegfried G en live à la maison avec des lunettes de soleil parce que c’est plus facile qu’avec des gants de boxe), voici une nouvelle reprise, “Anarchy in the Uk“, l’hymne punk des Sex Pistols craché pour la première fois à la face du monde en 1976, présenté ici en version pop sirupeuse à la guitare folk acoustique (parce que pourquoi pas).

Cris et chuchotements

C’est à l’occasion des dérives textuelles et musicales du projet “Situations” qu’est née l’idée de ce concept de “Cris et chuchotements” dont l’intitulé emprunte ironiquement au cinéma d’Ingmar Bergman : des morceaux exécutés en live à la maison, avec des lunettes de soleil (parce que c’est plus facile qu’avec des gants de boxe), un ou deux instruments, un téléphone portable pour capter les images et le son, avec éventuellement le renfort d’un ordinateur portable pour filmer des contre-champs. Pour les cris, on ne s’interdit rien, mais par la force de la vie de famille et d’une compagne qui travaille souvent à la maison, on s’en tiendra plutôt pour la voix aux chuchotements.

Cela aurait de la gueule de jouer alangui dans ce décor de Bergman, non ?

Le répertoire sera constitué selon l’humeur et les capacités du moment de nouveaux arrangements d’anciens morceaux de notre répertoire, de reprises (Velvet Underground, Oasis, Neil Young, Beatles, Guided By Voices, Sex Pistols…), voire de nouveaux morceaux encore inédits.

Pour inaugurer cette série, voici deux versions de “Waiting for the man” du Velvet Underground, avec ukulele pour la première, ukulele et harmonica pour la seconde, et une reprise de “Décembre plombé”, morceau de Stéphane P originellement chanté par lui, et repris ici par Siegfried G au piano électrique, dans un arrangement très différent de ce qu’il faisait sur ce morceau à la guitare en 1999 au sein du groupe Crème Brûlée.

A suivre…

Cris et chuchotements

Auteur : Siegfried G

Date : projet en cours depuis 2023

Infos :

Cris et chuchotements” n’est pas à proprement parler un album. Il s’agit d’un ensemble de vidéos de morceaux exécutés par Siegfried G en live (à la maison) et avec des lunettes de soleil (parce que c’est plus facile qu’avec des gants de boxe), images et sons étant captés simplement par téléphone portable avec éventuellement un ordinateur portable aussi pour filmer un contre-champ.